XXXIV

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Je suis contrariée qu'il se permette de faire comme si de rien était, de rentrer comme ça chez moi et de me faire un thé. Mais il me connait, il sait que j'ai envie d'un thé parce que je suis gelée, fâchée et triste aussi. Pendant qu'il remplit la bouilloire d'eau, je vais au salon chercher ma couverture. Quand je reviens dans la cuisine, je l'observe. Je sais qu'il sait que je suis là, dans l'embrasure de la porte, à le regarder. Il connait la place de toutes les choses. Il sort les tasses. Il choisit nos préférées. Pour moi, la blanche avec le sapin de Noël entouré de flocons de neiges. Celle que l'on avait achetée quand nous sommes allés au ski pour mon anniversaire, il y a deux ans. Pour lui, il prend la bleue avec écrit « You » que je lui avais offerte pour la Noël, il y a trois ans, et qu'il avait décidé de laisser ici pour avoir SA tasse quand il restait à la maison. Je l'observe sortir les thés, et choisir le mien. Il est la seule personne capable de choisir mon thé, selon mes humeurs, et de ne pas se tromper. Il sort un sachet de la boite de thé aux myrtilles. Dix sur dix. C'est toujours celui-là que je choisis quand je suis triste ou contrariée. Je suis chacun de ses mouvements. Comme je le pressentais, il se choisit le thé aux fruits rouges, pour lui, c'est celui-là son thé réconfort. Il ajoute deux cuillères de sucre, comme d'habitude, dans sa tasse. Même si je suis toujours énervée contre lui, ces gestes ont quelque chose de réconfortant et de rassurant. J'ai l'impression que c'est comme rentrer à la maison. Retrouver ses habitudes. Me retrouver dans mon petit cocoon qu'était notre relation... Mes habitudes, au fond, c'est lui. Ça me fait mal de m'en rendre compte. Pourquoi suis-je aussi accro à lui ? Pourquoi est-ce que je ne suis pas capable de passer à autre chose et de le haïr comme il le mérite ? Je suis tellement faible face à lui. Je m'en veux... Je repars dans le salon. Même le regarder nous faire du thé me fait mal. Je suis une cause perdue face à ce garçon.

Peu de temps après, il me rejoint portant un plateau avec nos deux tasses et quelques biscuits. Quand il s'installe à côté de moi sur le canapé, j'hésite à me lever et à aller m'asseoir sur l'autre canapé. Il doit probablement sentir le malaise s'installer car il s'exécute, et va s'asseoir sur le canapé d'à côté.

- Je t'ai fait un thé aux myrtilles me dit-il en me souriant

- Je sais, j'ai vu.

- Ok répond-t-il en me tendant ma tasse.

Je l'attrape mais je n'arrive pas à le regarder dans les yeux. Je sens qu'il me regarde. Mais je reste figée sur ma tasse. Elle est brûlante, mais ça me fait du bien aux mains, mes doigts étaient encore un peu engourdi à cause du froid lors de notre discussion devant la porte.

- Tu regardes encore Ps : I love you ? me demande-t-il en souriant. Il n'a jamais aimé ce film. Nous étions allés le voir au cinéma ensemble et, pendant tout le film, il n'avait pas arrêté de faire des commentaires et de dire que c'était gnangnan.

Comme je ne lui réponds pas, il continue.

- Ella. Je sais que t'apporter de la glace ce n'était pas la meilleure des idées, surtout en plein mois de février, mais il fallait que je passe te voir, et c'est tout ce que j'ai trouvé au magasin de nuit. J'avais le choix entre de la glace, et une bouteille d'alcool. Et, honnêtement, après la soirée d'hier, j'ai supposé que c'était peut-être mieux pour moi d'éviter l'alcool.

- Sur ce point, tu as raison dis-je en levant un regard noir sur lui.

Rapidement, je baisse à nouveau les yeux vers ma tasse. Le regarder me fait tellement de mal. Ses yeux bleus qui avant me faisaient fondre... Je dis faisaient, mais en fait, je pourrais simplement dire « qui me font fondre ». Quelle imbécile je fais. J'aimerais tellement pouvoir lui résister... Lui envoyer ma tasse à la figure... Encore cet après-midi, je me disais que je devrais peut-être me faire enlever mes tatouages, mais quand je le vois, j'oublie tout, et toutes mes résolutions avec.

Comment oublier?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant