Comment oublier?

XXIV

Je crie tellement fort que nous voyons des gens monter les escaliers pour venir voir ce qu'il se passe en haut. J'aperçois rapidement Mia qui essaye de faire redescendre les invités. Ensuite, je la vois, elle. Anna. Elle s'avance vers nous, tout sourire.

- Salut toi ! Elle pose un baiser sur la joue de Théo qui passe son bras autour de sa taille.

- Enchantée, je suis Anna. Merci de m'avoir invitée.

Elle me tend la main. Je la regarde alternativement avec Théo. Je cherche au loin Mia, mais elle est toujours occupée à faire descendre les invités, qui eux, pour le coup, savent qui nous sommes l'un pour l'autre, Théo et moi. Comme je ne lui tends pas la main, Anna se rétracte. Elle regarde Théo en guise de soutien. Je reste silencieuse. Aucun son n'arrive à sortir de ma bouche.

- C'est vraiment sympa en tout cas, l'amitié que tu as avec Mia. Je ne pensais pas que c'était possible de se lier d'amitié comme ça avec la nouvelle copine de son ex.

En l'entendant, je manque de m'étrangler avec ma propre salive.

- Pardon ?

Je recommence à crier. Je m'en veux de me donner en spectacle comme ça, mais j'ai l'impression que le monde entier est en train de se foutre de ma gueule. J'ai l'impression que le sol se dérobe sous mes jambes. Je me sens flancher. Je dois poser la main sur le fauteuil trônant dans le couloir pour ne pas tomber. On penserait presque qu'une caméra va débarquer et crier « On t'a eue ». Je vous assure que je me sens conne, ridicule même, en ce moment.

- Théo, tu vas trop loin là. Moi je ne rentre pas là-dedans.

Anna se retourne vers Théo, puis vers moi. Je vois petit à petit qu'elle comprend que quelque chose ne va pas.

- Ecoute Anna... Je suis moi-même étonnée de prendre la parole... Je ne suis pas l'ex petit-copine de Connor. Je suis...

Nous sommes interrompus par Mia qui arrive. Elle passe son bras autour de mes épaules et autour de celles de Théo. Elle nous prend tous les deux à part, laissant cette pauvre Anna, seule, au milieu du couloir.

- Ecoutez les gars, je vous adore tous les deux (elle a bu, ça s'entend à sa voix), enfin surtout Ella, parce que toi t'es un vrai con, dit-elle en regardant Théo. Je ne peux réprimer un sourire. Mais évitez de faire un esclandre à la soirée de mon chéri, s'il-vous-plait.

- Mia, laisse-nous régler ça. Je suis sèche avec elle, à tel point qu'elle me regarde d'un ton interrogateur.

Je me sens donc obligée de lui expliquer ce que Théo a inventé à sa copine, de manière à justifier notre comportement, même si ça me gêne beaucoup d'avoir été l'ex petit-copine « cachée ». Lorsque je me retourne, je vois Anna qui s'avance vers nous. Elle a les yeux braqués sur les chevilles. Elle a compris. Une fois arrivée à ma hauteur, elle lève les yeux vers moi, ils sont emplis de larmes. Elle nous regarde alternativement Théo et moi. Ça dure pendant un temps qui me semble durer des heures. Je ne sais pas ce que je dois dire, ni ce que je dois faire. Si j'étais à sa place, que l'on m'avait menti comme ça, je serais anéantie. Je pense que je partirais, et que je le giflerais avant. Comme si elle pouvait lire dans mes pensées, elle lève la main vers le visage de Théo et le gifle avec une telle intensité, que l'on aurait pu croire que sa tête allait se dévisser. Lorsque je la regarde, je n'éprouve plus de la colère envers elle, elle m'inspire plutôt de la pitié. Je ne sais pas pourquoi, mais je m'avance vers elle et l'attrape par le bras pour l'entrainer à l'écart. Théo, lui, reste immobile, bouche bée. Il n'a même pas essayé de se défendre. Il n'a rien dit. Quand je me retourne, je vois tout le monde, au-dessus de l'escalier, en train de regarder la scène. Elle doit se sentir tellement humiliée, plus que moi, en ce moment-même. Je sors une petite clé de mon soutien-gorge et ouvre la porte de ma chambre, dans laquelle je rentre avec Anna.