Quelques minutes se passent jusqu'à ce que je sois rapidement rejoint par ma mère qui accoure auprès de son fils chéri. N'est-ce pas adorable de sa part?
Elle replie soigneusement sa jupe mousseline de soie imprimée rose et réajuste son chemisier impeccablement repassé avant de venir s'asseoir à côté de moi. Tout d'abord gênée par le fait que je ne lui adresse aucun signe d'attention, elle me prend le bras et pose sa tête sur mon épaule. Je ne réagis toujours pas, le regard scrutant l'horizon.
- Je suis désolée mon grand...
- ...
- Tu m'en veux ? reprend-elle
- D'après toi, je devrais ? lui répondis-je calmement sans lâcher le point que je me suis fixé au loin .
Elle hausse les épaules en guise de réponse. Elle attend certainement de moi que je réagisse de façon excessive (comme à mon habitude), mais il serait trop facile de rentrer dans son jeu et de me livrer directement. Je préfère voir ou elle veut en venir. Elle met quelques secondes avant de reprendre sa respiration et de se lancer :
- Tu sais je n'ai pas pu te contacter avant.
- Ou pas voulu plutôt répondis-je sur le même ton monocorde que depuis le début de notre échange.
- Non ! ne dis pas ça ! c'est suffisamment douloureux pour moi.
A ma grande surprise, c'est elle qui commence à bouillir intérieurement face à mon attitude détachée.
- Et pour moi ? tu as pensé à moi ? repris-je
- Oui je pense souvent à toi mon grand me dit-elle avec une voix tremblante.
- Je ne pense pas non, sinon tu agirais autrement.
A partir de ce moment-là, je commence à perdre mon sang froid devant son hypocrisie dégoulinante et décide de me lever pour laisser s'échapper les tensions qui doucement s'insinuent en moi.
- Yann, ne sois pas méprisant !
Nous y revenons ! Elle essaie de faire de l'autorité.
- Méprisant ? est-ce que tu sais ce que ça veut dire méprisant ? méprisant c'est exactement ce qui vous caractérise ton mari et toi ! j'ajouterai aussi le terme égoïste pour vous qualifier et surtout menteur et manipulateur.
- Yann ! comment tu peux dire ça ? on a tout fait pour toi !
Les hostilités commencent, je suis prêt. Allons-y !
- Tout fait pour moi ? mais c'est une plaisanterie ! oui vous avez trouvé une solution pour me sortir de la situation dans laquelle j'étais mais en contrepartie vous m'en faites payer le prix fort et c'est comme si je n'étais pas complètement libre de mes mouvements. Vous me faites payer mes erreurs en m'obligeant à rester avec cette....fille.
- Mais Katie est quelqu'un de très bien !
- Oh non crois-moi, elle est loin d'avoir les mains propres !
- Qu'est-ce que tu veux dire par là ? continue –elle surprise par ma réponse.
- Ah tu n'es pas au courant ?! ben non j'oubliais, ton cher et tendre ne t'as pas tenu informée de notre petite altercation ?
Elle baisse les yeux en signe de soumission et ce comportement me fait sortir de mes gonds.
- Mais bon sang secoue toi maman ! tu n'as pas à baisser les yeux devant moi, je ne suis pas un bourreau manipulateur comme celui qui t'as passé la bague au doigt il y a des années ! Réagis ! Je suis ton fils et je ne me permettrai jamais d'agir comme lui peut le faire.
Elle se met à sangloter en silence. Depuis toutes ces années de pratique, elle a l'habitude de se faire très discrète lorsqu'il s'agit de ses émotions et ça me brise le cœur. Je ne l'ai jamais vu dans cet état. Je me baisse et la prends dans mes bras pour la rassurer.
- Je suis si désolée...
- Arrête d'être désolée et réagis !
- Que s'est-il passé l'autre jour avec ton père ?
Je commence et elle se décompose au fur et à mesure de mon récit. Etrangement, notre conversation doit durer depuis maintenant une petite vingtaine de minutes mais personne n'ose venir nous interrompre. A la fin de notre échange, elle m'assure qu'elle n'est au courant de rien de ce qui a pu se tramer entre les deux hommes en termes d'accord quelconque et me répète pour la énième fois qu'elle est désolée, ce qui me hérisse légèrement le poil.
En revanche, je suis soulagé d'avoir pu lui dire librement ce que j'avais sur le cœur. Bien que je lui en veuille de n'avoir jamais osé ouvrir la bouche face à mon père, je ne peux pas lui reprocher toute mon histoire à elle seulement.
Après quelques minutes de silence, elle se lève et m'informe qu'elle va rejoindre le reste des convives. Je lui demande de ne rien dire à mon père concernant les révélations que je lui ai faites et que je souhaitais régler mes problèmes seul.
- Auriane aurait-elle un quelconque rapport avec ton changement d'attitude soudain vis-à-vis de Katie ?
- Pas que ...pourquoi ?
- Je sais parfaitement que ta sœur ne la porte pas dans son cœur ! elle ne l'a jamais vraiment supporté.
- Et j'aurai du l'écouter depuis toutes ces années, c'est elle qui avait raison !
- Tu as tout de même passé de bons moments avec Katie, ne regrette pas ce qu'il s'est passé...
- Je ne regrette pas, je me dis simplement que j'ai perdu du temps et maintenant je veux connaitre la vérité. Je suis quand même le joker qu'on utilise dans cette histoire !
- J'ai comme le sentiment que tu me caches autre chose ?
- C'est-à-dire ?
- Je ne sais pas...tu es encore très nerveux mais tu arrives beaucoup mieux à te contenir depuis quelques temps...
- La boxe et la course à pied me détendent.
- Tu es sur qu'il n'y a que ça ? me lance-t-elle avec un regard en coin.
Je reconnais alors ce regard rieur que ma mère arborait lorsque l'on était petit et qu'elle nous faisant des séances de chatouilles allongé sur le lit. C'était un des rares moments ou ma sœur et moi étions libérés de la pression que nous inculquait notre père.
- Non rien d'autre !
- Je ne te crois pas ! je sais quand même reconnaitre quand mon fils joue les cachotiers...et notamment en matière de fille... je me trompe ?
- Peut-être !
A cet instant, je ne sais pas si je peux me confier à ma mère, je me contente donc de lui dire :
- Vas rejoindre tes amis ! j'arrive dans cinq minutes.
Comme si elle s'était délestée de lourds boulets accrochés aux chevilles, elle repart d'un pas bien plus léger qu'à son arrivée.
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Bad Trip - Tome 2
RomanceAlice a enfin compris qui était celui qui se cachait derrière tous ces indices et commence à comprendre les motifs de cette attitude. Elle est cependant loin de s'imaginer dans quel capharnaüm familial elle a mis les pieds malgré elle. Yann vient d...