Vitesse supérieure

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Tel un robot, j'exécute sans réfléchir les mêmes gestes matinaux à l'exception que je ne me rends pas tout à fait compte de ce que je fais au point que je rate la bouche avec ma brosse à dents.

Lorsque j'arrive au travail – ou plutôt dans l'entreprise de beau papa qui s'occupe de maintenance informatique – je n'ai pas envie de saluer mes collègues et je vais directement à mon poste de travail. Le beau violet qui illumine ma pommette droite ne passe pas inaperçu aux yeux de Karl qui est assis en face de moi. Alors Karl comment le définir ? Gentil mais un peu niais et surtout casse bonbon à toujours vouloir tout fouiner dans la vie privée des autres. Je dois quand même dire qu'il fait partie des rares à ne pas m'avoir jugé quand il a su que j'étais le gendre du boss.

- Tu t'es battu ?

- Non je me suis pris une porte!

Je me surprends alors à mentir. Je ne peux pas avouer que c'est une petite minette d'à peine un mètre soixante-dix qui a pu me faire ça ! je continue sur ma lancée :

- Je me suis retourné un peu vite et la porte était ouverte

- Ah ok !

Il ne semble absolument pas convaincu par ma réponse mais ça fera bien l'affaire jusqu'à ses prochaines questions. Je commence alors à traiter les demandes d'anomalies des entreprises utilisatrices. Mes pensées oscillent entre Katie et Alice. Comment vais-je me sortir de cette situation ? et mon père...je me dois de l'affronter ! je ne dois pas me dégonfler et comprendre la vraie raison qui l'a poussé à m'utiliser. Alors que l'adrénaline est entrain de monter en moi, on me tapote sur l'épaule. Lorsque je me retourne je fais face à « mon beau père » qui me demande du regard de le suivre dans son bureau. Je sens que je vais passer un mauvais quart d'heure. Ceux qui sont sur le même plateau que moi me regardent le suivre lentement. As-t-il eu vent de ce qu'il s'est passé hier soir ? sa chère fifille est-elle allée pleurer dans les jupons de papa ? je dois me contenir et faire bonne figure (comme d'habitude)

- Entre Yann, installe-toi me dit il de façon enjouée.

- Merci. Il y a un problème ?

- Je voulais te voir à propos de Katie

Je reste silencieux et acquiesce.

- Voilà, c'est un petit peu délicat mais, tu sais tu es l'homme de sa vie !

Je déglutis sans bruit et me touche l'oreille droite, signe que je ne suis pas à l'aise du tout

- Encore ce matin au petit déjeuner elle m'a expliqué les sentiments qu'elle avait pour toi, tu la combles de bonheur, et cela fait maintenant deux ans que vous êtes ensemble. Je te passe les détails de sa description, mais apparemment tu es l'homme parfait. Je n'en doute pas moi non plus d'ailleurs en posant solennellement sa main sur mon épaule. Je déteste ce genre de contact qui n'a rien de sincère. Il continue :

- Elle ne sait pas trop comment te le dire et d'ailleurs elle n'est pas au courant de mon intervention de ce matin, mais j'ai bien compris qu'elle aimerait passer la vitesse supérieure

Supérieure ? la chaleur commence à m'envahir. Yann contient toi !

- C'est-à-dire ? vitesse supérieure ?

- Ne fais pas la sourde oreille Yann, tu es un garçon intelligent n'est ce pas...

Il se dirige vers la porte et me fais comprendre qu'il est l'heure pour moi de quitter les lieux

- Réfléchis bien, je pense que vous êtes faits l'un pour l'autre et tu sais les femmes ont besoin de geste mais aussi d'engagement pour être rassuré insiste t-il avec un clin d'œil suggestif.

Aucun mot n'arrive à se frayer un chemin alors je lui adresse un sourire niais en guise de réponse et regagne ma place dans le brouillard le plus total.

Passer à la vitesse supérieure ? Ça veut dire quoi concrètement ? S'installer ensemble ? Se fiancer ? Se marier ? Avoir des enfants ? mais jamais de la vie...je ne veux rien de tout ça avec elle ! et elle lui en a parlé ce matin ? je ne la comprends décidément pas du tout !

Il faut que je me défoule sinon je risque de foncer sur le premier qui se met en travers de mon passage comme une boule de bowling dans un jeu de quilles. Heureusement c'est l'heure de la pause déjeuné. Je vais me changer et pars courir pour évacuer toutes ces tensions. Je rejoins le parc en moins de cinq minutes et arpente le béton à toute vitesse. Les dents et les poings serrées, musique à fond dans les oreilles, je cours jusqu'à épuisement.

Lorsque je m'arrête, la chaleur de l'effort me procure une sensation de bien-être qui fait redescendre le thermomètre de ma colère aux alentours de zéro.

Je regarde l'heure et m'aperçois que j'ai un message :

De : Mathieu

A : moi

Le mardi 19 juin à 13 :52

Elle est larguée ! tu ferais bien de l'appeler !

Bad Trip - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant