Utilisé ! ce mot revient en boucle dans ma tête. J'ai été utilisé ! pour tout mon entourage, je ne suis qu'une monnaie d'échange. Un joker que l'on prend et pose dès que l'on en a besoin. Mon père a accepter de faire un deal dégeulasse avec celui qui jouait les gentils beau-père jusqu'à présent, tout ça pour mettre à l'abri sa fille. Peut-être que ça a permis d'alléger ma peine, mais en profiter pour m'imposer Katie alors que j'étais faible et qu'ils la faisait passer pour ma sauveuse. Maintenant que je connais la vérité, j'en ai froid dans le dos. Ça me dégoute. A cette époque, je ne voyais qu'elle (grâce à eux d'ailleurs) et je n'étais plus moi-même.
J'ai tellement de mauvais souvenirs dans cette prison. Cette cellule toute de béton gris, dans laquelle nous étions quatre. Devoir aller aux toilettes dans un trou positionné au fond alors que tous les autres sont autour. L'humiliation que j'ai ressenti quand je suis allé prendre une douche la première fois : me retrouver à devoir me laver dans des sanitaires collectifs qui étaient infestés de rats. Je me souviens du bruit de l'eau glacée qui traversait les tuyaux avant de se déverser sur mon corps et de me geler jusqu'aux os. Et cette bouffe infâme que l'on nous servait, ou plutôt que l'on nous jetait comme si on donnait à manger à des chiens. Pendant cette période sombre de ma vie, je n'ai fait que penser à ma sœur pour tenir le coup. De nombreuses fois, j'ai demandé à la voir, mais mon souhait n'a jamais été exaucé. Le seul contact que j'avais avec elle était par courrier. Pendant les six longs mois que j'ai passé la bas, nous nous sommes écrits deux fois. Je relisais inlassablement ces lettres pour me motiver à ne pas faire de bêtise. Dans ces messages, elle me poussait à tenir le coup et m'encourageait en me disant que ce n'était qu'une petite période de ma vie et que quand je sortirais, nous ferions tout un tas de choses ensemble pour rattraper le temps perdu. Au final, nous n'avons rien fait, puisque Katie était la et m'accaparait. Je regrette de ne pas avoir été plus fort. Auriane s'excusait longuement de m'avoir envoyé dans ce « trou à rat » comme elle qualifiait la prison. Je ne lui en ai jamais voulu d'avoir fini la pour l'avoir défendu. Elle est tout pour moi et il était entièrement normal que je la défende de ces malfrats. Heureusement que j'ai été prévenu au bon moment, sinon l'issue aurait été fatale pour elle. Dans ma cellule, j'étais avec trois autres hommes : deux étaient là pour braquage à main armée et le troisième s'était fait attraper alors qu'il dealait je ne sais pas trop quoi. Il avait une tête de fou allié, les yeux exorbités. La nuit ils criaient, le jour ils se battaient...un quotidien bien pourri. Je ne leur ai quasiment pas parlé pendant tout le séjour. Ils m'appelaient l'associable et ça m'allait parfaitement.
Les seuls moments de calme que j'avais étaient ceux passés au parloir avec Katie. Seulement Katie. Au début, je n'ai pas compris pourquoi elle venait me voir. Pourtant, nous n'étions pas plus proches que ça à l'extérieur avant mon enfermement. Elle m'assurait qu'elle était la seule à pouvoir venir parce que son père, étant mon avocat, et qu'il pouvait obtenir plus facilement ces moments d'échanges. J'ai été très méfiant au départ, car je ne comprenais pas pourquoi je ne pouvais pas voir qui je voulais. Puis au fil du temps, comme elle était la seule qui m'apportait des conversations différentes des pets et rots de mes voisins de cellule, j'ai pris gout à nos échanges. Elle n'était pas si mauvaise que ça. J'étais faible et je me contentais des moments que nous passions ensemble. Nous discutions de banalités, mais j'ai appris à connaitre une Katie différente : très à l'écoute et aux petits soins avec moi. A cette période-là de ma vie, c'est ce dont j'avais le plus besoin : que l'on me remonte le moral, que l'on m'apporte des vêtements propres et me donne des nouvelles de mes proches. Elle remplissait cette mission à merveille. Je me souviens d'une conversation que nous avions eu :
- Tu sais Yann, tu pourras toujours compter sur moi
- Merci Katie, c'est vraiment sympa. Je ne pensais pas que tu étais aussi attentionnée. Je ne te croyais seulement capable de t'occuper de toi, de toi et encore de toi
- Tu te trompes, je suis là pour toi et je le resterai tout le temps
Aveuglée par ce besoin de réconfort, ces dernières paroles ne m'avait pas choquée à l'époque. Si je m'étais douté, ne serait-ce qu'une seconde de toute la machination qu'il y avait la derrière, croyez-moi, je ne l'aurai jamais plus laissé m'approcher. Malgré tout, elle était ma bulle d'oxygène et me donnait des nouvelles de mon entourage, ce qui me permettait de tenir le coup. Elle a bien su y faire jusqu'au moment où juste avant de passer la porte du parloir elle m'a embrassé. Sur le coup, je suis resté stoïque, mais cette démonstration d'amour m'avait fait fondre, au moment où j'en avais le plus besoin. Elle était la seule à m'apporter cette affection et le dévouement dont elle faisait preuve pour venir me voir et s'occuper de moi m'avait beaucoup touché. Je ne m'étais jamais posé la question de savoir si ça allait durer. Nous nous étions mis ensemble et tout se passait bien, le temps de mon emprisonnement. A partir du moment où je suis sorti, elle était devenue possessive, mais savait jouer de ses charmes pour me faire céder. Son père m'a embauché pour que je puisse me remettre dans le droit chemin (et garder un œil sur moi je pense). Je n'ai pas eu à m'inquiéter de quoi que ce soit. Sa famille m'a beaucoup entouré et je me suis laissé porter. Je savais que le père de Katie avait œuvré pour que ma peine soit allégée et que je ne devais pas bouger le temps de mon sursis. J'arrive maintenant à me dire que tout ceci n'était que des mensonges. Katie jouait un jeu finalement. Je suis persuadé qu'elle a des sentiments forts pour moi, mais je n'arrive plus à faire confiance à personne.
J'ai été manipulé ! manipulé par Katie, car elle savait tout depuis le début et elle était au courant du petit manège qui se jouait de moi. Manipulé par mon père qui a accepté de m'envoyer dans les griffes de cette fille alors qu'il savait pertinemment qu'elle était malade et que je ne pourrais plus bouger, une fois attiré dans ses filets. Et manipulé par le père de Katie, ma mère...tout le monde sauf ma sœur.
Ma sœur, que j'ai enfin retrouvé à la sortie m'a souvent mis en garde contre Katie, mais je ne l'ai jamais écouté. Etait elle aussi dans la combine ? j'ai du mal à y croire.
Je m'arrête le long d'un chemin sombre, à bout de souffle. Les mains posées sur les genoux et penché en avant, des larmes coulent toutes seules sans que je puisse les retenir. Ce sont des larmes de rage contre le monde entier. Tout ce monde de merde. Tout le monde est pareil : à manipuler les gens pour arriver à en obtenir ce qu'il souhaite. Mais comment peut-on agir de la sorte ? je ne comprendrais jamais ! pourquoi moi ? la bile me monte à la gorge de nouveau et je déverse toute ma déception sur l'herbe qui longe le chemin. Ma vie n'est qu'une succession d'emmerdes ! je n'ai jamais été heureux et ne suis pas fait pour l'être. Je m'assois dans sur un tronc d'arbre un peu plus loin. Je n'ai absolument aucune idée d'où je me trouve et je m'en fous. Si je pouvais rester là jusqu'au ne plus sentir de douleurs et me laisser porter vers un monde meilleur, je le ferai. Je ne veux plus de cette vie dans laquelle je ne suis considéré que comme un pantin. Encore une fois, ma lâcheté me rattrape et je préfère m'abandonner et rester la plutôt que de me battre pour encore une fois pourquoi finalement ? rien n'a de sens !
J'ai la tête qui tourne et suis sorti de mon état second par mon téléphone qui vibre. Jules s'affiche sur mon téléphone. Je sais pertinemment de qui il s'agit mais je ne veux parler à personne donc je laisse sonner. La douleur ressurgit de plus belle quand ma poche se remet à frémir sans s' arrêter. Pour apaiser cette souffrance, je balance l'appareil contre le premier tronc d'arbre et il vole en éclats...en autant d'éclats que ceux de mon cœur brisé.
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Bad Trip - Tome 2
Roman d'amourAlice a enfin compris qui était celui qui se cachait derrière tous ces indices et commence à comprendre les motifs de cette attitude. Elle est cependant loin de s'imaginer dans quel capharnaüm familial elle a mis les pieds malgré elle. Yann vient d...