CHAPITRE 7

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Il aurait été si simple de se rendre à l'église du village au volant de la somptueuse déesse endormie dans son garage. Elle gardait cette superbe relique, même si elle n'avait plus conduit depuis des lustres, car c'était, et ça resterait à jamais la voiture préférée de son père. Elle se rappelait vaguement avoir été une conductrice émérite, pouvant se targuer de n'avoir jamais connu le moindre accident. Mais il y avait son don. Non contant de l'emmener voyager aux confins de la noirceur de l'âme humaine au beau milieu de ses nuits torturées, il l'emportait parfois en pleine journée. Elle se réveillait dans des endroits insolites, perdue Dieu seul savait où. Trois fois ça lui était arrivée de se sentir submergée en pleine journée par cette force inconnue qui grimpait le long de ses jambes. Depuis, elle avait décidé de ne plus jamais se retrouver au commande d'un bolide. Le risque était trop grand.

Avec Marc, elle avait piétiné allégrement sur l'horrible affaire du petit Yann. Au court de cette enquête, elle avait été emportée à deux reprises. Elle ne pourrait jamais oublier cette sordide histoire où elle avait vue des dizaines de fois le pauvre garçon à peine âgé de huit ans se faire violer, torturer, étriper, et finalement égorgé au beau milieu d'une grotte par un monstre qui ne méritait en aucune manière le qualificatif d'être humain.

Ils avaient retrouvé la trace du meurtrier, en partie grâce au rêve de Lola. C'était un homme, si on pouvait le nommer ainsi, tout ce qu'il y avait de plus banal. Les cheveux blancs, à la retraite, une propriété aux abords d'un petit village tranquille, une petite femme à la maison. On lui aurait presque donné le bon Dieu sans confession. Personne ne trouvait à redire sur lui. Qui aurait cru qu'une chose innommable se cachait au cœur de ses entrailles. C'était sans doute une de ces personnes adeptes des voyages au Maroc, ou en Thaïlande, s'adonnant au plaisir charnel avec de jeunes garçons, qui ne savaient plus comment réprimer ses pulsions.

C'était une chose de lui avoir mis la main dessus. Mais sans le corps de l'enfant il n'y avait aucunes preuves adéquates qui l'enverraient finir ses jours au fond d'une cellule. Pour des raisons évidentes, Lola ne pouvait faire office de témoin crédible. Il était indispensable de retrouver le lieu du crime qui regorgeait de diverses traces ADN. Il fallait aussi ramener le corps du gamin à sa famille, qui devait savoir, ne plus rester suspendue à cette question : que lui est-il arrivé ? Tourner la page, si possible il était, et enfin entamer un deuil aussi douloureux soit-il.

Les pièces du puzzle leurs avaient échappé. Chaque fois qu'elle avait fait ce rêve, elle s'était retrouvée plantée devant une grotte au beau milieu d'une immense forêt, sans aucun point de repère. Des semaines durant, des escouades entières de gendarmes et de policiers avaient ratissé les forêts alentours sans aucun résultat. Le rêve était revenu inlassablement, plus pressant. Elle était arrivée à cette limite, à ce point de rupture, prête à basculer dans la folie. Ses nuits était devenues une lutte implacable, un combat acharné contre le sommeil. La fatigue avait pris son temps, attendant le moment propice, le moindre petit instant de faiblesse, et s'était abattue sur elle pour l'emporter vers les lieux de la dépravation humaine.

Un jour comme les autres avait vu son apparition. C'était une chaude journée d'été, elle marchait de ce pas pour retrouver Marc. A cette époque, ils passaient le plus clair de leurs temps ensemble à la résolution de cette enquête. En route, elle avait été prise d'un malaise, assaillie par ces fourmis qui couraient le long de ses jambes dans ses veines. Quelques instant plus tard, elle s'était écroulée inerte sur le sol. Elle avait été envahie par cette sensation légèrement flou, d'avoir été éjectée de son corps et de se regarder affalée sur l'asphalte. Quelques passants affolés s'étaient attroupés autour d'elle. Puis ça avait été le trou noir. Quelques heures plus tard, elle s'était réveillée dans un lit d'hôpital, des capteurs collés un peu partout sur la poitrine, une pince au bout du doigt, et une perfusion plantée au milieu de son bras gauche.

les rêves de LolaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant