CHAPITRE 42

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Retrouver le manoir était une véritable bénédiction. Rien ne valait plus au monde que de revenir chez soi. Lola franchit son portail et s'élança au travers de sa cours. Elle ouvrit machinalement la porte, sachant très bien que Maria devait déjà être à l'œuvre sur les lieux. L'air de rien, cette seconde maman qui était un don du ciel, lui avait manqué un peu. Pas un bruit. La demeure résonnait d'un vide silencieux.

- Maria... Maria, je suis rentrée, où êtes-vous ?

Bizarre, d'habitude elle aurait accourue, et l'aurait enlacée de milliers de baisés. Lola se mit en quête de la trouver. Elle ne tarda pas à la voire. Elle était assise sur le canapé dans le salon, et dormait la tête ballante sur le dossier.

La pauvre, se dit-elle, elle doit être vraiment fatiguée, je vais lui proposer de dormir dans ma chambre, se sera plus confortable que le canapé.

La douce blonde s'approcha, et posa une main délicate sur son épaule, avant de lui glisser quelques mots sirupeux à l'oreille. La tête de la vieille femme de ménage glissa un peu plus sur le côté, laissant apparaitre un spectacle des plus macabres. Son visage avait perdu toutes couleurs, et plusieurs ecchymoses parcouraient son visage, déformé, empli de bosse.

- Mon Dieu... non, ce n'est pas vrai ! S'écria-t-elle tout haut.

Les larmes commençaient à emplir ses beaux yeux bleus au moment où elle prenait son pouls, cherchant désespérément quelques espoirs. Ils étaient trop tard, toute vie avait quitté son corps. Les goutes salées, jaillirent de ses pupilles. Elle tomba à genoux, sanglotant. Le temps ne lui laissait guère le choix de s'apitoyer. Elle entendit le bruit d'une chasse d'eau, quelqu'un était encore dans la maison. Il fallait réagir vite, très vite. Son seul regret, ne pas pouvoir adresser un dernier adieu à cette femme qui lui avait donné tant d'amour. Ni une, ni deux, elle s'engagea dans son couloir, direction la porte de sortie. Trop tard. Pouvait-on qualifier cette chose qui lui barrait le passage d'être humain. Sa tête était repliée sur l'affleurement du plafond, tellement il était grand. Il englobait la totalité de l'espace du couloir. C'était un colosse assurément. Son visage tanné était recouvert d'un nombre incalculable de cicatrice, son crâne chauve aussi.

Lola dans un mouvement de peur se retrouva les fesses par terre. Elle se releva aussi vite que possible. Le géant avançait, ses épaules raclaient les murs. Il lui fallait trouver une autre issu. Elle fila aussi vite que le vent. Au détour d'un couloir, elle se retrouva nez à nez avec elle-même. La femme qui lui faisait face lui ressemblait trait pour trait. La couleur de ses cheveux était du même blond qu'elle. Sa coupe plus courte lui arrivait jusqu'à mi oreille. Il y avait dans son regard une expression de dureté. Lola ne savait quoi penser de cette image miroir qui lui faisait face.

- Bordel de merde, qu'est-ce que c'est que ce délire, qui êtes-vous et que faites-vous chez moi ?

En guise de réponse, sa copie conforme sortie un pistolet, et sans dire un mot elle appuya sur la détente. Lola écarquilla les yeux lorsqu'elle sentit cette douleur poindre, juste sous son sein gauche. Elle porta instinctivement ses mains vers l'impact. Ses doigts rencontrèrent un objet à cet endroit, elle l'extirpa pour apercevoir une sorte de fléchette. Elle sentait déjà le produit se répandre dans son corps à une vitesse vertigineuse. Sa vue se mêlait aux vertiges, ses jambes cédèrent sous leurs poids, l'emportant vers d'autres cieux.

Le monstre et le sosie s'approchaient de Lola. Le bruit d'une vitre qui volait en éclat. Aussi rapide que l'éclair, un homme de type asiatique, vêtu de noir de la tête aux pieds, se rua vers la copie conforme de Lola, avant de lui asséner un formidable coup de pied latéral, qui l'atteignit en pleine poitrine. La rapidité et la précision de l'attaque était stupéfiante. Elle entendit le craquement de ses côtes se briser, avant de s'écraser contre le mur du fond. Elle essaya de se relever, mais c'était impossible. Elle s'écroula en suffoquant.

Après cette attaque fulgurante, l'homme en noir se tourna, faisant face au géant, tout en le pointant du doigt. On pouvait lire dans son regard une détermination sans faille, une haine incommensurable lui consumer ses pupilles.

- Tu as tué mon père, apprête toi à mourir...

La seule réponse qu'il entendit fut un grognement venu du fond des entrailles du monstre. Les traits de son visage prirent une allure inquiétante. Ses yeux brulaient d'un éclat maléfique, son sourire carnassier laissait apercevoir une dentition tout en métal. Dans un grognement guttural, le golgoth chargea droit devant, écrasant tout obstacle se présentant devant lui. Il balança un large crochet du gauche. Etonnement, le coup était vraiment rapide. Visiblement pas assez. L'homme d'orient, d'une simple rotation arrière du buste, comme le faisait si bien les boxeurs, esquiva amplement l'énorme poing qui finit sa course encastré dans le mur. Toujours aussi rapide, il profita de l'ouverture que lui offrait son adversaire pour lui assener trois coups de poings à la manière des karatékas. Un au foie, un a la rate, un au rein. Les coups étaient aussi puissants que précis. Il avait visé les organes vitaux pour tuer. Le monstre hurlait de rage et de frustration. Déployant une force incommensurable, il dégagea son poing en arrachant une partie du mur. Dans le même mouvement, il balança un revers en direction de la tête de son adversaire. Un simple fléchissement des genoux pour esquiver le coup beaucoup trop lent, c'était presque trop facile. Il était presque déçu. Il avait attendu ce combat toute sa vie, et voilà que ce monstre ne se montrait pas à la hauteur. La main du géant finit inlassablement dans un fracas sur le mur d'en face, laissant un trou béant de la taille d'un melon. Il faisait montre d'une force extraordinaire. De son bras libre, il lança un uppercut qui frôla le plancher, pour remonter vers sa cible. Impossible d'éviter ce coup dans ces couloirs trop étroit, l'homme tout de noir vêtu se prépara à l'impact, campé sur ses appuis, ses avants bras en guise de protection. Le choc fut terrible, et l'envoya rouler bouler près de trois mètres plus loin. Avec une grâce, une habilité, et une élégance hors du commun, il se servit de la force d'impulsion, et à l'aide d'une simple poussée de ses mains, il effectua un salto arrière, avant de se rétablir sur ses deux pieds. Le monstre le regardait avec un sourire narquois. Il le désigna du doigt, avant d'appliquer son pouce sur son coup, et de tracer une ligne de gauche à droite. Le message était clair. Ses naseaux fulminaient au rythme de sa respiration.

Impossible de se battre ici, les couloirs étroits avantageaient la brute. Il ne pouvait pas donner libre court à son art. Ses bras lui faisaient mal d'avoir encaissés ce coup terrible. Il ne se rappelait pas depuis combien de temps il avait ressenti une douleur aussi intense. Seule certitude, ils voleraient en éclat s'il recevait un deuxième impact aussi violent. Imperceptible au commun des mortels, il entendit clairement, le cliquetis du percuteur d'un revolver qui s'arma sur sa gauche. Il pouvait entendre le sifflement du projectile fendant l'air, savoir précisément où il se trouvait, et où serait son point d'impact. Il pouvait même sentir dans l'air, le parfum infime du sédatif qui s'échappait de la seringue. Un simple mouvement de recul lui suffit à esquiver la fléchette. Cela lui coutait énormément, mais il n'avait pas le choix. Il devait quitter les lieux. Intérieurement, il enrageait de ne pouvoir en finir avec le meurtrier de son père. Il ne pouvait gagner cette bataille, pas ici. Ce n'était que partie remise, ils se retrouveraient bien assez tôt.

Il prit dans une sacoche accrochée à sa ceinture, une boule de verre, et la lança par terre. La bille se brisa, libérant une intense fumée opaque, emplissant rapidement tout l'espace. Le géant se précipita, en balançant de grand mouliné au travers de l'épaisse fumée. Plus rien, Lola et le mystérieux inconnu avaient disparu.


les rêves de LolaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant