CHAPITRE 27

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Ce matin était plutôt étrange. Lola se réveilla frigorifiée, elle était transie de froid. Tout son corps engourdi. Elle ne sentait même plus le bout de ses doigts. Ça semblait l'avoir tellement saisi, qu'elle s'était réfugiée entièrement sous ses couvertures. Mais il y avait quelque chose qui clochait. Le drap qui la recouvrait était beaucoup trop léger. Elle n'était pas dans son lit. Elle aurait juré être allongée sur une plaque de métal. Sans nul doute, elle ne se trouvait plus au « Central Plaza ».

En proie à une panique grandissante, la belle blonde ouvrit les yeux. Au travers de la toile posée sur elle, il y avait une légère lumière diffuse flirtant avec la pénombre. Elle aurait voulu bouger, s'extirper de là, mais ses membres étaient encore gourds, prisonniers du froid. Une légère fumée blanche s'échappait de ses lèvres qui avaient pris une teinte bleue tirant vers le violet. Lola essayait tant bien que mal de garder le contrôle de son corps emprisonné. Elle essayait de prime abord de bouger le bout de ses doigts, qui répondit comme une vieille mécanique abandonnée depuis trop longtemps, et qui rechignait à reprendre du service. Puis venait le tour de ses bras. Tout semblait fonctionner comme un film qu'on aurait passé au ralenti. Mais tout fonctionnait, c'était l'essentiel.

Entre deux spasmes de tremblement, elle réussit à agripper le voile qui recouvrait sa tête et à le dégager. La pièce dans laquelle elle venait d'émerger était envahie par l'obscurité. Il y avait une unique source de lumière verte émanant d'un panneau indiquant la sortie de secours. Quelques minutes lui furent quand même nécessaires pour s'acclimater aux ténèbres des lieux.

Lola n'en revenait toujours pas, se demandant bien où elle avait encore bien pu atterrir, et surtout pourquoi elle reposait sur une table en métal.

Un simple regard circulaire lui annonça qu'il y avait autour d'elle, bien rangées, plusieurs tables semblables à la sienne. Toutes recouvertes du même drap blanc. Les formes bondées des toiles, laissaient présager quelque chose caché dessous. La petite blonde, se doutait bien de ce qu'il pouvait y avoir, et elle n'avait pas spécifiquement l'envie de le découvrir. Mais avait-elle vraiment le choix. Il fallait qu'elle en ait le cœur net. Alors, fendant les volutes de fumées en suspens dans la pièce, elle s'avança avant de tirer d'un coup sec sur le drap. La stupeur se peignit sur son doux visage, elle n'arrivait toujours pas à y croire.

Mon Dieu, ce n'est pas possible, mais qu'est-ce que je fais ici ?

Elle ne peut s'empêcher de laisser s'échapper un petit cri, avant de finir les fesses par terre dans un brusque mouvement de recul dicté par la surprise, et le vent de panique qui lui soufflait de battre pavillon. Ses craintes se révélaient être justes. Un cadavre blanc et livide avait pris lieu et place sur la table et Lola savait à ce moment qu'elle avait atterri au sein d'une morgue.

Mon Dieu, mais qu'est-ce que je fou là !

Le temps ne lui laissait guère le choix de s'abandonner. Elle était toujours prise dans les vertiges implacables qui l'entraînaient un peu plus dans les bas-fonds cette histoire. Le froid devenait plus intense lui arrachant un frisson éphémère lorsqu'il glissait le long de son dos. Puis à nouveau, cette étrange sensation d'être observée. Il y avait quelqu'un d'autre dans la pièce avec elle, c'était certain. A ce moment, Lola ressentit une pointe de peur, se demandant si on avait pu l'enlever. Quoi qu'il en soit, elle devait savoir. Prenant son courage à deux mains, elle fit face. La stupeur première laissa place à un gros pock. C'était le bruit que sa tête fit lorsqu'elle heurta la table dans un mouvement de panique. Lola valdingua dans les airs, avant de se retrouver à plat ventre, face contre un cadavre absent de toutes couleurs.

Elle laissa échapper un cri suraigu avant de repousser l'inconnu sur qui elle avait atterri, puis elle se releva pour se retrouver nez à nez avec la fillette aux cheveux plumes de corbeau. La femme et l'enfant semblaient ne pas pouvoir détacher leur regard, l'un dans l'autre, se perdant dans les tourbillons de l'iris.

La petite fille levait sa main en direction de Lola dans un geste qui paraissait presque irréel, avant d'ouvrir la bouche.

- N'aaaaaaiiiiii paaaaaas peeeuuur.

Le son était sorti surréaliste.

- Je... Je... Je... merci, continuai l'enfant.

- Merci ?... je comprends pas.

- Tuuu eees reveeenue... j'aaavais teeellement peeeur... j'étaaais peeerdue, daaans ceeette fooorêt... jeee t'aaai appeeelé... tuuu eees reveeenue... merci.

Difficile de comprendre ce qu'elle voulait dire. Les mots sortaient étirés, et résonnaient au milieu de cette affluant d'émotion qui se bousculait. Les phrases étaient difficilement compréhensibles.

- Jeee suuuis veeenue daaans tooon rêêêve... jeee voooulaaais paaas reeester daaans ceeette fooorêt... il faaait trooop froooid... j'aaai trooop maaal...

Des larmes se mirent à suinter le long des joues de l'enfant, il n'en fallait pas moins à Lola pour sentir son cœur se serrer.

- Tu es venue dans mon rêve ?

- Oooui.

- Et... tu voulais que je... retrouve ton corps ?

- Oooui.

- Mon Dieu, mais... tu es morte.

- Oooui.

- Qu'est-ce qui t'es arrivée dans la forêt ?

- J'aaai trooop maaal...

Les larmes redoublèrent le long des sillons de ses petites joues, et Lola agissait comme une éponge à sentiment, sentant toute la détresse, la tristesse infinie de cette petite fille. Instinctivement, elle ouvrit les bras et serra l'enfant. Son contact était étrangement froid et intense, et la tristesse l'accablait de chagrin, s'échappant à grosses gouttes de ses yeux.

- Je sais pas ce que tu veux, dit moi.

- Tuuu aaas déééjà faaait beaaaucoooup... merci... uuune deeernièèère chooose... eeenteeerre-moooi.

- Tu veux que je t'enterre ?

- Il faaait trooop froooid iiiciii... jeee veeeux paaas reeester iiiciii...

- Je te promets que je t'enterrerais...

La petite fille regardait intensément Lola, de ses grands yeux amandes pétillant, emplis d'un nouvel espoir, un sourire ravageur aux lèvres, faisant chavirer le cœur en pâmoison de la belle blonde. L'enfant commençait à s'estomper.

- Attend, ne part pas... tu m'as même pas dit comment tu t'appelais ?

- Maaa... riiie...

Elle avait disparu, sans laisser aucune trace. Qu'est-ce qui venait de se passer ? Effleurer cette pensée volubile la laissait perplexe. Mais après tout, ses rêves n'étaient-il pas aussi étranges et inexplicables ? Malgré tout, elle osait à peine croire qu'elle venait de rencontrer... un fantôme. Le mot était lâché, presque pour se persuader d'une chose inimaginable. La réalité était bien là, même si elle restait encore abasourdie par cette expérience.

Pas le temps de tergiverser outre mesure, cette force, cette sensation, cette vieille habitude dont elle ne pouvait se départir, venait s'emparer d'elle, l'extirpant de ce lieu.


les rêves de LolaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant