CHAPITRE 43

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L'opération avait durée plus de quatre heures. Effectivement, la balle était passée au travers de la clavicule, la disloquant en une multitude de petits fragments d'os éparpillés. C'était là le point le plus délicat, chaque éclat devait être enlevé avant de pouvoir rattacher l'épaule. Lorsque les deux policiers entrèrent dans la chambre de Lucien fraichement opéré, ce dernier n'avait pas les idées très claires. La morphine se baladant au travers de son organisme, lui enlevait toute sensation dans son bras droit. Il avait l'impression étrange de se réveiller après avoir boxé douze rounds contre Mike Tyson. Dans les limbes distordus de sa vision et de sa compréhension, il reconnut néanmoins les hommes avec qui il avait passé le plus clair de son temps ces derniers jours.

- Ben dit donc, t'en as une de ces têtes...

La claque qu'il reçut derrière la tête raisonna au travers de la pièce.

- Que tout tes ancêtres te pardonnent, rugit le gros au travers de sa barbe.

- S'il vous plait, j'ai la tête sur le point d'exploser. Les mots sortaient aussi confusément que son esprit pouvait les formuler.

- Désolé patron.

Sa voix était si grave que chaque mot faisait enfler sa boite crânienne. Cette discussion risquait d'être longue et douloureuse.

- Alors les nouvelles ?

- Alexandresco court toujours dans la nature. Ça nous a pris un temps fou pour trouver l'endroit où il est sorti de la rivière.

- Comment être sûr que c'était lui ?

- La fraicheur des empreintes, et on a retrouvé des traces de sang aussi.

- Son groupe sanguin, je suppose ?

- Oui.

- Bon... il faut faire diffuser sa photo dans tous les commissariats. En prio, les douanes et les aéroports.

- Ce sera fait patron.

- Une dernière chose, venez me chercher demain matin.

- Vous êtes sur ?

- C'est pas une blessure à l'épaule qui m'empêchera de me tenir debout.

Il passa une nuit tranquille. Aucune douleur n'était venue le déranger. La drogue qu'on lui avait administrée l'envoya dans un sommeil profond. Le lendemain matin, après avoir signé les papiers dégageant toutes responsabilités l'hôpital, Lucien sorti en compagnie de ses amis venus le chercher. La presse était déjà là, à faire le pied de grue. La rapidité avec laquelle ses organismes étaient au courant des affaires était une chose qui l'impressionnerait toute sa vie. Il ne pouvait décemment leurs offrir aucune information sans avoir au préalable décidé de ce qu'il pouvait leurs divulguer. Les ignorer était chose impossible, car dans ce cas précisément, il allait avoir besoin de leurs services pour une diffusion nationale des photos de l'homme en fuite. C'était un échange de bon procédé, et il ne pouvait y déroger.

- Vous comprendrez que je ne peux pas vous donner d'information comme ça... juste à ma sortie d'hôpital. Par contre, je vous invite tous à venir pour quatorze heures devant le commissariat de Piatra Neamt. Je donnerais à l'occasion une conférence, et répondrais volontiers à toutes vos questions... merci et à quatorze heures.

Même sérénade, même discourt à l'arrivée de nos protagonistes au commissariat. Quelques journalistes attendaient devant ce qui allait devenir le théâtre du monde des prochaines semaines à venir. C'était le même sempiternel refrain, ces gens devenaient des requins frénétiques et impitoyables, attirés inexorablement par l'appel du sang. C'était à peine mieux dans les locaux du commissariat. Lucien avait cette même sensation étrange en voyant tous ces nouveaux visages inconnus de commissaire de police, du squale attiré par l'appât d'une affaire juteuse pouvant les propulser vers des sommets. La nature humaine était décidément sans surprise. Moldoveanu était la troisième fortune du pays, la mort de ce riche industriel allait faire du bruit. Et quand bien même certain était là pour faire leur devoir, il était impossible de différencier l'homme juste du rat. Qu'à cela ne tienne, c'était son affaire, et il comptait bien la menait jusqu'au bout.

les rêves de LolaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant