les rêves de Lola

CHAPITRE 44

Lola émergea avec ce gout amer dans sa bouche pâteuse, comme si elle venait de se réveiller d'un de cuite phénoménale. Sa tête tournait à n'en plus finir. Elle sentait tout son corps engourdi. Ses pensées n'arrivaient pas à s'aligner. La première question intelligible lui venant à l'esprit était : où elle se trouvait ? Assurément pas chez elle. Ce n'était pas son lit, ni sa chambre. Elle dut recourir à toutes ses forces, qui lui échappaient pour l'heure, pour essayer de se redresser tant bien que mal. Sa vue se brouillait au grès de sa propre volonté. Une silhouette floutée apparue dans l'encadrement de l'unique porte visible de la pièce. Il avait une voix au timbre relativement neutre et masculin. Son accent offrait une saveur aux couleurs d'Asie.

- Vous prendre temps. Vous beaucoup drogue. Vous prendre temps, reprendre forces.

Dans un moment de brève clarté, elle distingua cet homme à la chevelure noire. Sa peau était dorée comme le miel, et ses yeux s'étiraient sur l'horizon.

Ces yeux, elle connaissait ces yeux. Elle n'arrivait pas à remettre où elle les avait vus. Mais c'était une certitude, elle avait déjà vu ces yeux quelque part.

- Qui êtes-vous, et qu'est-ce que je fais ici ? Dit-elle, luttant entre la diction, et la coordination de sa bouche.

- Excusez-moi, lui dit-il, tout en inclinant légèrement la tête en avant en guise de salutation. Mon nom Xiaoling. Pardons, mauvais français, cinq jours moi apprendre.

Lola luttait toujours avec son corps endormi, pour se redresser.

- Moi aider vous, lui dit-il, en s'approchant les mains tendus.

- Non, je vous en prie, intima-t-elle de sa main paume ouverte.

- Moi préparer bon remède, vous mieux après.

L'homme s'inclina avant de partir. Lola, tant bien que mal, réussit à s'assoir contre le dossier du lit. Elle essayait de toutes ses forces de se souvenir des derniers moments. Comment avait elle atterri ici ? Dans le flou de ses souvenirs, elle se rappelait franchir le pas de sa porte, Maria l'attendait sur le canapé du salon... non, elle était morte, cette pauvre femme au grand cœur. Elle ne pouvait s'empêcher de voir défiler tous les moments passés avec elle depuis qu'elle était toute petite, tout l'amour qu'elle lui avait donné. N'y tenant plus, les larmes jaillirent en flot sans discontinuer, accompagnées d'une longue plainte sanglotante, suivies de reniflement saccadées.

Xiaoling attendait dans la pièce d'à côté, appuyé sur le mur, hors de vue, attendant patiemment, lui laissant le temps de digérer un peu sa peine. Quand les sanglots se furent passés, il rentra dans la chambre, une tasse fumante entre les mains emplit la pièce d'une odeur amère.

- Je vous en prie, buvez, lui dit-il, les bras tendu devant lui, tenant la tasse chaude, tout en inclinant la tête.

- Comment est-ce que j'ai atterri ici ?

- Moi amener vous ici. Buvez.

- Vous avez mis de la drogue dans la tasse c'est ça ?

Les mots étaient sortis trop vite de sa bouche, sans réfléchir, elle s'en rendait compte.

- Non, dit-il une pointe d'indignation dans sa voix.

La belle blonde se rendait bien compte être à la merci de cet homme. S'il avait voulu la droguer, il aurait eu tout loisir de pouvoir user de la force pour sévir. Il prenait soin de mettre un accent de douceur dans chacun de ses mots, et faisait montre d'un profond respect. Non, cet homme ne lui voulait aucun mal. Elle l'observa attentivement. Il était vêtu simplement d'un haut en toile de lin jauni par le temps, d'un pantalon souple noir, et d'une paire de savate. Il y avait une espèce d'aura bienveillante, protectrice, qui se dégageait de lui. Même si elle le connaissait depuis cinq minutes à peine, elle avait cette impression qu'elle pourrait lui confier sa vie sans aucun problème. C'est ainsi, qu'elle récupéra la tasse, avant de boire une gorgée. C'était vraiment infâme. Malgré tout, ce breuvage bizarre faisait sentir ses effets bénéfiques. Elle sentait une douce chaleur l'envahir, lui redonnant une énergie nouvelle. Elle recouvrait par la même ses esprits, chassant au loin les effets néfastes de la drogue.