La route avait été longue. Quatre heures sans s'arrêter, à bourlinguer sur diverses autoroutes. Paul connaissait parfaitement les recommandations sur les pauses toutes les deux heures, surtout pour garder l'attention à son paroxysme. Mais de nos jours, qui se soucis des recommandations, quel que soit le risque encouru. Dans la plus part des cas, on s'en sortait sans la moindre égratignure, comme en ce jour. Et puis on oubliait, sans s'en préoccuper outre mesure, car c'était monnaies courantes de transgresser. Lui et Lucie débarquèrent sur les coups de quatorze heures à Marseille. La faim les tiraillait. Avant de se rendre au centre de la police scientifique, ils s'arrêtèrent dans la première restauration rapide qui leurs tendait les bras, afin de se sustenter.
Ils arrivèrent enfin devant le bâtiment censé abriter la crème de la crème. Il y avait un détecteur de métal qui encadrait l'embrassure de la porte d'entrée. Assis derrière un bureau, la mine patibulaire vous lançant des regards acerbes et suspicieux, il y avait deux policiers en uniformes qui assuraient la sécurité. Il fallait montrer patte blanche pour entrer dans les locaux. Après avoir passé les diverses points de contrôle, ils emboitèrent le pas en direction du centre névralgique du bâtiment. C'était une pièce où semblait avoir poussé une pléthore d'ordinateur, ainsi qu'une myriade de matériels dont ils ignoraient les usages. Au passage, ils récupèrent un formulaire de demande en bonne et due forme qu'ils remplirent minutieusement, n'omettant pas d'ajouter les portraits robots. Une fois cette petite besogne accomplie, Paul observa les lieux, prêtant attention à l'agitation qui y régnait. Tout le petit monde qui occupait les lieux, semblait somme toute très occupé. Mais c'était très relatif. Cet organisme vivant en un constant et perpétuel mouvement était mue par différente vitesse. Paul s'affaira à repérer la personne qui semblait le plus à même d'être dérangée. Il ne tarda pas à la trouver, et dirigea ses pas plein de détermination à son encontre.
- Bonjour, excusez-moi, je viens de remplir une demande de recherche, et je voulais la remettre à quelqu'un en main propre...
Son interlocuteur portait une paire de lunette aux verres rectangulaires sur le nez. Il avait une manière hautaine et désagréable de le regarder. Il abaissa ses verres sur le bout de son nez, pour mieux jauger Paul de biais.
- Vous voyez la panière là-bas, avec la pile de dossier à l'intérieur, c'est là que sont censées attirent toutes demandes. Il mâchait négligemment un chewing gum, tout en le regardant de haut en bas.
Il n'en fallait pas moins pour lâcher bride abattu les chevaux de la colère.
- Ecoute coco, je n'ai pas de temps à perdre avec des énergumènes de ton genre. Si ça tenait qu'à moi, je te ferais bien ravaler tes paroles avec tes lunettes au fond de ta gorge. Bon, y a une chose qu'il faut que tu saches absolument, c'est qu'en sortant de cette pièce, si tu n'es pas en train de t'occuper de mon dossier, je me verrais dans l'obligation d'appeler mon boss. Paul sortit sa carte de police, et ouais mon gars, commissariat de Rodez, t'as sûrement entendu parler du commissaire divisionnaire Marc Durant. Après tu veux que je te dise ce qu'il va se passer, c'est aussi simple que bonjour, il va passer un coup de téléphone à notre préfet, qui lui-même appellera votre préfet, et pour finir, ce dernier appellera ton chef. Ça fait un paquet de personne haut placé qui risque de prendre très mal la plaisanterie. Faut dire, que plus t'es haut dans la hiérarchie, plus ton sens de l'humour frôle drastiquement le zéro. Et tu veux savoir ce qu'il va se passer ensuite, c'est simple, je serais là, pas loin en train de me délecter de chaque seconde que ton chef passera à te botter le cul. Alors t'es gentil mon gars, tu t'occupes de mon dossier, ça t'évitera pas mal de désagrément. Il lui asséna deux petites claques au passage, se voulant amicales, mais juste assez fortes et fermes, pour lui montrer qu'il ne plaisantait pas.
- Très bien, je vois que Messieurs est un peu tatillon, donne le ton dossier, je vais m'en occuper personnellement.
- Voilà, tu vois quand tu veux, tu peux faire preuve de bonne volonté.
Le jeune homme, ouvrit le dossier, après en avoir pris une rapide connaissance, il sortit les dessins, et les passa au scanner. Ensuite, assit derrière son écran d'ordinateur qui moulinait à plein régime, il lança un logiciel de recherche et de reconnaissance facial. Le bruit des touches de clavier emplissait l'espace dans un rythme de roulement de tambour saccadé. L'homme s'affairait à de multiples opérations, dont lui seul semblait détenir la clef et la compréhension. De longues minutes s'égrenèrent avant qu'il ne daigne reprendre la parole.
- C'est bon, la machine est en route. Y a plus qu'à attendre maintenant, je vous conseille de revenir demain, ou de vous trouver une bonne occupation. J'ai vu cette machine travailler pendant trois jours d'affilés avant de nous sortir un verdict final.
- Ok. On repassera demain, alors. Merci coco...
Pendant ce temps, Lucie instinctivement avait battu en retraite, pour se retrouver inconsciemment à se confondre dans un recoin sombre de la pièce. Elle avait observé médusée toute la scène avec délectation. Elle ne savait pas si elle aurait pu faire preuve d'une telle autorité. Sans aucun doute elle se serait fait marcher sur les pieds et aurait laissé le dossier dans la panière sans moufeter le moindre mot. C'était une force de caractère qu'elle devait absolument développer, et elle prendrait exemple sur ce qui venait de se passer. Mais pour l'heure, elle sentait le peu de courage qui lui restait fuir de toute part lorsque Paul revint vers elle. Il ne lui restait plus qu'une obéissance bien docile pour seule arme de défense.
- Allez Lucie, en route, on a encore du pain sur la planche, et pas des moindre.
Lucie suivit scrupuleusement pas à pas Paul dans le dédale de couloir pour atterrir au centre des archives. Après avoir signé le registre, il s'évertua à expliquer à la stagiaire les rouages de la complexité inhérente à cet endroit. Ils y avaient des tonnes de dossiers rangés dans d'interminables armoires métalliques, semblant avoir pris un aspect labyrinthique. Tout d'abord, les affaires étaient classées par ordre chronologique et par genre. On pouvait consulter l'ensemble sur un des diverses ordinateurs jalonnant la pièce, mais les informations y étaient succinctes. Elles se résumaient en une sorte de fiche de lecture sans aucune photo apparente vous renvoyant inévitablement à consulter son double papier. Le manque de personnel aidant ajouté à cela la charge colossale de travail, il était impossible de faire autrement. Lucie allait devoir passer un certain nombre d'heures dans cette pièce austère qu'elle ne serait pas prête d'oublier.
Quant à Paul, il ne pouvait faire autrement que de l'abandonner à son propre sort. Il avait lui-même d'autres chats à fouetter. Le travail qui l'attendait était sans doute tout aussi énorme, somme toute moins fastidieux, il est vrai. Si l'affaire était nouvelle et que quelqu'un avait porté plainte dans un commissariat, il y avait très peu de chance, voir aucune, qu'un dossier constitué ai pu atterrir au centre des archives. Il allait devoir remonter à la source, passer un nombre incalculable de coup de téléphone, de faxe, dans chaque commissariat de son département. Le cas échéant si sa recherche n'était pas probante, l'élargir à la région.
Au commissariat de Rodez, la vie suivait son quotidien. Bernard avait passé sa journée tiraillé entre la recherche éperdue de cette église et la routine de son travail de policier, jalonné de diverse interrogation et procès-verbaux. Il avait tout d'abord eu bonne espoir de pouvoir la retrouver en cherchant sur internet. Mais il c'était s'aperçu que c'était peine perdu. Il allait devoir trouver une autre solution s'il voulait obtenir un résultat. Pour l'heure, il était las de sa journée, et il avait depuis longtemps passé l'âge de rester à faire des heures supplémentaires. Il quitta son poste, sans aucune forme de regret, mue par l'appel de son doux foyer. Demain serait un jour nouveau, il essayerait autre chose.
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les rêves de Lola
Mystery / ThrillerLola torturée par ses cauchemars de meurtres décide de s'isoler. Pendant cinq longues années, elle retrouve un semblant de stabilité, avant d'être rattrapée par son passé. Un nouveau rêve surgit, amenant avec lui son lot de mystères et de questions...