CHAPITRE 31

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Marc arriva chez lui sur les coups de vingt-deux heures. Ses enfants dormaient déjà lorsqu'il franchit la porte d'entrée. Sa femme s'était endormie sur le canapé du salon, devant la télé débitant son flot de conneries ininterrompues. C'était une habitude de plus en plus récurrente chez elle, ce qui creusait un peu plus le fossé. Parfois ça le dérangeait, parfois ça l'accommodait. Ce soir, il ne savait plus s'il aurait préféré qu'elle fut réveillée ou non. Lâcheté, lassitude. Il décida de remettre au lendemain la conversation ruminée pendant une bonne partie du voyage de retour, ne serait que par égard pour ses fils qui serait alors à l'école.

La nuit fut longue et agitée. Il se réveilla à de nombreuse reprise, avec cette sensation de malaise de ne pas dormir chez lui. Il avait ce goût amer d'avoir abandonné quelque chose en Roumanie. Il sombra dans un profond sommeil sur les coups des cinq heures du matin, pour se réveiller aux alentours de onze heures. Les pieds engourdis de fatigue trainèrent sa vieille carcasse jusqu'au toilette pour faire la vidange du matin. Il avait l'air complétement débraillé, sa chemise dépassant à moitié de son pantalon, ses cheveux en pagaille partant en tous sens. Il croisa sa femme qui s'activait depuis un moment aux tâches ménagères quotidiennes.

- Bonjour mon amour, lui dit-elle avant de lui coller un baisé sur le coin de la bouche.

Même là, ces mots avaient un gout de cendre. Bien des fois, il avait eu cette sensation du mot « amour » ou des « je t'aime », balancés sans aucune saveur, comme une veille habitude trainée depuis des années. Il rêvait de passion, de voix tremblante, d'œil brillant d'émotion à l'annonce de ces mots si souvent lancés comme une paire de chaussette sale dans le panier à linge. Bien sûr il avait sa part de responsabilité dans là-dedans, et il le savait. Il passait trop de temps au travail, il s'était même surpris des fois à rester plus que nécessaire, s'y sentant mieux que chez lui.

- Bonjour, lui répondit-il. C'était la moindre des politesses, il faut qu'on parle...

La sonnerie du téléphone de sa femme venait lui couper l'herbe sous le pied. Sans plus lui prêter attention, elle décrocha et partie dans une conversation endiablée avec son amie Lucie. A ce moment, il se sentit comme cette veille chaussette, abandonné, délaissé, et ce n'était malheureusement pas la première fois. Avant, il aurait pris ce moment comme une bénédiction ultime de paix. Mais quelque chose avait irrémédiablement changé en lui. Il se rendait bien compte que ce n'était plus de l'amour. Ils étaient devenus autre chose. Une sorte de routine quotidienne. L'amour, ils l'avaient croqué à pleine dent, il y a un moment, il pouvait encore le toucher du bout des doigts. Maintenant, il se sentait un peu comme un vieux mobilier, qu'à force de côtoyer, on ne prête plus attention.

Il attendit la première heure patiemment, qu'elle daigne enfin lui prêter attention. Mais sa conversation téléphonique commençait à s'éterniser. La deuxième heure, il s'afféra à préparer ses valises. Il les déposa devant l'entrée. Aussi incroyable que cela puisse paraitre, elle n'avait toujours rien remarqué. Enfin, sa conversation interminable prenait fin. L'espace d'un instant, il avait pensé filer en douce, mais il chassa rapidement cette pensée. Il n'était pas ce genre d'homme à fuir ses responsabilités. Le pas décidé, endossant le rôle de chef de la brigade, il se dirigea vers sa femme.

- Il faut qu'on parle, lui dit-il sans ménagement.

- Oui, lui répondit-elle négligemment, tout en continuant sa tache actuelle.

- Pour une fois, tu pourrais m'écouter attentivement, haussa-t-il le ton d'un cran. Ça me confirme ce que je pense depuis un moment...

- Ah tiens, et quoi donc ?

Il n'avait aucune envie de s'éterniser, et répondre à cette question sous entendait une chamaillerie qui durerai de longues heures. Chacun essayerait bec et ongle de tirer la couverture, sans se soucier de l'argumentaire de l'autre. Autant allez à l'essentiel.

- Voilà, j'ai décidé de prendre du recul par rapport à notre histoire, j'ai besoin de me retrouver un peu seul, je vais allez un moment à l'hôtel pour réfléchir.

- Réfléchir à quoi ? Tu peux m'expliquer ?

Ça avait été comme une détonation dans son cœur. Même si on vie avec le couperet d'une séparation, surtout de nos jours, lorsque ça vous tombe dessus, c'est un coup de massue ébranlant les fondements de votre être tout entier. Ses paroles agressives crachées comme du venin étaient purement et simplement de la colère purulente qui coulait pour cacher la blessure s'insinuant dans ses entrailles. Marc continuait sa route.

- Et les enfants, tu y as pensé ? Qu'est-ce que je vais leurs dires ?

Il savait depuis le début qu'elle allait jouer sur la corde sensible. Qu'est-ce qu'elle croyait, qu'il n'avait pas pensé à ses enfants. Encore une fois c'était mal le connaitre. Il avait bien réfléchit à la question, et la réponse apparaissait comme une évidence. On ne peut rester malgré tout l'amour qu'on leur porte. Bien sûr, ils souffrent tout autant sans avoir rien demandé. Parfois un mal est nécessaire pour voir des jours meilleurs. Il continua sa route, avec cet espèce d'étaux qui lui serrait le cœur.

- C'est ça, casse-toi... finit-elle par hurler de rage, avant de s'effondrer en sanglot.

Ça lui brisait le cœur, mais il ne pouvait faire marche arrière. Il partit sans se retourner, la laissant hystérique, sans comprendre ce qui lui arrivait. Il se sentait malgré tout soulagé d'un poids, même si une énorme boule se nouer au creux de son ventre.


les rêves de LolaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant