les rêves de Lola

CHAPITRE 39

L'horloge ronde à aiguille qui siégeait dans le vestibule d'entrée indiquait minuit moins le quart. Alexandresco était exténué de sa journée. Il n'aspirait qu'à une chose, regagner sa chambre, trouver un peu de repos avant d'affronter la terrible épreuve qui l'attendait au matin. Avant tout, il lui restait une dernière chose à faire. Il décrocha son téléphone, et composa le numéro de sa belle-sœur. De longues sonneries emplirent le combiné, avant qu'une voix pâteuse, encore sous l'emprise du sommeil, décroche à l'autre bout.

- Bon sang, tu peux me dire ce qu'il se passe, j'ai attendu ton coup de fil toute la journée.

- T'as récupéré mes enfants ?

- Bien sûr que j'ai récupéré tes enfants. Je viens de passer cinq heures sur la route, juste par ce que monsieur m'a affolé avec son coup de téléphone. Pour l'amour de Dieu, tu vas me dire ce qu'il se passe ?

- Merci pour eux. Il y a un truc qu'il faut que je te dise... de toute façon, tu le sauras tôt ou tard. Je vous ai envoyé une lettre, avec une cassette dedans...

- Allez, vas-y, crache le morceau, dit-elle voyant qu'il hésitait.

- De toute façon, c'est pas comme si j'avais vraiment le choix, vous le saurez assez tôt avec la lettre. Je préfère te dire la vérité de vive voix, même si elle est pas si belle que ça. Même si ça doit briser l'image que tu te fais de ta sœur. J'ai ma part de faute aussi dans cette histoire. J'étais au courant de tout, et j'ai laissé faire... si tu savais comme je m'en veux... si j'avais pas été aveuglé par l'argent... elle serait peut-être encore en vie... mon Dieu, comme je regrette...

- Mais qu'est-ce que tu racontes, je comprends rien du tout.

- Ta sœur était impliquée avec un certain Moldoveanu, dans un trafic d'enfant...

- Un trafic d'enfant, c'est quoi cette histoire ?

- Je peux pas t'en dire plus pour le moment. Demain, je vais avoir à faire avec cet homme. Si d'ici deux jours t'as pas de nouvelle de moi, envoie la cassette à la police, barrez-vous le plus loin possible, et ne revenez jamais. Je suis désolé de vous imposer tout ça.

- Je comprends rien à ce que tu me raconte.

- Fait ce que je te dis, c'est tout ce que je te demande. Ces gens sont dangereux, ils hésiteront pas à vous tuer s'ils vous retrouvent. Est-ce que tu m'as bien compris ?

- Oui, mais tu me fais peur là...

- Tant mieux, la peur te gardera en vie. Bon, j'ai les nerfs à vif, je suis crevé. J'ai besoin d'une bonne dose de sommeil pour affronter la journée de demain. J'espère pouvoir te rappeler, j'espère pouvoir revoir mes enfants... pardon pour tout ça...

Sans plus attendre, il la laissa seule avec la tonalité du téléphone, et le millier de questions fusant en tous sens au travers de sa boite crânienne. Une fois dans sa chambre, Alexandresco s'écroula sur son lit. Il pensait avoir du mal à s'endormir, mais cette journée l'avait usé bien plus qu'il ne pouvait s'en douter. Il sombra dans un profond sommeil, noir et vide.