les rêves de Lola

CHAPITRE 9

Lola était en route pour attraper un train. L'église n'était plus qu'un vague souvenir, après avoir tourné à un angle de rue. Sur le chemin, elle ne pouvait s'empêcher de repenser au père Aurety. Elle ne doutait pas une seconde qu'il ferait son possible pour l'aider. Mais elle ne s'imaginait pas le moins du monde qu'il réussirait dans cette quête. Au premier abord, cela lui avait semblé être une bonne idée. Elle se demandait si elle ne devrait pas faire appel à un historien, ou un professeur. Existait-il quelqu'un qui connaissait à ce point l'architecture de nos églises qu'il serait capable sans encombre de la retrouver ? Elle envisageait aussi la possibilité d'engager un détective privé. Après tout, ces personnes ne manquaient pas d'imagination, de ressources, et de ténacités lorsqu'il s'agissait de résoudre une affaire. Elle aviserait le moment venu.

Pour l'instant elle continuait sa route emprunte d'une assurance grandissante, jusqu'à ce qu'elle croise quelqu'un. Alors sa témérité passagère retrouvait sa place dans ses chaussettes. Elle faisait abstraction de la foule grandissante sur le quai de la gare. Ces oiseaux migratoires semblaient mus par l'appel irrésistible du chemin de fer. A l'intérieur de cette boite de métal elle trouva une place assise juste à côté de la fenêtre. Ainsi, elle put à foison se plonger dans l'image floue, reflet dans la vitre, de cette belle femme, capeline sur la tête, fuyant sans vergogne le monde qui l'entourait. Elle savait bien que les gens à notre époque avaient de loin dépassés l'âge de la barbarie. Quoi qu'au regard du monde et de ce que l'humain était capable de faire, on pouvait remettre en question cette dernière affirmation. Malgré tout, elle ne pouvait s'empêcher d'avoir cette peur viscérale de la foule. Cinq ans à vivre hors du monde cloitrée entre quatre murs avait quelque peu faussé sa vision de la réalité. Il lui faudrait attendre d'autres sorties pour retrouver des repères solides.

Arrivé à Rodez, elle avait encore trente minutes de marche avant de se retrouver devant le commissariat de police. Rien ne semblait avoir changé depuis sa dernière visite. C'était très étrange de se retrouver ici après tant d'années. Ça lui rappelait les débuts d'une nouvelle enquête. Jour triste pour les victimes de l'abomination humaine. Jour d'espoir qui verrait justice rendue. Jour heureux de passer une journée de plus avec son preux chevalier. Beaucoup de souvenirs lui revenaient, s'entremêlaient, une foule d'émotions explosaient en ce moment. Elle ne s'était plus sentie aussi vivante depuis bien longtemps. Elle se demandait s'il était mieux de vivre dans la sécurité d'une prison ou bien de... de vivre tout simplement, quelques soit les joies, les peines endurées.

Finalement elle se décida à entrer. La jeune réceptionniste dans son uniforme bleu leva les yeux vers elle. Elle devait être nouvelle car Lola ne la connaissait pas.

- Bonjour, est-ce que je peux vous aider ? Lui demanda la policière.

- Bonjour, oui, je souhaiterais voir le commissaire Durant.

- Vous avez rendez-vous ?

- Non, dite lui simplement que Lola Zimmerman souhaite le voir.

La policière décrocha son téléphone et composa le numéro de poste du commissaire.

- Commissaire, j'ai une certaine madame Limmerman qui souhaiterai vous voire...

- Non, Zimmerman avec un Z...

- Oui, Lola... c'est bien çà... très bien, je la fais patienter.

Après avoir raccroché le combiné sur l'énorme appareil téléphonique noir aux multiples boutons, elle s'adressa de nouveau à Lola.

- Le commissaire va arriver dans une minute. Veuillez patienter un instant, dit-elle tout en désignant les sièges modestes en fer de la salle d'attente.