les rêves de Lola

CHAPITRE 25

Lola déambulait dans les rues de Piatra Neamt. A maintes reprises, elle avait été tentée, telle une petite sourie, d'aller voir subrepticement ce qu'il se passait dans la forêt. Elle s'était résignée à faire les boutiques, mais le cœur n'y était pas.

Sur les coups de midi, elle avait pris dans une boulangerie un sandwich thon crudité. Elle n'avait pas su résister à la vue d'un fondant au chocolat. Au détour d'un chemin, en cherchant un coin tranquille pour se restaurer, elle fut submergée par la magnificence du lac affleurant la ville. Les reflets du soleil miroitant sur la surface d'argent, un couple de cygne blanc suivi d'une ribambelle de bébé fendaient le calme des flots. Le spectacle était de toute beauté, il n'en fallait pas moins pour émouvoir le cœur romanesque de Lola. Elle resta en pamoison devant ce spectacle une bonne heure durant.

Une fois la dernière bouchée de son désert engloutie, une idée jaillit au sein de son esprit. Elle se mit à chercher frénétiquement au fond des poches de son manteau. Un sourire de victoire éclaira son doux visage lorsque ses doigts rencontrèrent un morceau de fusain qui semblait avoir pris logis dans cet endroit. Il y en avait toujours un qui trainait dans ses vêtements. Cette vielle habitude lui collait aux basques depuis qu'elle crayonnait.

Ni une ni deux, elle se précipita dans le premier restaurant rencontré. Il n'y avait pas grand monde en cette fin de service. Néanmoins un serveur vint à son encontre.

- Bonjour madame, je suis désolé, mais nous venons à l'instant de terminer le service du midi...

- Je ne viens pas pour manger, je voulais juste savoir s'il était possible d'avoir un de vos dessous de table en papier ?

- Heu...

Le jeune homme était quelque peu déconcerté par cette demande. Il chercha du regard l'approbation du patron derrière son comptoir qui faisait des grands signes de la tête non.

- Je suis désolé madame, c'est uniquement réservé pour la clientèle. Vous comprendrez qu'on ne puisse faire d'exception, sinon c'est la porte ouverte à tous les gamins des rues.

- Ça tombe bien, j'ai pas eu le temps de prendre un café. Ça vous va si je prends un café et le dessous de table ?

Derechef, le serveur glissa un regard discret à l'attention de son chef, qui en guise d'approbation hocha la tête une fois de haut en bas.

- Je vous apporte le café de suite madame.

Lola se posa cinq minutes. Juste le temps d'avaler son breuvage aux saveurs amères. Puis elle sortit comme un courant d'air emportée par la fougue, tenant fermement dans sa main, le bout de papier tant convoité. Une fois de retour auprès du lac, elle l'observa un moment, choisissant le meilleur angle avant de s'exécuter. Elle s'installa sur un banc, prit la feuille blanche, ainsi que son morceau de fusain, et se mit à croquer. La technique de dessin au morceau de charbon était particulière. Elle jouait sur les nuances de lumière, en accentuant plus ou moins sur la noirceur appliquée.

Un petit vieux poussé par la curiosité regardait avec béatitude l'étrange balai des mains griffonnant. Devant l'indéniable talent de cette jolie jeune femme assise au bord du lac, il ne put résister à venir faire la causette avec elle.

Le temps était idéal en cette douce journée d'été, et la compagnie du vieil homme agréable.

La sonnerie de son téléphone la ramena à d'autre priorité. C'était Marc qui l'appelait, elle s'était abandonnée, et n'avait pas vu le temps passer. Il était déjà un peu plus de quatre heures de l'après-midi.

- Allo, dit-elle après avoir décroché.

- Ça y est, on a enfin fini.

Lola pouvait ressentir toute la lassitude que prenait le timbre de sa voix.

- Alors ?

- Comme tu pouvais t'en douter, c'est bien le cadavre de la directrice de l'orphelinat qui est là-bas. J'en peu plus de cette journée merdique, tu veux pas qu'on aille prendre un verre, et discuter de tout ça. Ça nous changera un peu les idées.

- Ok ça roule.

- Je te retrouve où ?

- Je suis au bord du lac, sur un banc en face du café « au Carpates », tu peux pas me louper. Je t'attends.