les rêves de Lola

CHAPITRE 24

Les deux policiers Roumains et le Français descendaient le flanc de colline, affleurant l'église de Lola. Le visage du gros capitaine s'empourprait d'un rouge incarnat. Sa corpulence proéminente ne lui laissait guère le choix que de souffrir pour se déplacer. Il soufflait autant qu'il pestait pendant toute la descente. Vassili et Marc durent s'arrêter à de nombreuses reprises pour attendre l'homme qui faisait trembler les murs du commissariat de Piatra Neamt. C'était une force de la nature, mais de toute évidence, sa grosse carcasse n'était pas faite pour les longs trajets. Il reprit un long moment son souffle aux abords de la forêt épineuse. Il crachait ses poumons de tonnes de cigarettes.

A l'intérieur de cette antique et majestueuse forêt, Marc prit la tête de ce trio hétéroclite. Comme le petit Poucet, il remontait la piste laissée la vieille. Finalement, ils arrivèrent dans cette fameuse clairière empreinte d'une étrange imprécation.

- C'est ici, dit Marc tout en désignant du doigt le coin situé le plus au nord.

Les trois hommes se dirigèrent vers le lieu en question. A mesure qu'ils se rapprochaient du fourré, l'odeur de putréfaction emplissait leurs narines. Vassili, toujours aussi gauchement, la tête dans les étoiles, ou alors par manque d'expérience, piétinait allégrement des preuves. A cette vue, Marc ne put s'empêcher d'intervenir, au risque de déclencher la bronca du capitaine.

- Vassili, mais qu'est-ce que tu fais !!! Tu marches sur des preuves. C'est ta première enquête ou quoi ?

Le jeune homme se figea sur place. Ses yeux roulaient dans ses orbites, ses épaules s'affaissèrent d'un bloc, s'attendant une fois de plus à un tollé de réprimande. L'image n'était pas sans rappeler celle d'un gosse prit sur le vif d'une bêtise.

- Hé le Français, s'insurgea le chef, c'est mon enquête, c'est moi qui commande t'as pas oublié...

Marc hocha légèrement la tête en signe d'approbation.

- Vassili... écoute un peu le Français, fait attention où tu marches. Bon sang de bon sang, mon Dieu, qu'est-ce que j'ai pu te faire pour mériter ça...

Les trois hommes continuèrent à avancer en direction des fougères. Le jeune Roumain, prenait grand soin de marcher scrupuleusement sur chacun de leurs pas. Marc ouvrait la route, écartant avec attention, les fougères qui leurs faisaient obstacle. Il balaya de sa main gauche l'une d'elle, pour laisser apparaitre aux yeux de tous, le cadavre qui embaumait les lieux à la ronde.

- La voilà... enfin, à supposer que ce soit bien une femme. Mais bon, je pense que la dessus, y a pas trop de doute. Alors chef, qu'est-ce qu'on fait maintenant, dit-il au gros, respectant ainsi, l'accord tacite.

- Heu... alors tout d'abord... je pense qu'on va... par tous les saints, arrêtez de me fixer avec vos yeux de merlan fris ! Tu sais le Français, ça fait maintenant bientôt presque trente ans que je suis au commissariat de Piatra, et j'ai jamais eu à faire à ce genre de situation. Je sais bien qu'il y a qu'une chose à faire, appeler un inspecteur plus haut gradé qui se chargera de l'affaire... mais pour une fois... pour une fois j'aimerais bien ne pas passer pour un imbécile si tu vois ce que je veux dire... alors, même si ça me fait mal de demander... le Français, je t'en prie fait comme si c'était chez toi.

Incroyable, qui aurait cru qu'un homme aussi bourru puisse ainsi ravaler sa fierté. Marc n'étais pas insensible, juste surpris. Mais il n'allait pas se faire prier pour saisir les rênes.

- Déjà, la première chose à faire, c'est de faire venir un médecin légiste. On touche absolument pas au corps. Ça c'est son boulot. Après oui, c'est inévitable, vous allez devoir faire appel à vos supérieurs. Ce qui nous laisse largement assez de temps, pour faire tout le travail en amont, et montrer qu'on est pas des imbéciles. Laissez-moi réfléchir deux minutes...