CHAPITRE 22

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Ce début d'après-midi s'annonçait chargé de mystère. Lola voguait au beau milieu de son rêve. Se retrouver en face de cette église en bois et en pierre lui laissait un gout amer. Elle était à la fois enthousiaste. Elle touchait au dénouement de cette histoire l'espérait-elle. Bientôt la fin du cauchemar. Mais elle plongeait inéluctablement dans cette atmosphère macabre venue du très fond de ses nuits torturées.

Marc attendait impassible que Lola sorte de sa torpeur, absorbée par la contemplation de l'édifice religieux. Il l'avait vu souvent dans cet état, quand elle arrivait sur les lieux des crimes. Son humeur s'assombrissait lorsque la réalité entrait en phase avec la part du rêve. Elle devenait silencieuse. Une chose était sûre, ils étaient à un moment clef de leur enquête. Il n'allait pas la lâcher d'une semelle à partir de maintenant, même si dans sa logique implacable, limitrophe indéniable, il savait qu'il n'apparaissait pas dans son rêve. Donc en soi, il se disait que tant qu'il resterait auprès d'elle, rien de fâcheux ne pourrait lui arriver. Mais ce rêve avait pris des tournures étranges, et tout en contemplant la forêt de sapin en contrebas à quelques kilomètres de là, il redoutait les événements qui allaient s'y dérouler. Pour se remonter le moral en son for intérieur, il se disait que c'était juste une enquête de routine. Il en avait vu tant d'autre. La seule différence, en Roumanie ils étaient livrés à eux même, il ne pouvait compter que sur eux et eux seul.

Lola était totalement obnubilée par l'église. Impossible de se détacher. Simple peur de franchir ce pas qui la mènerait dans les recoins sombres de cette histoire. Mais avait-elle le choix. Elle était perdue dans ce moment d'attente, coincée dans l'expectative de faire ce saut et de plonger dans cet abime de ténèbres. Il était temps maintenant d'y aller. De toute manière, hors de question de faire demi-tour.

- Allons-y, dit-elle froidement.

L'intonation de sa voix glacée sans aucune autre forme que le vide caverneux en disait long. Le temps de la parole était révolu, le temps de l'investigation commençait.

- Je te suis, répondit-il machinalement.

Une petite heure plus tard, après avoir descendu le flanc de colline aux travers des hautes herbes, Lola et Marc se retrouvèrent exactement au point de départ du rêve.

- C'est ici que tout commence, dit-elle d'une voix morne et insipide respirant une mélancolie macabre.

- Est-ce que ça va aller ?

- Oui, j'ai juste un peu peur de ce qu'on va trouver dans les bois. Mais d'un autre côté, je me sens rassurée de t'avoir avec moi. Je te remercierais jamais assez de ton aide. Je crois que j'y serais jamais arrivée, si t'étais pas là.

- Je serais jamais arrivé où j'en suis sans ton aide non plus, je te dois beaucoup aussi. Nous formons une bonne équipe c'est tout...

- C'est gentil.

- Alors c'est là que tu te trouves au début de ton rêve ?

- Oui exactement. Après c'est dans cette foutue forêt que tout ce passe, dit-elle tout en désignant du doigt les sombres pins formant la lisière du sinistre lieu.

- Ok, c'est quand tu veux ma grande, je te suis dès que tu es prête.

- Comme on dit, il faut battre le fer tant qu'il est encore chaud, et plus j'attends, plus j'ai l'impression que c'est difficile, à la limite de faire demi-tour, et de rentrer...

- Ça c'est hors de question ! Allez, tu prends une grande inspiration, et tu te lances c'est pas plus dur que ça.

Marc aurait très bien pu ouvrir la marche, mais il préférait garder un œil sur elle par mesure de sécurité. Lola s'avança d'un premier pas fébrile, puis entama une marche plus assurée sur les derniers mètres les séparant de l'antique forêt. Juste une fraction de seconde d'hésitation avant d'entrer dans la douce fraicheur ombragée qu'offraient les ramures dardant une myriade de pointes vertes en guise de bienvenu.

les rêves de LolaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant