Jeffrey se retrouva plongé dans le noir. Un rapide coup d'œil circulaire ne lui permit pas de discerner autre chose que lui-même. Même le sol sous ses pieds était sombre, intangible. Il n'avait plus aucune sensation. Il palpa son torse de sa main gauche et constata qu'il était vierge de toute blessure. Sa respiration se fit rapide et profonde, il était comme flottant dans un néant absolu de ténèbres et de courants anarchiques, et on ne saurait dire s'il était comme ballotté ou, au contraire, maintenu dans une parfaite immobilité.
C'est donc ainsi, la mort.
Il n'avait plus aucune notion du temps. Ni même aucune notion de réalité. En vérité, Jeffrey ne sut même pas si ses yeux étaient ouverts ou fermés. Au bout de ce qui lui parut être une éternité, il entendit une voix lointaine l'appeler. Une voix féminine qu'il reconnut instantanément.
"Jeffrey..."
— Léa?
Jeffrey courut avec toute la vitesse dont il était capable dans la direction d'où provenait la voix de sa bien-aimée. Mais celle-ci paraissait si lointaine qu'il ne s'en rapprocha pas. Il stoppa sa course au moment même où il réalisa que cela ne mènerait à rien.
Alors qu'il se maudissait d'en rester là, il entendit un nouveau son, venant de sa droite:
"Je croyais que tu pouvais me protéger..."
La même voix.
Jeffrey tourna un visage rempli d'incompréhensions dans cette direction, et s'élança de plus belle dans sa course impossible. Les larmes lui montaient lentement aux yeux alors qu'il progressait dans la clarté obscure d'un vain espoir d'atteindre son but.
"Tu as promis de la ramener!"
Marcus avait poussé un cri retentissant dont le jeune homme ne put clairement définir la provenance, alors que l'élocution pleine de reproches de sa petite amie s'éteignait au loin.
Il s'arrêta et se retourna. Etait-il loin de son point de départ? Ou bien proche? Il se reposa un moment de sa course effrénée, alors que les deux plaintes vengeresses reprirent leur ballet immatériel. Pour la première fois depuis un certain temps maintenant, Jeffrey se sentit véritablement impuissant, le désespoir l'envahit comme un fleuve en crue inonde les plaines.
"Tu n'as rien à faire ici!" retentit une troisième parole.
— Joseph, sale enfoiré! y répondit Jeffrey.
"Tu n'es bon à rien!"
"Tu es donc décidément trop faible..."
"Tu as trahi tout ceux qui comptaient pour toi!" lança Victoria.
"Tu es mort comme tu as vécu, inutilement!"
— Taisez-vous! Fermez-là! rugit-il.
"Tu n'as même pas pu protéger ma fille."
"Tous tes tourments étaient mérités."
"Je t'aimais, et c'est ainsi que tu me le rends?"
Un sifflement aigu commença à retentir dans le crane de Jeffrey. Il plaqua ses deux mains sur les oreilles pour tenter d'étouffer le grincement strident qui s'accentuait dans sa tête, il tomba à genoux alors qu'une douleur horrible s'empara de lui.
Les complaintes semblèrent tourner et l'entourer dans une cacophonie inaudible et cruelle, alors que Jeffrey se tordaient littéralement de douleur comme si sa boite crânienne allait exploser.
— Ca suffit, arrêtez! supplia-t-il pour tenter de mettre fin à son calvaire.
"Faible, faible, faible..."
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Le Vœu d'être meilleur
Science FictionTout le monde a un jour voulu être meilleur, passer outre ses défauts et devenir quelqu'un d'exceptionnel. Jeffrey Slart est de ceux-là. Constamment brimé pour son manque de physique et de beauté, il en a nourri la volonté de s'élever. Pourquoi pas...