Un premier pas en enfer

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"Je suis convaincu que le purgatoire le plus terrible n'est pas habité par des démons mais par des hommes."

Lt. Lucius Gartner

***

Désert du sud de l'Irak, mars 2013.

Le rotor principal de l'hélicoptère produisait un vacarme silencieux auquel tout le monde présent à bord avait eu le temps de s'habituer. Sauf Jeffrey. D'un mouvement nonchalant de sa main gantée, il essaya de protéger son oreille de ce bruit agressif mais ne parvint qu'à se décoiffer davantage, ce qui acheva de l'irriter de ce vol qui durait trop longtemps. Ses yeux cherchèrent un salut dans l'examen du paysage, qui se révéla encore plus monotone que cet infernal métronome.

Des vagues de sables crèmes et ivoires battaient l'immobilité de l'océan torride du champ de bataille qu'était devenu l'Irak en dix ans de conflit. Seules émergeaient quelques ruines de villages anciennement peuplés dont les murs blancs ornaient de récifs la mer sablonneuse. De temps à autres, l'appareil passait au-dessus de canyons rocailleux et venteux, scindant le décor d'une balafre tranchante. Mais plus que la constance du paysage, demeurait un fait frappant même pour un néophyte récemment arrivé: l'absence totale de tout être vivant. En aucun horizon l'on ne retrouvait une quelconque plante qui se serait adaptée à ce désert, aucun animal tentant de survivre. Rien.

Et ce fut ce terrain de jeu que les plus grandes puissances mondiales du vingt-et-unième siècle choisirent pour jouer l'avenir du globe. Du moins, le pensaient-elles.

- Monsieur Slart, vous m'écoutez au moins? jaillit une voix grave.

Jeffrey sursauta et remit ses lunettes tactiques en place, cachant ses yeux orangés, en se retournant vers le lieutenant Lucius Gartner. Le vétéran, heaume visé sur le crâne,revêtu de sa lourde armure semblait bien à l'étroit assis sur son siège, écrasé par l'habitacle vert-kaki bien trop petit pour lui. Raquel Demanza semblait également avoir toute la peine du monde à contenir ses immenses ailes repliées dans son dos, et avait fait le choix de se tenir debout près du cockpit.

- Qu'est ce que tu disais ? interrogea Jeffrey.

- Je resumais juste l'approche que nous allons devoir effectuer. Nous serons largués trente kilomètres au nord de l'objectif pour éviter de nous faire repérer d'entrée de jeu. Une fois sur place, nous devrons sécuriser le village tout en nous attendant à une forte résistance des troupes confédérées occupant la place.

Raquel tourna la tête non sans une certaine appréhension.

- Tout un village à nous trois ? C'est pas un peu trop pour une première fois ?

- Si vous aviez une objection, pourquoi ne pas en avoir fait part lors du briefing? demanda Lucius.

La jeune militaire répondit par un hochement de tête hautain.

- Ce n'est pas une objection, je me dis juste que, pour une première mission sur le terrain, nous envoyer sans appui vers une zone hautement fortifiée et défendue, est une opération très risquée.

- On nous envoie pour changer le cours d'une guerre, pas pour faire des gaufres. Tout ça, c'est un test grandeur nature, et je n'ai pas l'intention de me retenir.

Jeffrey avait répondu sèchement tout en se levant de sa place. Ce vol avait duré trop longtemps. Il se dirigea vers le cockpit en bousculant sommairement Raquel et frappa du plat de la main sur l'épaule du pilote.

- Dans combien de temps on saute? cria-t-il.

Le militaire lui répondit d'un "deux" de la main, signifiant qu'il ne restait que deux minutes avant l'objectif. Plus que Jeffrey ne pouvait en supporter avec ce grondement aux oreilles.

Le Vœu d'être meilleurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant