Il régnait une chaleur étouffante en cet après-midi de juillet. La température caniculaire se ressentait dans l'air, qu'elle faisait onduler et se distordre dans quelques souffrances infernales. L'eau était restreinte d'utilisation pour toutes les activités non-essentielles, aussi les habitants n'avaient plus le droit de laver leurs voitures, de remplir leurs piscines ou même d'arroser leurs jardins. Cette période de restriction hydrique affectait le moral de tout le monde.
Jeffrey et Victoria avaient mis des habits légers pour se rendre à l'annonce publique du maire Marlow et du commissaire Vermont. La chercheuse avait même mis des lunettes de soleil, ce qui ne lui arrivait jamais. Les rues de Lakeland étaient désertes, la population s'étant quasi-entièrement rendue sur les lieux de l'annonce.
Celle-ci allait prendre place au bord du Lac Michigan, en bordure de la ville. D'une part l'air était plus humide au bord de l'eau, et d'autre part ni la mairie, ni le parc n'étaient suffisamment étendus ou adaptés pour ce genre de rassemblement.
Une immense estrade en bois avait été montée la veille, arborant côte à côte le drapeau des Etats-Unis d'Amérique, et l'emblème de Lakeland City. Ce dernier rappelait le sceau du Wisconsin, auquel appartenait la citée, en lui reprenant son immense bouclier doré, divisé en quatre blocs soudés rendant honneur aux travailleurs ayant bâti l'Etat : les fermiers, les mineurs, les ouvriers et les pêcheurs. Ce blason encadrait en revanche un grand « L » de couleur bleue, stylisé de telle façon qu'il faisait penser à un poisson. Ce drapeau présentait un fond blanc, en dessous duquel étaient inscrits les mots suivants : « Land of Greatness » ainsi que la date 1848, conformément à l'usage qui veut qu'en cette année, le Wisconsin fut admis au sein de l'Union.
Jeffrey, et bien d'autres, trouvaient cela fort désuet, comme le dernier vestige d'un développement depuis longtemps stoppé pour laisser place à une stagnation dévorante.
À vrai dire, il ne voyait en ce blanc qu'un vide immense, destiné à être comblé par des personnes désireuses de s'accaparer ce qu'il représentait: le pouvoir.Une foule immense était massée devant la dite estrade, sur laquelle plusieurs personnalités et notables importants de la ville se trouvaient déjà assis. Décidément les deux tourtereaux n'étaient jamais à l'heure. Alors qu'ils s'installaient, un homme assez âgé, les cheveux grisonnants et coupés au carré s'attela au présentoir. Son uniforme rutilant ne laissait aucun doute sur son identité : le commissaire Hector Vermont, ancien militaire, s'adonnait toujours à exposer ses diverses récompenses dont certaines avaient été briguées jusqu'aux confins du Vietnam. Après avoir réalisé divers tests au micro, il prit la parole.
— Chers citoyens et habitants de Lakeland City, je vous remercie d'être venus si nombreux à cet évènement exceptionnel. J'espère que la relative humidité du Lac Michigan tempère cette étouffante chaleur et vous rend cette assemblée un peu moins difficile. Comme vous le savez tous, notre bien-aimée cité s'est toujours efforcée de se démarquer par la qualité de son enseignement, de son tourisme et de son attractivité, mais également par le sentiment de bon-vivre et de sécurité qu'elle vous offre. Ceci passe par un respect strict de la loi en vigueur dans notre cher Etat et d'une lutte acharnée des forces de l'ordre ainsi que du pouvoir administratif local, qui travaillent en parfaite entraide pour limiter toute sorte d'infraction.
Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est que depuis plusieurs semaines maintenant, un homme en a décidé autrement. Cet homme a fait fi de la loi pour rendre lui-même sa propre conception de la justice, en mettant en danger nos concitoyens !
A ces mots, le cœur de Jeffrey s'arrêta de battre. Il n'était intervenu que pour faire cesser des trafics, empêcher des accidents, voire des viols et des meurtres. La police n'aurait pas été là, des gens auraient été blessés, ou pire encore.
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Le Vœu d'être meilleur
Science FictionTout le monde a un jour voulu être meilleur, passer outre ses défauts et devenir quelqu'un d'exceptionnel. Jeffrey Slart est de ceux-là. Constamment brimé pour son manque de physique et de beauté, il en a nourri la volonté de s'élever. Pourquoi pas...