Extrait du rapport 1400E d'Août 2011: les limites du Vitium.
Il me tient fort à propos de signaler, dans le prolongement de mon écrit précédent, que l'administration de Vitium ne se fait pas sans risques, même pour le sujet 01. Outre l'exacerbation de sentiments négatifs voire destructeurs, il semblerait que le métabolisme de Jeffrey Slart y soit devenu complétement dépendant, le liquide étant pour lui aussi vital que le sang qui parcourt ses veines. Un sevrage forcé a des effets extraordinairement rapides et délétères: le sujet pâlit, est victime de saignements buccaux, oculaires et auriculaires, souffre d'arythmies cardiaques, et ultimement, de défaillances progressives hépatique et rénale, entraînant le décès.
Les mêmes symptômes, foudroyants, se produisent si la personne recevant l'injection n'est pas Jeffrey Slart. Ainsi que signifié dans mon précédent rapport, le Sujet 01 est plutôt avare d'information et n'a pas permis à ce que nous adaptions sa formule à d'autres.
Même sous Vitium, le Sujet 01 n'est pas invulnérable, quoi qu'il puisse en dire. La logique voudrait qu'il périsse en cas de blessures instantanément létales, telles que la décapitation, et d'autres traumatismes atteignant le crâne, comme un projectile, même si le sujet est désormais suffisamment rapide pour y parer. Diverses épreuves pratiquées tendent également à montrer que les chocs électriques restent efficaces dès tension de neutralisation, le courant se propageant par les nerfs de l'individu malgré l'anesthésie quasi-permanente de ceux-ci.
Le consentement du sujet 01 n'a pas été utile pour la réalisation de ces tests.
***
Base des forces spéciales américaines, localisation inconnue, décembre 2012.
Les mois avaient passés, mais le climat aride demeurait le même, insensible aux saisons. Jeffrey s'était attelé à sa tâche sans le moindre enthousiasme au départ, s'entraînant avec les lieutenants Gartner et Demanza chaque jour qui fut, et ne faisait aucune faveur, ni aucun égard.
Puis, petit à petit, bien malgré lui, il avait commencé à s'attacher aux officiers, les deux seuls qui venaient, jour après jour, interagir avec lui, sans peur ni à-priori. Il avait appris à apprécier la fougue et l'excentricité de la fille du ciel, Raquel, ainsi que la rigueur et l'altruisme de Lucius, le soldat de Harlem. Malgré cela, Jeffrey demeurait tel qu'il était, impulsif, audacieux, tête brulé et arrogant, à tel point que les lieutenants devaient parfois faire preuve de retenue pour le supporter.
Mais aujourd'hui n'était pas jour à l'entraînement, aujourd'hui on allait leur présenter leurs armures de combat.
Le général Carls en personne les guidait jusqu'aux quartier inférieurs, littéralement enterrés sous le sable. L'ascenseur sécurisé menait directement au sein de l'aile scientifique, éclairé de multiples lumières bleues et pâles. La salle circulaire était immense, presque autant que toute la base en surface et était divisée en de nombreux ateliers indépendants sur lesquels s'affairaient une multitude d'hommes en blouses blanches. De nombreux équipements militaires très sophistiqués ornaient les murs, protégés par de fines plaques de verres, témoins de l'acharnement scientifique américain de créer l'armement qui permettraient aux restes de l'OTAN de renverser le cours du conflit.
— Au fait, monsieur Slart, dit Carls à mesure qu'ils progressaient au milieu de la foule, notre ami commun s'excuse de son absence mais m'a chargé de vous dire que le traitement que vous lui avez préparé le soulage beaucoup.
— Alastar ne donne jamais rien sans rien j'imagine, réagit Jeffrey.
Le général opina du chef.
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Le Vœu d'être meilleur
Science FictionTout le monde a un jour voulu être meilleur, passer outre ses défauts et devenir quelqu'un d'exceptionnel. Jeffrey Slart est de ceux-là. Constamment brimé pour son manque de physique et de beauté, il en a nourri la volonté de s'élever. Pourquoi pas...