À l'ombre d'un cerisier

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"Parmi toutes les choses que j'ai pu apprendre, observer et découvrir, pas même l'immensité de l'univers ne peut se comparer à la complexité de la psyché humaine."

Pr. Douglas Roberts.

***

Jeffrey ouvrit les yeux face à un ciel nimbé de blanc. La chaleur infernale du désert irakien l'avait quitté, même son accablant soleil ne semblait plus dans l'immensité céleste immaculée. Le toucher râpeux des grains de sable voraces n'était plus qu'un souvenir lointain. À vrai dire, le jeune homme ne sentait plus rien, comme s'il lévitait dans une apesanteur réconfortante et nouvelle. 

Le gamin du Wisconsin se redressa pour constater qu'il reposait dans un vaste parc vert où commençaient à fleurir de scintillantes couleurs. L'oscillant mouvement des plantes herbacées faisaient montre de la présence d'une légère brise, mais Jeffrey ne la ressentait pas. Dans l'air voletaient d'innombrables pétales d'un rose clair magnifique. Le trouble de la vision de Jeffrey se dissipa peu à peu pour discerner qu'il se trouvait au pied d'une grande butte, et que tout autour du parc, il devinait les silhouettes floues d'immeubles qui ne lui étaient que trop familiers. Au sommet de la côte qui surplombait le parc se dressait un grand cerisier en fleur, au tronc épais. Cela ne faisait que confirmer ce que Jeffrey avait déjà réalisé.

Lakeland City...

Le jeune homme se leva et constata que toute douleur avait disparu de son corps. Chacune de ses blessures n'étaient plus, même son dos complètement déchiré ne signifiait plus son existence. Il tourna légèrement la tête en direction des alentours: il n'y avait personne, mais surtout, pas le moindre bruit. Les lointains bâtiments urbains lui semblaient emmitouflés dans un manteau de brouillard blanc. Il se sentait apaisé et serein. Peut-être pouvait-il mourir en fin de compte...

Subtilement, son attention fut attirée vers le sommet de la colline. Une forme humaine s'y trouvait, la seule parmi toute cette torpeur silencieuse. Lentement, Jeffrey se mit à gravir la pente qui le séparait de cette unique présence, il tituba, parfois glissa, au sein du vent imperceptible, de la douleur invisible et de la vie immobile. Il traversa la pluie de fleurs rosées sans même la ressentir alors qu'il se rapprochait de plus en plus du point culminant du parc. Le jeune homme reconnut soudain de qui il s'agissait, et son cœur sembla s'arrêter de battre – s'il battait encore.

Vêtue d'un fin haut blanc recouvert d'un corsage sombre ainsi que d'une paire de pantalon assortie, la jeune femme arborait de longs cheveux noirs de jais qui tranchaient avec la peau extrêmement claire de son cou et engonçaient un visage doux absolument magnifique. Elle avait disposé dans l'herbe une épaisse nappe à carreaux sur laquelle était présenté un panier à pique-nique et cherchait frénétiquement les premiers fruits. Jeffrey lui avait promis de l'emmener au pied de ce cerisier une fois les beaux jours arrivés. 

Elle n'avait jamais passé l'hiver.

— Léa! s'exclama Jeffrey de stupeur. 

Celle-ci cessa sa récolte et se tourna vers le jeune homme en souriant.

Ce sourire...

— Ah, te voilà, j'ai cru que tu allais être en retard, dit-elle d'un air enjoué.

— Mais, je ne comprends pas... bafouilla Jeffrey.

— Ben, il était prévu que l'on se retrouve ici non? 

Elle jaugea le style vestimentaire de Jeffrey Slart avec un pincement de lèvre intéressé. 

— Ça te va bien le noir, jugea-t-elle, mais je préfère quand tu mets du blanc. Installe-toi, je m'occupe du dessert! 

Le Vœu d'être meilleurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant