Marcus réprima les larmes qui lui montaient aux yeux alors qu'il se remémora cette tragique nuit. Il ne savait que ce que sa mère voulu bien lui dire après avoir eu son père au téléphone. Il trépigna dans son inconfortable chaise métallique, déchiré par les émotions et les souvenirs qui l'envahirent.
— Puis-je avoir un peu d'eau... s'il vous plait? finit-il par dire.
L'homme mystérieux assit en face de lui opina du chef et ordonna à son collègue, Jonas, qui manifestement ne partageait pas ce point de vue, d'aller ramener un gobelet rafraichissant au captif. Cela faisait maintenant de nombreuses heures que le jeune homme parlait et ébauchait un récit qu'il espérait le plus étoffé possible.
— Jonas, sors-moi également le dossier sur le meurtre de Léa Vermont, ajouta l'agent.
Marcus inclina la tête, résigné. Même après tant d'années, il souhaitait tellement revenir en arrière, faire en sorte que rien de tout ça ne soit arrivé. Mais que pouvait-il faire, il était si jeune. Il ouvrit les yeux et vit une fine pluie blanche tomber lentement sur ses jambes.
Après que son bourreau fut sorti, Marcus prit une profonde inspiration avant de poursuivre.
***
Hector Vermont exerçait au poste de commissaire de la ville de Lakeland City depuis maintenant plus de quinze ans. Il avait tout vu, du vol à l'étalage, en passant par l'attentat à la pudeur, au viol cruel, sordide et au meurtre. De celui-là, il pensait également en avoir exploré tous les aspects: le crime crapuleux, règlement de compte, affaires conjugales, homicide involontaire, ou, à l'inverse prémédité. Une erreur de débutant. Il y avait, à vrai dire, autant de meurtres différents que de victimes et ce soir ce n'était que trop vrai. Il demeurait néanmoins une constante: par principe, Hector Vermont était toujours celui qui contactait les proches de la victime pour leur annoncer la triste nouvelle.
Il n'aurait jamais imaginé devoir appeler sa propre femme. Regarder sa fille être mise en sac mortuaire et emmenée sans bruit dans un véhicule blanc. Il avait écouté les sanglots de son épouse résonnant dans leur grande maison désormais si vide. Rien n'avait autant brisé son cœur pourtant bien accroché. Maintes fois on lui avait proposé de rejoindre sa famille, de prendre du repos, mais la fierté du vieux commissaire l'emportait toujours. Il voulait savoir, aujourd'hui plus que tout.
Il sortit de son bureau pour se rendre sur le parvis arrière du commissariat. Il sortit de sa poche une cigarette qu'il mit à la bouche, puis un briquet n'ayant servi depuis de long mois. Il voulait être seul. Il y avait tant de travail, ce serait son seul repos de la nuit.
Celui qui fut le protecteur officieux de la ville avait été appréhendé, il avait des comptes à rendre. Le gang, quand à lui, était toujours en fuite. Joseph Marlow avait été hospitalisé dans un état plus que critique. Sa fille n'avait pas eu cette chance.
Pour couronner le tout, il avait reçu une injonction expresse venant de haut lieu: le suspect devait être gardé pendant trois jours avant que le bureau d'investigation ne prenne le relais. Pourquoi trois jours? Ils n'étaient pas si lents pour s'accaparer les affaires des autres d'ordinaire. Mais le commissaire n'avait pas la tête à ça.
L'équipe scientifique butait pour déterminer la substance que s'injectait Jeffrey Slart, une drogue de plus, il avait donc du faire appel à un consultant extérieur, fait qu'il n'appréciait nullement.
N'y tenant plus, le vieux brisquard jeta sa cigarette à moitié fumée et se rendit dans son bureau. Une fois les maigres pièces de son dossier rassemblées, il se précipita dans la salle d'interrogatoire, où le suspect se trouvait maintenant depuis plusieurs heures. Il avait insisté pour y rentrer seul.
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Le Vœu d'être meilleur
Science FictionTout le monde a un jour voulu être meilleur, passer outre ses défauts et devenir quelqu'un d'exceptionnel. Jeffrey Slart est de ceux-là. Constamment brimé pour son manque de physique et de beauté, il en a nourri la volonté de s'élever. Pourquoi pas...