Le soldat d'ébène

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Base militaire des forces spéciales américaines, localisation inconnue, juin 2012.

Lucius Gartner descendit de l'hélicoptère et passa la main dans ses courts cheveux noirs. 

Le soleil lui brûlait la figure alors qu'il leva la main pour s'en protéger. Il régnait sur le tarmac de la base une chaleur étouffante, bien héritée de l'environnement désertique où elle se situait. Il ne demeurait pas un souffle de vent, pas la moindre impression d'une quelconque présence d'air qui puisse indiquer que l'on pouvait respirer ici. Le lieutenant était complétement aveuglé par cette luminosité écrasante, accentuée par une réverbération intense du sol.  Lucius épongea la sueur qui déjà lui coulait du front et remit sa casquette sur son crâne. Il ne vit tout d'abord pas une estafette accourir pour mlaccueillir, mais perçut, par habitude, le court instant d'arrêt que celle-ci marqua lorsqu'elle dut lever les yeux.

Le lieutenant Lucius Jeremiah Gartner était d'une stature imposante, mesurant plus de deux mètres et arborait le gabarit et la musculature que l'on peut attendre d'un militaire entrainé de cette taille. Il avait grandi dans les rues les plus sombres de Harlem, éduqué au sein d'une famille misérable mais profondément pieuse, dont la foi le guide encore à ce jour. Etonnamment, en dépit de ces origines modestes, Lucius vouait à son pays une dévotion sans bornes, qui l'avait poussé à intégrer l'armée une fois l'âge requis.

Mais après bien des années de combat, le quadragénaire avait bien réalisé que les belles idées n'étaient en fin de compte que des rêves de jeunesse. Tant de pertes, de désillusions, avaient ébranlé sa foi. Non pas sa piété, mais sa croyance en les idéaux que son pays défendait. Pour autant, il demeurait quelqu'un de droit, respectant à la lettre les instructions qu'on lui donnait. Mais en dépit de ce physique intimidant, de sa rigueur disciplinaire et de son idéologie religieuse, Lucius était un homme avenant, serviable, et tentait toujours de sympathiser avec ses hommes, au grand dam de ses supérieurs et d'aider son prochain.

 C'est donc tout naturellement qu'il arbora un sourire éclatant de ses dents blanches au pauvre soldat qui bredouillait des excuses.

— Ce n'est rien, j'ai juste perdu l'habitude d'un tel soleil, voilà tout! fit-il avec un clin d'œil. 

— Vous avez fait bon voyage, mon lieutenant? questionna l'estafette.

Lucius épousseta ses manches du sable qui avait été soulevé par l'hélicoptère. 

— Tout de même ravi d'être arrivé, répondit-il, mais ne faisons pas attendre le général Carls, elle a indiqué vouloir me voir sitôt que j'aurais touché le sol, nous sommes donc déjà en retard.

Les deux hommes traversèrent alors le tarmac promptement, ne s'arrêtant que pour laisser passer de nombreux véhicules blindés et de reconnaissance. De toute évidence, une opération majeure était prévue. Ils franchirent les limites de la zone aéroportée, comprenant également les escouades motorisées, et vinrent longer les baraquements de l'infanterie, bâtis à la va-vite dans un environnement hostile. Derrière ces bâtiments se devinait une vaste construction visiblement utilisée pour les entraînements physiques. Enfin, se dressait au nord de l'immense complexe un agencement de pièces mieux élevées, les quartiers des officiers.

Lucius poussa avec un grand soupir de soulagement la porte qui l'arrachait aux rafales de vent inhospitalières, et s'aventura dans les étroits couloirs, toujours précédé de l'estafette. Celle-ci l'abandonna finalement devant la porte massive du bureau de Carls. Le natif de Harlem frappa méthodiquement trois fois et attendit la permission rigoureuse d'entrer.

Alors qu'il entra dans la pièce richement aménagée, Lucius Gartner réalisa que deux autres personnes étaient déjà présentes. L'une d'entre elles se leva immédiatement: une femme d'environ la trentaine, d'origine hispanique, aux cheveux noirs, lieutenant également d'après son insigne, mais portant un uniforme de l'armée de l'air. Il recentra ensuite son regard sur l'officier supérieur et effectua le salut de rigueur. 

Le Vœu d'être meilleurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant