Chapitre II

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J'arrive au lycée au moment où la sonnerie signale le début des cours. Je regarde les jeunes chahuter dans le couloir d'un air morose, absolument pas touchée par l'ambiance légère qui règne dans les lieux. J'ai le cœur bien trop lourd pour ça. Il semble peser un poids dans ma poitrine que je ne lui soupçonnais même pas. Je chasse mon inexplicable sensation de malaise d'un geste agacé de la main avant de m'engouffrer dans les longs couloirs recouverts d'un papier peint d'une couleur inqualifiable et infâme, un mélange entre un jaune hideux et un beige, qui n'est vraiment pas du meilleur effet.

Je m'arrête au niveau de mon casier pour prendre les affaires dont j'ai besoin pour le cours suivant. Je suis déjà en retard, mais honnêtement ce n'est pas comme si cela allait m'empêcher de dormir... Je me fiche totalement des cours, ce qui est d'autant plus vrai que je n'arrive même pas à m'envisager un avenir, alors à quoi ça sert de bosser ? Je me dirige distraitement vers ma salle de classe, mon esprit absorbé à ses sombres contemplations.

Sans la moindre motivation je toque doucement contre le panneau en contre-plaqué de la porte. Priant pour que personne ne vienne ouvrir. Malheureusement pour moi, quelques secondes plus tard cette dernière s'ouvre pour laisser place à un homme, vingt-cinq ans à tout casser, sûrement le nouveau prof qui devait arriver aujourd'hui. Je l'avais complètement zappé celui-là... Je ne fais même pas l'effort de lui sourire, de toute manière il finira comme les autres, il se cassera en se rendant compte que nous ne sommes pas de tous de joyeux et innocents bambins.

Il me dévisage intensément et semble attendre quelque chose, je ne dirais pas que ça me déstabilise, parce qu'il faudrait que ce soit beaucoup plus gênant pour que je commence à envisager de l'être, mais je ne suis pas non plus super à l'aise. Je fronce les sourcils, toujours silencieuse, et attends patiemment qu'il veuille bien prendre une initiative ou même l'ombre d'une décision. Soit tu me vire, soit tu me garde, mais je t'en supplie bouge toi les fesses ! D'un geste impatient je regarde l'heure qu'affiche ma montre. Lorsque je relève la tête, je croise le regard choqué de mon professeur qui me dévisage véritablement comme si je venais de commettre un pêcher capital. Bien décidée à ne pas céder d'un iota, je croise les bras devant ma poitrine et m'adosse nonchalamment contre la chambranle de la porte où je suis toujours plantée comme un poteau électrique, pas que j'ai quelque chose contre les poteaux électriques, attention, ce n'est pas ce que j'ai dit, mais bon, on a déjà vu comparaison plus avantageuse... Au bout d'un certain temps, voyant qu'il reste toujours planté au plein milieu du chemin comme un imbécile et commençant à me poser énormément de questions sur ses capacités mentales - ou plutôt sur son manque de capacité - , je finis par laisser la colère m'envahir. Il ne veux pas prendre de décisions ? Très bien, soit, alors j'en prendrais une pour lui, mais qu'il ne vienne pas pleurnicher après, j'estime que je lui ai laissé bien assez de temps pour se décider. J'entre d'un pas déterminé dans la classe, bousculant dans cette manœuvre mon pauvre petit professeur, qui semble toujours autant sur le cul.

Par ailleurs en parlant de son cul, il faudrait peut être qu'il songe à faire enlever le placard entier d'instruments ménager qui y semble coincé, je suis sûre que ça lui permettrait de mieux respirer et réfléchir...

Je gagne calmement ma place, pas le moins du monde déstabilisée par les nombreux regards qui pèsent sur moi, du moins en apparence, parce qu'intérieurement je songe avec amertume au fait que j'ai toujours souhaité éviter tout ses regards, mais qu'ils ont tout de même fini par me rattraper. Fatalité, quand tu nous tiens...

Je pousse un long soupir en m'installant au milieu de la classe, juste à côté d'une grande fenêtre ancienne et mal isolée, mais je m'enfiche, je n'ai jamais froid de toute façon. Je jette un regard à la dérobée au cours de maths qui vient tout juste de reprendre avant de m'en retourner à la contemplation silencieuse du paysage s'éveillant doucement en même temps que le soleil se lève, réchauffant les arbres, les prairie et les ruisseaux ainsi que leurs nombreux habitants. Mon esprit s'échappe devant la douce chaleur de cet astre lumineux. J'adore le soleil, tellement beau, puissant, vivant, brûlant, symbole même de la toute puissance de la nature et de sa domination sur le reste de la création...

Rubis - I. Renaissance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant