Chapitre XXVII

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Il ne répond pas à mon baiser et c'est là que je me rends compte de ce que je suis en train de faire. Je m'éloigne brusquement de lui. Bon Dieu ce que je suis conne. Je n'arrête pas de lui adresser des signaux contradictoires. Je m'en veux. Ce qui c'est passé cette nuit est un rêve et je ne dois pas le considérer comme autre chose que cela. Un rêve.

– Je... Je suis désolée... Je ne sais pas ce qu'il m'a pris. C'est sûrement à cause de toute cette pression et...

Il ne me laisse pas le temps de finir et me rejoint en deux enjambées. Ses lèvres dans un élan spontané retrouvent les miennes. Je veux m'écarter. Sa présence, son odeur, son touché. Tout chez lui me fait littéralement fondre. Mais ma conscience me rappelle presque immédiatement à l'ordre. Je ne peux pas commencer avec lui une relation aussi passionnelle que complexe. Pas à quelques jours seulement d'une guerre. Je ferme les yeux et romps le contact de nos bouches.

– On ne peut pas faire ça Erèbe. Ce n'est juste ni pour moi ni pour toi. C'est égoïste et stupide. Tu le sais aussi bien que moi.

Son souffle chaud et rapide s'écrase lourdement sur mes lèvres toujours proches des siennes. J'ai encore les yeux fermés. Un seul regard et je suis sûre de craquer. Mon corps, mes pouvoirs et mon âme sont attirés viscéralement par le jeune Igyina.

– Oui. Je le sais et si tu savais de quelle manière cela fait bouillir de rage mes pouvoirs... Tu es la seule chose qui me retienne de leur laisser le contrôle.

Je recule d'un pas et ouvre les yeux pour les planter dans le violet des siens.

– C'est faux. Ce qui t'empêche de leur accorder le pouvoir sur ton esprit c'est ça.

Je pose ma main au niveau de sa poitrine où un de ses cœurs bat inhumainement vite. Il attrape ma main et entrecroise ses doigts avec les miens. J'observe nos mains entrelacées et les images de cette nuit me reviennent encore une fois en tête. Je m'apprête à lui poser une question sur ce qu'il a fait de sa nuit lorsque, comme un maudit cheveu dans la soupe, Myriade débarque dans la salle de Conseil. L'Hérault qui l'annonce me fait littéralement faire un bon, mais Erèbe me tient si fermement contre lui que je ne bouge pas d'un iota. C'est ainsi proches mais tout de même éloignés — ce qui représente bien notre situation en vérité — que la jeune femme nous trouve.

– Je vous dérange Votre Majesté ? Votre Altesse.

Elle s'incline une première fois vers Erèbe et une deuxième fois vers moi. J'acquiesce, heureuse de voir qu'elle a retenu la leçon. Contrairement à ce qu'on peut croire je n'aime pas tuer les gens, de plus au vu de son rôle ici, j'aurais risqué l'incident diplomatique. En temps de guerre, ça craint.

– Non, très chère. Je m'en allais justement.

Je déclare calmement en détachant ma main de celle d'Erèbe. J'incline la tête en le saluant :

– Votre Majesté.

Par politesse il me rend ce salut, mais je vois briller au fond de ses yeux une lueur de contrariété qui se dispute à la colère.

– Votre Altesse.

Je passe la porte et suis immédiatement entourée par les quatre mêmes gardes qu'à l'aller. Je pousse un soupir en me disant intérieurement : vivement qu'on en finisse, vivre ici va finir par me filer des tas d'ennuis que je préférerais éviter. Dont des soucis cardiaques à force de côtoyer le Roi. Ce mec me fait totalement perdre la tête et je sais, au vu de la puissance qui sommeille en moi que ce n'est jamais une bonne chose. De grands pouvoirs entraînent de grandes responsabilités. Responsabilités que j'oublie dès qu'il est dans la même pièce que moi. Je suis vraiment inconsciente. Je vais finir par tous les faire tuer à ce train-là. Je suis vers le milieu du couloir quand j'entends un gémissement sortir de la pièce que je viens de quitter. C'est comme si je recevais un coup de poignard dans le dos — je sais ce que ça fait alors je peux vous garantir que c'est une équivalence presque parfaite avec ce que je ressens —, mais en même temps je savais ce que je faisais en les laissant seuls tous les deux. J'ai une horrible envie de pleurer. Pourquoi faut-il que je m'attache aux gens avec qui je ne peux pas être ? La colère emplit bientôt le creux que la douleur a créé en moi et je demande aux gardes :

Rubis - I. Renaissance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant