Chapitre XX

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J'ouvre les yeux en grand. Je suis dans ma chambre. Celle de l'orphelinat. En vérité, ce n'est pas vraiment une chambre, mais plutôt un dortoir. J'ai de vagues souvenirs de cet endroit. J'y dormais pendant mon enfance. Je sais que j'avais du mal à m'adapter à toutes les personnes qui m'entouraient constamment. Je me réfugiais dehors quand la proximité avec autrui me faisait piquer une colère. Avec un sourire léger et indulgent, je me rappelle ces moments qui, même s'ils sont lointains, sont fixés à tout jamais dans ma mémoire, mes récentes découvertes sur ma nature m'aidant aussi à les voir sous un autre angle qui les rend... Différents, à la fois plus simples et plus compliqués... Je fronce les sourcils. J'entends des pleurs. Je m'approche lentement et tombe nez à nez avec un petit garçon à la peau mate et aux cheveux bruns bouclés. On dirait... On dirait Yale... Le petit garçon lève les yeux et je vois dans son regard tellement de douleur et de souffrance que ça me fait horriblement mal.

Des bruits de course. Deux jeunes filles entrent à toute vitesse dans la pièce. L'une a de longs cheveux blancs et l'autre un carré d'un noir bleuté. Elles remarquent toutes les deux immédiatement l'état de leur ami et s'empressent d'aller le consoler. Cette vision est touchante, mais aussi étrangement... Déstabilisante. Le trio se tient là, serrés les uns contre les autres pendant un long moment. Je finis même par me demander pourquoi Yale, Fubuki et Naïa restent aussi statiques. Ma réponse arrive bientôt.

Les deux autres membres de la bande arrivent ensemble en marchant calmement et discutant de choses que je ne peux pas entendre. Je les regarde s'approcher du groupe pour leur dire qu'il est temps d'y aller. Qu'on les attend. Intriguée, je veux les suivre. Mais je suis incapable de me déplacer. Ils s'en vont et je reste seule dans la pièce dont le silence est assourdissant, angoissant. Je commence à paniquer. Pourquoi est-ce que je suis seule ? Pourquoi m'ont-ils abandonnée ?

Des voix lointaines résonnent, c'est du vrikir. Ces voix ordonnent aux enfants de les suivre. Puis elles s'éloignent ne laissant dans leur sillage que le silence encore et toujours ce même vide. J'arrive de nouveau à bouger. Je me sens toute petite. Ou alors est-ce que ce qui m'entoure est juste plus grand ? Je grimpe difficilement sur un lit. Des sanglots secouent mon corps avec tellement de violence que la douleur m'emplit la gorge comme un long trait d'acide. La pièce devient de plus en plus sombre. Les larmes coulent sur mes joues, mais je n'y prête pas attention, je ne vois plus clair, mais il n'y a personne pour me montrer quelque chose de toute manière.

Un hurlement me fait m'essuyer précipitamment le visage. Je saute du lit et cours vers sa provenance. J'arrive dans une grande pièce. Une dame dort par terre. Elle est calme. Devant moi un homme se tient avec une posture si menaçante et agressive que je recule d'un pas. Je m'emmêle dans mes jambes et tombe sur les fesses. Aïe, ça fait mal ! L'homme s'approche de moi avec un couteau à la main et un sourire si tordu que je commence à pleurer. Le monsieur à l'air méchant.

– Oh non petit Oiseau, ne pleure pas, je ne te veux pas de mal... Dis-moi où sont tes amis et il ne t'arrivera rien.

Il ment, la directrice dit que mentir c'est mal. Le monsieur est méchant. Je secoue la tête, je ne lui dirais pas. Tremblant et rouge de colère il s'approche de moi avec son couteau. Il est aussi rouge, le couteau. Je regarde la dame qui dort par terre, elle est allongée dans du rouge, on dirait du sang. Je ferme les yeux. Son énergie est froide. Comme celle des meubles. Elle n'est plus illuminée par la présence de son âme. Elle est morte. Son aura à lui par contre brûle tellement que c'en est douloureux. Il est douloureux. Il fait du mal. Pourquoi il fait du mal ? Il doit être puni, la directrice n'aime pas qu'on fasse du mal, je n'aime pas non plus et je suis sûre que maman n'aimait pas non plus. Il doit souffrir. Il veut me faire du mal, je le sais. Comme ceux qui ont fait du mal à ma maman. J'ai chaud. Je brûle de colère.

Rubis - I. Renaissance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant