Chapitre IV

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   J'avais tort. Rien ne s'est passé comme espéré et le trou immense dans lequel je semble m'abîmer de plus en plus au fur et à mesure que le temps défile et me laisse seule paraît vouloir me le rappeler quotidiennement faisant ressortir le plus fréquemment possible de récurrents sentiments tels que l'ennui, le désespoir et le doute.

Un mois. Ça fait un long mois que j'ai été mise au rancart. Après mon violent retour à la réalité, tout s'est passé extrêmement rapidement. Les secours étaient déjà sur place et m'ont prestement pris en charge sous le regard étrangement calme et doux de la directrice de l'orphelinat. Par ailleurs après le diagnostique du médecin, qui affirmait que j'étais en parfaite santé, puis celui du psychologue qui estimait que j'étais folle à lier — ce que, sur le coup je n'ai pas trop pu contester, je me suis quand même jetée dans un incendie avant de me réveiller dans une autre dimension, enfin, je crois que c'était ça, j'étais donc assez mal placée — il a été décidé que je devais rester enfermée dans ma chambre et n'en bouger que sous la surveillance d'au moins deux adultes – au début ce n'était qu'un seul, mais force a été de constater après un malheureux incident, où j'ai malencontreusement casé le nez de la personne chargée de me surveiller, qu'une seule ne suffisait pas, j'ai eu beau dire que je n'avais pas fait exprès, qu'il m'avait prise par surprise, la directrice ne m'avait pas crue.

Au début — c'est-à-dire les trente premières secondes environs — cela ne m'a pas vraiment dérangée, j'avais horriblement besoin de temps et de calme pour comprendre ce qu'il m'arrivait. Seulement vu que je n'ai pas la moindre idée de la réponse ça m'a vite agacée, de plus le mal de crâne carabiné que je me suis coltiné m'a précipitamment détourné de mon objectif... Tout ça pour dire que je me retrouve littéralement coincée et en train de mourir d'ennui, je n'ai plus refait de rêves depuis le jour de l'accident, mais le souvenir de celui que j'ai déjà fait m'a amplement suffit à occuper la plus grande partie de mes journées. De fait, j'étais tellement plongée dans le monde immatériel des songes que j'en ai oublié le matériel, pendant deux jours je n'ai ni mangé ni bu, ne me levant de mon matelas que pour aller aux toilettes, toujours accompagnées, bien sûr.

Au bout d'un certain temps pourtant, mes amies, bon, je l'avoue, Émilie surtout, ont commencé à s'inquiéter. En vérité seule Émilie avait réellement conscience de mon état — ce qui explique pourquoi elle plus que les autres s'inquiétait — qui n'était pas non plus déplorable, mais tout de même un tant soit peu déprimant. Il faut dire que l'enferment ne réussit pas à grand monde, heureusement qu'Émilie, qui, entre nous est une sacrée chieuse, ne s'est pas laissée déloger aussi facilement que je me suis laissée enfermer sinon j'aurais très rapidement viré encore plus barge, ne pas avoir de compagnie du tout aurait été trop rude. Même si ce n'était pas mon premier avis, parce que voyez-vous lorsqu'elle s'inquiète, Émilie développe une pathologie tout à fait intéressante, elle commence à engueuler les personnes responsables de son angoisse, oui cette fille a un sérieux grain. Je me suis donc fait passer un des pires savons de ma vie. Bon Dieu c'était vraiment pas de la tarte. Il n'empêche que ça a été efficace j'ai fini par me remettre sur pied, par ailleurs après m'avoir hurlée dessus Émilie s'est calmée et a explosé en sanglot en me reprochant d'être une amie de merde et de lui avoir fait vivre une des pires peurs de sa vie, il faut croire qu'elle avait craint que je n'aie péri dans les flammes. À partir de là elle avait de nouveau toujours été là pour moi me ramenant les cours, me parlant de sa journée et des potins dont la plupart me faisait mourir de rire. Les soirées sont donc devenues le meilleur moment du jour pour moi, celui où j'oublie que je suis prisonnière, de mes murs aussi bien mentaux que physiques, où je reprends goût à la vie. Cependant cette impression ne dure jamais et lorsque le voile de la nuit recouvre peu à peu les arbres du jardin assombrissant leur vert ramage et plaçant ainsi la lune à la place de son amant le soleil, tout redevient comme avant et la solitude me reprend.

Rubis - I. Renaissance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant