Chapitre V

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« Chuter pour se maintenir à la hauteur ou se maintenir à la hauteur pour ne pas chuter ? »

Je vais vraiment finir par croire que quelqu'un, au fin fond des cieux du haut de son nuage pourri, m'en veut. Ça fait maintenant la troisième fois d'affilée que je me réveille à un endroit différent et dans une situation délirante. Non pas que ça me dérange, enfin si —mais ne le dites à personne — disons plutôt que ça commence sérieusement à m'agacer, et au vu de mes légers problèmes d'agressivité il vaut mieux que cela ne devienne pas une récurrente habitude, sinon il ne faudra pas venir se plaindre, à force de toquer à la porte du Diable on sait ce qu'il finit par se passer, par ailleurs je commence sérieusement à me demander si je ne le suis pas, le Diable, Hadès, Azraël, Lucifer ou quelque soit son nom. Pas que je me prenne pour une divinité, rassurez-vous, je ne suis pas encore au stade ou mon ego à atteint des propensions faramineuses, mais j'avoue me trouver tous les mauvais côté des divinité et autres personnages mythiques cités précédemment, ce qui commence, vous en conviendrez, à devenir inquiétant.

Mon âme est hantée. Je revois encore constamment ces images, ces horribles images qui me donnent envie de... qui ne me donnent envie de rien en vérité, je n'éprouve absolument rien à la vue de ces maudites visions, ni culpabilité, ni honte, ni colère, nada. Et c'est ça, cette maudite absence de sentiments qui me tue lentement. Comment ? Comment c'est possible de ne rien ressentir devant tant de haine, de violence, de souffrance ?

J'aimerais tellement savoir ce qu'il c'est passé, si j'ai réussi à me contrôler ou bien si tous les enfants sont morts par ma faute, mais je n'arrive pas à me souvenir, une barrière trop épaisse me prive de l'accès à ces informations, celle de l'obscurité, de l'abandon, de l'oubli, et ça me rend littéralement folle. Cependant, mon cœur, lui, semble savoir et me murmure sa souffrance. Je suis tellement bête, je me suis laissée aveugler par ma colère et manipuler comme une enfant par mes sentiments. Je n'ai aucune idée de ce qu'il m'arrive, je ne sais pas où je suis, j'ai l'impression de ne plus savoir qui je suis et quelque chose au fond de moi m'empêche de me laisser aller. De laisser mes sensations éclater, exploser, comme si leur précédente explosion avait de toute manière déjà tout brisé, m'interdisant à jamais de ressentir et de me rappeler ce que j'ai ressenti. Une bien maigre punition en comparaison de toutes les vies que je n'ai certainement pas manqué de prendre et de celles que je n'aurais de cesse d'enlever.

– Tu es trop dure avec toi-même. Tu ne connais même pas la vérité.

J'ai un rire amer et la digue pourtant épaisse contrôlant mes sentiments manque de flancher sous le poids écrasant qui menace d'embraser le feu dans mes veines.

– La vérité ? Tu veux connaître la vérité ? Je suis un monstre, un putain de monstre sans cœur qui a sûrement tué des dizaines d'enfants ! Et même si ce n'est pas le cas je sais que ça ne tardera pas à arriver, Il est trop fort, je L'entends encore me chuchoter à l'oreille... Je... Je n'ai pas réussi à Lui résister, je suis trop faible.

J'entends un soupir, une hésitation puis elle répond doucement :

– Tu n'es pas plus un monstre que tu ne l'étais hier, Rubis. Tu ne sais rien, ne connais qu'une infime partie, si infime partie, de la réalité... Ton jugement est faussé par les années que tu as passé auprès des humains, ne t'en fais pas, un jour tout redeviendra clair...

Cette fois c'en est trop, une immense fissure brise la barrière de laquelle mes sentiments sont prisonniers, et je ne sais pas si ça me rassure ou au contraire m'inquiète, mais je sais que je ne peux pas la laisser dire ça impunément.

– Pas un monstre ! Je n'ai aucun regret, aucun ! Je... J'ai l'impression que toutes mes émotions ce sont comme... Envolées, et honnêtement, je pense que c'est le pire.

Rubis - I. Renaissance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant