Chapitre XIII

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Blanc. C'est le meilleur adjectif que j'ai trouvé pour décrire le plafond que j'observe depuis tellement longtemps que j'en ai perdu la notion exacte. J'aurais aimé pouvoir sentir la douceur du vent sur mon visage, le sentir sécher mes larmes. Des larmes de feu qui me marque le visage de la pire des manières, qui creusent des sillons ignobles, qui signalent encore une fois que je suis seule, mais je n'en ai pas le droit. Mon âme souffre, maltraitée par ce corps dont l'énergie m'est une torture. Je me sens horriblement prisonnière. Pas uniquement parce que je n'ai pas l'autorisation de sortir de ce maudit château, mais aussi parce que je ne peux pas échapper à cette vie qui m'étouffe et me rend folle. Folle de sentiments que je n'ai pas le droit de ressentir si je veux préserver mon entourage. Ce même entourage qui a causé ce que je redoutais sans même m'en rendre compte. Ma mort. Et ma résurrection. Un rire douloureux m'arrache la gorge lorsqu'il s'en échappe et un sanglot le remplace. Je suis une vraie loque, une pauvre petite chose. Je suis incapable d'être celle que tout le monde attend. Celle pour qui tout le monde prie. Je ne peux pas être le Phoenix. Je suis incapable d'être ce que les autres voient en moi, une sauveuse, une protectrice. Je ne sais que détruire. Tuer. Pourtant, la menace silencieuse d'Aliam me revient toujours en mémoire. Cette menace qui me disait que si je voulais un jour obtenir la tranquillité je devais offrir la même chose à ce monde.

Tout le monde pense savoir ce que je ressens, Yale le premier, mais personne ne peut envisager la souffrance qui anime tout mon être constamment, cette impression que les deux parties qui forment qui je suis sont constamment en opposition, en train de se combattre. Yale qui voulait à tout prix que je lui explique pourquoi je semblais si hébétée. Yale qui fait battre mes cœurs trop fort pour sa propre sécurité. Toute émotion, tout sentiment est désormais à bannir. Et malgré le fait que je sache que c'est dangereux pour lui je ne peux pas m'empêcher de ressentir comme un poids dans mon estomac et les battements affolés de mes cœurs en écho lorsque je pense à lui. Lorsque je pense à la manière dont ses lèvres douces ont capturé les miennes quand on était allongé sur ce même lit. Je ferme les yeux et tente de me calmer. Je ne peux pas perdre le peu de contrôle sur mon corps que je préserve tant bien que mal.

Putain de prophétie à deux balles. Je ne suis pas originaire de cette planète. Je n'en sais que le peu qu'on a bien voulu me révéler et je suis censée me sacrifier pour elle ? Je suis censée endurer la douleur ignoble des flammes. Une rage immense et sous-jacente est toujours là malgré le fait que je ne veuille pas laisser mes sentiments m'envahir. La vérité c'est que je suis submergée. Submergée par des choses étranges dont je ne sais rien et dont on ne m'a donné aucun moyen pour les maîtriser...

Rubis. S'il te plaît, écoute-moi.

Tu es comme tous les autres Rynuvia. Je ne peux avoir confiance en personne.

Tu laisses de sentiments prendre encore une fois le dessus, tu n'acceptes pas de voir la vérité, celle qui pourtant est sous ton nez, car tu as peur de souffrir. Ce que tu n'as pas compris c'est que, quoi que tu fasses ta nature vokoatote te fera toujours souffrir, mais si tu finis par l'accepter, ce ne sera pas autant qu'actuellement, c'est le prix que tous les Vokoatos doivent payer. C'est le prix légèrement plus élevé que tu t'es engagé à payer en acceptant tes pouvoirs. Tes pouvoirs sont tellement puissants et immenses que la Déesse du Feu elle-même a eu du mal à combattre la volonté de ton corps mêlée à celle de ton âme. Car s'il y a bien une chose sur laquelle tu as tort c'est sur le fait que ton âme et ton corps ne sont pas accordés. C'est faux et tu le saurais si tu acceptais de voir la vérité.

Je ferme encore plus les yeux. Je ne veux plus voir l'inconnu dont je suis entourée, ce monde est si différent, si étrange... Je n'arrive pas à l'effacer de ma mémoire, pas plus que je n'arrive à ignorer les propos de Rynuvia. Le truc, c'est que je ne lui fais plus du tout confiance comme au début. Elle m'a trahi en me cachant la vérité, qu'elle le veuille ou pas.

Rubis - I. Renaissance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant