Partie II : Chapitre XII

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Une tempête. Ce qui ravage mon âme et mes cœurs est une véritable tempête de flammes et de douleur. Je n'arrive plus à respirer, j'ai l'impression qu'on m'attaque de toute part. Je me bats pour ne pas laisser le pouvoir me ronger et me tuer. Parce que je sais. Je sais au fond de mes cœurs qu'il en est capable.

Tellement de puissance. Tellement de puissance que je suis incapable de maîtriser. J'ai l'impression de revivre la nuit où tout a basculé. La nuit de l'Horreur. La pièce dans laquelle je suis se met à tourner dangereusement. Pourtant rien n'est capable... J'ai réellement l'impression que rien n'est capable d'arrêter mon pouvoir. Je le sens qui se répand lentement et insidieusement dans la pièce. Qui comble la moindre parcelle d'air libre. Il vibre tel un nid-d'abeilles furieux. Un voile rouge passe devant mes yeux. Je ne vois plus à travers mes prunelles. Non, je ne vois plus qu'à travers les yeux d'une créature, d'une créature sous la dominance de ses émotions et de ses pouvoirs.

Toutes les personnes présentes dans la pièce se tournent vers moi et m'observent comme l'alien que je suis. Mais je ne suis pas la seule. Oh ça non. J'en ai marre de tous ces bouleversements, j'en ai marre de vivre une vie dont je donnerais cher pour rencontrer l'auteur histoire de gentiment lui péter la figure. Parce que ce que je vis. Ce n'est pas une vie. Je ressens tellement de désespoir. Je suis tellement perdue... En vérité, je ne fais que survivre. Je me bats contre des démons que je n'aurais jamais le pouvoir de vaincre. Je suis fichue. De toute manière, je suis fichue. Je n'ai plus la force. Plus la force de me battre constamment tout en sachant qu'il n'y aura jamais d'issues. Que je suis condamnée à souffrir pendant le reste de ma vie. Que je suis condamnée à uniquement survivre.

– Est-ce que vous voyez ? Regardez au fond de mes yeux !

Je hurle, je ne suis plus moi. Enfin, je suppose, parce qu'en vérité je ne sais plus qui je suis, et par conséquent qui je ne suis pas. Je me penche vers le reste du groupe qui, sous le choc est encore assis à m'observer bouche bée. Cependant, par crainte ou par réflexe ils font ce que je leur demande. Et c'est à ce moment-là que je comprends pourquoi mon altère-ego colérique, la Créature, a demandé cela. Quand je vois dans leurs propres yeux se refléter la lumière carmin de mon regard de feu.

– Oui, comme ça. Regardez ce que ce monde a fait de moi. Un monstre ! Un putain de monstre dont le seul désir dont il est avide est de tuer ! Vous savez ce qu'on dit. Les yeux sont le reflet de l'âme. Alors chers Arachiyrs, comment vous trouvez la mienne ?

Je sais qu'au fond, tout au fond de mes yeux ils voient ma souffrance, la douleur constante que m'impose ce pouvoir. Vivre en harmonie, disait Rynuvia. J'étouffe un ricanement, elle aurait dû savoir que l'harmonie n'est pas possible lorsqu'elle signifie accepter sa vraie nature. Une nature monstrueuse. Cependant, je sais aussi qu'ils voient les cadavres qui jonchent mon esprit, qu'ils voient la souffrance que mon pouvoir leur a infligée. Parce que je le sais, comme ils le découvrent, je suis toxique, que ce soit pour moi-même ou pour les autres. Je les tue. Je les détruis à petit feu et une partie, la plus cruelle de mon être, y prend un plaisir farouche. Elle adore cela. Je la sens par moment. Oh oui, par moment je la sens qui me pousse à commettre des actes irréparables, horribles et immoraux.

Un grincement de chaise strident me force à me concentrer à nouveau sur le présent. Yale. C'est Yale qui s'est levé. Le seul à oser s'opposer à ma fureur violente. Il plante son regard dans le mien. Mais je n'y lis pas ce que je voudrais y voir. Je voudrais que ses yeux expriment le même dégoût que celui que je ressens pour moi-même, la même colère, la même fureur aveugle, sans nom et sans but. Ce n'est pas le cas. Son regard est doux. Empli de souffrance. À son tour son regard s'illumine. Le son de la Terre se met à murmurer à mes oreilles, m'apaisant étrangement.

Rubis - I. Renaissance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant