Chapitre XXV

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Naïa Solissa, Princesse de Torentellisse, Fervura, Torentellisse, Iris.

Ce maudit palais ne m'avait pas manqué. Et le fait d'habiter sous l'eau où il fait horriblement sombre, non plus. Je trouve que cet endroit a toujours été exagérément cérémonieux et prétentieux. Sérieusement, sous l'eau ? Je sais que nous sommes un peuple aqueux, que nous vivons pour et par l'eau, mais ça ne m'empêche pas de souhaiter sentir le soleil sur ma peau et non pas la seule fraîcheur du liquide rose iodé. Les Conseillers parlent entre eux et avec ma mère qui siège aux côtés de mon père à l'autre bout de la table. Je ne les écoute pas. Je me fais terriblement chier. Je sais que ce plan est réellement palpitant et que tout va bientôt basculer, mais pour le moment, assise sur un vaste siège plus de cent mètres sous la mer, je crève d'ennuis. Rien que pour cette raison, je m'exclame soudain :

– Je veux diriger l'armée, je veux mener nos Vokoatos au combat contre ces maudites Ombres !

Le silence se fait immédiatement sur la totalité de l'assemblée. Ma mère me dévisage étrangement, mais reste très calme.

– Pourquoi ?

– Mais parce qu'un jour je serais sur le trône que tu occupes, parce qu'un jour je serais la garante de la sécurité de centaines de milliers de gens. Comment est-ce que je peux apprendre quoi que ce soit si je reste assise dans un putain de fauteuil à discourir de la pluie et du beau temps ! Ici, je ne sais plus quoi faire pour m'occuper l'esprit, j'ai besoin d'action ! Je veux me battre, montrer à mon peuple qu'il peut avoir confiance ne moi. Que je ne suis pas que la petite terrienne fraîchement débarquée. Je veux devenir un héros comme dans les livres que je lisais plus jeune, et ne plus être la paria que tous voient en moi. Voilà pourquoi chère mère.

Le silence est maintenant si épais que si nous n'avions pas été dans l'eau on aurait pu le découper à l'épée, en très fines tranches. Puis brusquement les conversations éclatent tout le monde débat sur l'avantage que représenterait ma présence sur-le-champ de bataille. Je fronce les sourcils et me lève. J'en ai marre. Je m'éloigne. Nous sommes le seul peuple qui n'ait pas encore rejoint le point de ralliement sur le mont Troh à Terraïate. Et ça me crispe. Je sais que mes compagnons de toujours sont en train de se préparer à la guerre. De se préparer, si notre plan foire, à tous y passer. Je sais qu'ils n'attendent plus que nous pour partir à l'assaut de l'immense planète noire. Cet assaut, au vu de la réunion d'aujourd'hui ne se fera pas tout de suite. Les généraux de ma mère sont plus prudents que les vieilles dames qui surveillent leurs petits enfants, ce qui a tendance à me crisper sérieusement.

Soudainement je sens un fort courant me pousser et mes yeux se plantent sur la jeune femme qui me fait face. Je lui fais un léger sourire et elle s'incline profondément.

– Votre Altesse.

– Ydre. Tu m'as manquée.

Cette brune et moi avons un passif qui n'a strictement rien à voir avec de l'amitié. Nous nous connaissons depuis que je suis revenue sur Iris il y a quelques années. C'est l'une des seules raisons qui me poussent à rester dans ce palais moisi plutôt que d'aller prêter main-forte à mes amis.

– Nous nous sommes vues il y a trois heures, Princesse, je n'ai pas pu vous manquer.

– Crois-tu ?

Elle rit doucement et je me détends enfin. Tournant à l'angle d'un couloir nous entrons dans une chambre. La mienne. Je plonge dans les abysses bleus de ses magnifiques yeux et laisse mon cerveau s'éteindre et mon corps prendre la relève dans une danse mille fois répétée par tous les gens du monde.

Rubis Aliam, Princesse d'Amurrisse, Ygora, Royaume d'Exasimir, Ouranos.

L'eau brûlante coule sur mon dos en me détendant enfin. Je sais que j'ai peut-être fait une connerie en venant sur cette planète. Vivre aux côtés d'Erèbe pendant un temps indéterminé est un risque autant pour ma santé mentale que pour le bon déroulement de notre plan. Je sens la présence du Roi dans la chambre que j'ai récemment désertée et cela me trouble. Tout en lui me trouble. Je ne comprends pas ce qui nous relie l'un à l'autre. Ce lien si fort et si tangible. Avant d'aller sous la douche, je lui ai demandé quelque chose de stupide. Les souvenirs me reviennent en mémoire et j'ai envie de m'assommer contre la paroi en verre fumé de la douche en me souvenant de ma stupidité.

Rubis - I. Renaissance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant