Chapitre VIII

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La soie sous mes mains est la première chose dont j'ai conscience en reprenant lentement pied sur terre. Le matelas chaud sous moi est la deuxième chose, la troisième est l'air léger présent dans la pièce, le quatrième le silence qui y règne et la dernière chose, le plafond situé à une petite dizaine de mètres à peine. Ce même plafond qui dès que j'ai les yeux ouverts se met à tourner de manière nauséabonde. Respire, je m'ordonne calmement. Maudits imbéciles de Vokoatos qui passent leur temps à assommer plutôt qu'à me demander gentiment de dormir. Je commence sérieusement à saturer. J'ai l'impression que dès que j'ouvre les yeux, je suis ailleurs. Il va peut-être falloir se calmer sur la quantité de voyages. Je ne suis pas sûre de supporter une nouvelle bravade. Mon corps me le fait clairement comprendre.

– Pourquoi est-ce que j'ai l'impression de passer plus de temps inconsciente que l'inverse dernièrement ?

Rynuvia met un petit moment pour répondre.

Je suis sincèrement désolée pour tous ces instants plutôt pénibles, mais la loi sur les nouveaux arrivants est très stricte. Ce genre de désagréments devraient cesser maintenant.

Je sens un immense soulagement m'envahir. Je vais peut-être enfin arriver à retrouver un semblant de contrôle sur mon existence. Mais je vais sûrement trop vite en besogne.

Je suis arrivée dans un camp d'entraînement comme promis ?

Soupir.

Pas vraiment. Disons que tu es dans ce qui y ressemble le plus.

Encore un mystère et une phrase remplie de sous-entendus inaudibles. N'y voyez aucune mauvaise volonté, mais ça commence sérieusement à me courir sur le haricot toute cette histoire. Je décide de changer de sujet pour éviter de m'agacer encore plus et de risquer de convoquer mon pouvoir.

Cette histoire de test ? Comment ça s'est passé ? Est-ce que tu connais mon Ymna ?

– Je n'ai pas eu le temps, malheureusement, de voir quoi que ce soit, mais tu t'es admirablement bien débrouillée lors du test et je pense que tu appartiens à l'un des trois premiers niveaux.

Je fronce les sourcils, pas très au fait de ce que veut signifier sa réplique.

Combien y a-t-il de Ymna en tout ?

– Onze, si on compte la caste divine.

Étonnée je fronce les sourcils.

Il y a une caste divine ? Mais je croyais que personne n'avait jamais reçu un pouvoir de même intensité que les Six ?

– C'est vrai, mais ce Ymna sert plus de valeur de référence qu'à autre chose, c'est le zéro. Et rien n'interdit aux déesses de redonner un pouvoir identique aux leurs à une autre personne si elles l'estiment nécessaire...

Je prends un temps pour enregistrer les informations que Rynuvia vient de me communiquer et remarque par le même moment que le plafond a arrêté de tourner comme une toupie ce qui est plutôt une bonne chose. Surtout pour la sûreté du contenu de mon estomac.

Malgré l'arrêt de mes nausées, une douleur sourde persiste dans mon ventre ce qui m'énerve un peu. Je n'ai jamais particulièrement mal quelque part. Mais ces derniers temps j'ai l'impression que tout ce que je croyais savoir est remis en cause par des gens que je ne connais même pas. Une bien triste vérité ne cesse de me tourmenter. Si je ne suis pas Rubis, la petite humaine perdue dans un monde composé d'une foule compacte d'individus dans laquelle elle se fond, qui est la Rubis que je suis censée être ? Pourquoi est-ce que j'ai grandi sur Terre si sur cette planète venir d'un autre endroit est considéré comme une tare ? En vérité je ne sais rien sur celle que je suis. Je ne sais rien sur celle que je peux devenir.

Rubis - I. Renaissance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant