Chapitre XI

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Le coin du couloir passé, je ressens une vague de panique m'envahir et, guidée par mes émotions, je me mets à courir de toutes mes forces. C'est la bonne décision, hurle ma conscience. Quelques secondes plus tôt, j'aurais été d'accord, j'étais d'accord. Il n'y avait pas d'autre choix. Je suis trop instable émotionnellement pour rajouter une relation sentimentale à la liste déjà considérable de ce que je ne gère pas dans ma vie. Pourtant. J'ai mal. Putain, pourquoi est-ce que ça fait si mal ? J'ai l'impression qu'à l'intérieur de moi quelque chose se meurt. Se décompose. Ce n'est pas une simple explosion. C'est terriblement pire que ça, parce que la violence ne vient pas d'une douleur fulgurante et brève, mais d'une impression d'agonie lente et ignoble. Ce n'est pas tant à cause de mes sentiments que de ce que ces sentiments me font ressentir. C'était allé trop vite, si ça doit se passer, que ce soit maintenant ou plus tard ça se passera, tente de me convaincre ma conscience. La douleur au fond de mon être, celle qui me torture les cœurs et l'âme, se calme lentement alors que peu à peu une constatation s'impose à moi, ce qui est fait est fait.

J'arrive devant une grande porte ce qui, à peine essoufflée, me force à m'arrêter. Je regarde autour de moi, interrogative, mais il n'y a personne. L'immense battant de la porte ne ressemble à aucun de ce que j'ai déjà pu voir dans le palais. Il est brun, presque noir et sa surface paraît parcourue par moment de petites ondulations. Un souffle délicieusement brûlant s'enroule autour de moi, rassurant. Attirée par la pièce que dissimule cette porte je pose ma main sur le bois étrangement chaud. Et manque de faire une crise cardiaque lorsque le bois émet une sorte de grognement sourd avant de commencer à s'écarter. Un chuchotement envahit la pièce pleine de... livres. De magnifiques livres reliés si finement que les toucher me fait frissonner et me parait être de la profanation. La porte derrière moi se ferme en un claquement sec et sonore. N'importe quelle personne censée aurait été effrayée. Je suis quand même dans une immense pièce plutôt lumineuse contrairement à ce qu'on pourrait penser d'une bibliothèque d'un autre monde et entourée de livres qui chuchotent. Mais étrangement, je ne suis pas apeurée. Intriguée, curieuse, oui, inquiète non. Nous reparlerons de ma santé mentale plus tard si vous le voulez bien. Pour le moment je m'adosse un moment au battant de la porte pour me calmer, pas à cause de la course, ni de la pièce légèrement étrange dans laquelle je suis, mais à cause du trop-plein d'émotions qui me rend nerveuse.

Brusquement la Terre se met à trembler sous moi et j'étouffe un couinement effrayé. Le pouvoir musqué de la Terre me chatouille les narines et les seules choses que je suis capable de chuchoter, anéantie c'est le prénom de celui qui en est responsable :

– Yale... Mon Dieu, mais qu'est ce que j'ai fait ?

Son pouvoir est vibrant de rage et de douleur, je le sens plonger en moi et hurler toutes ses émotions, pendant que le Feu de mon pouvoir, fidèle, l'expulse violemment de l'intérieur de mon corps me déchirant littéralement et forme une couche protectrice rougeoyante sur ma peau. Quelques secondes plus tard à peine j'entends des bruits de courses dans les couloirs et d'autres simplement de marche.

– Il faut à tout prix qu'on la retrouve.

Déclare une voix sur un ton préoccupé.

– Je n'ai jamais vu Yale dans un pareil état... Par Solisa, mais qu'est-ce qui a bien pu se passer entre ces deux-là ?

Je sens dans la voix légèrement chevrotante de Naïa qu'elle est autant en colère qu'inquiète. Les pas s'arrêtent devant la porte à laquelle je suis encore collée. Mon souffle se coupe. Si elles me trouvent maintenant alors que je suis encore submergée par mes émotions je risque grandement de les blesser, ce que je ne veux pour rien au monde.

– Tu veux vraiment aller là-dedans ?

Demande l'autre fille.

– Non, mais il faut qu'on la retrouve avant qu'Yale fasse une grosse connerie, tu le connais...

Rubis - I. Renaissance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant