Partie I : Chapitre I

69 5 19
                                    

Les ombres m'entourent. Elles sont tellement nombreuses et puissantes que je me sens partir peu à peu, comme absorbée par leurs obscurs pouvoirs. Je tremble des pieds à la tête.

J'ai froid.

J'ai chaud.

J'ai mal partout.

Le moindre de mes muscles semble parcouru par des milliers d'aiguilles électriques. Je pousse un petit gémissement de panique lorsque les ombres commencent à se rapprocher de plus en plus de mon coeur. Je ne peux pas bouger. Je les observe faire sans pouvoir opposer aucune résistance. Une rage mêlée à un terrible sentiment d'impuissance commencent à parcourir mes veines d'une onde violente de chaleur brûlante. Les ombres se mettent à pousser d'horribles cris d'agonie, elles s'éloignent brusquement, comme si je les avais brûlées et finissent par s'évanouir dans la sombreur de ma chambre.

Je me redresse lentement encore affaiblie par le cauchemar que je viens de faire. Je suis couverte de sueur, ça peut paraître évident pour quelqu'un qui vient de cauchemarder, mais pas pour moi. Je ne me rappelle pas avoir déjà souffert de n'importe quelle température, qu'elle soit basse ou élevée. Ce que je veux dire c'est que je n'ai jamais transpiré. Une autre nouveauté, la douleur qui me parcourt désagréablement le corps en vagues froides et horriblement douloureuses. Je me lève avec difficultés et me dirige en chancelant vers la salle de bain collective féminine située un peu plus loin. Je me déshabille rapidement et laisse l'eau brûlante délasser mes muscles courbaturés et ma peau sensible. Pour la première fois, je me sens réellement vulnérable. Mon instinct me chuchote que j'aurais pu y passer ce soir, ça avait beau être un simple rêve, la fièvre et les douleurs qui en ont découlées sont elles tout à fait réelles, je peux aisément en attester. Il me faut environ une vingtaine de minutes pour arriver à détendre un tant soit peu mes membres endoloris.
En sortant de la douche je m'enveloppe soigneusement dans une serviette éponge et retourne rapidement dans la chambre que je partage avec Émilie, une jeune brune aux allures de garces sans coeur en réalité très sympa si on se donne la peine de regarder sous la tonne d'indifférence et de maquillage dont elle s'affuble à longueur de temps. Une chouette fille au passé un peu trop obscur pour que les personnes saines d'esprit ne cherchent à se pencher dessus. Mais je n'ai jamais prétendue que je l'étais, saine d'esprit. Il m'arrive même parfois de penser que je suis tout l'inverse, mais je finis toujours par me raisonner. Reste qu'elle est vraiment sympa, enfin avec moi, parce que je connais des personnes qui la détestent et qui ont sûrement de bonnes raisons pour ça, mais j'ai un caractère qui concurrence le sien alors forcément après les premières disputes de coutume on s'est vite rapprochées et j'ai appris à la connaître puis à l'apprécier. Ce n'est pas pour autant que je ne me rends pas compte que cette fille n'est pas la réincarnation de mère Thérésa. Mais ce qui est bien avec elle c'est qu'elle se contrefiche de ce que les gens pensent et c'est ce côté-là de sa personnalité que je préfère, celui qui dit : « tu peux toujours essayer de m'atteindre, mais le jour où tu auras plongé assez profond en enfer pour venir me chercher ne viens pas te plaindre de ne plus arriver à remonter... ». Bref, une chic fille.

Ma colocataire se tourne vers moi lorsque j'entre dans la chambre et me dévisage un instant avant de demander :

-Tu peux pas faire plus de bruit encore la prochaine fois ? Comme ça au moins je n'aurais plus de doute quant à la présence d'un troupeau furax d'hippopotames dans ma chambre.

J'ai un léger rire. Cette fille n'est vraiment pas commune.

-D'hippopotames ? Tu me vexes Émilie. C'était un troupeau de gnous, voyons ! Non mais la jeunesse je vous jure, même plus capable de faire la différence entre des hippopotames et des gnous !

Malgré sa mauvaise humeur flagrante je la vois se mordre la joue pour résister contre le fou rire qu'elle meure d'envie de laisser échapper. On s'affronte quelques secondes du regard avant d'exploser toutes les deux de rire. Elle reprend son sérieux bien avant moi et déclare avec une moue boudeuse qui la rend adorable :

Rubis - I. Renaissance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant