Chapitre 6

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Guillaume se réveilla doucement le lendemain matin. Encore embrumé dans un demi-sommeil, il regarda l'heure sur son portable. 15h. Il sentait un souffle chaud dans son cou. Il baissa les yeux et se retrouva nez à nez avec le visage endormi d'Orel. Il sourit. Tous les matins devraient être comme ça.

Il ferma de nouveau les yeux et tenta de grappiller encore un peu de sommeil, profitant de l'instant, du corps d'Orel contre le sien, de ses bras qui l'entouraient, de sa tête dans le creux de son cou.

Il sentit alors son acolyte bouger contre lui. Il devait être réveillé. Il sentit la chaleur de son corps s'éloigner de lui et, déçu, l'entendit quitter la chambre. Il n'avait pas eu envie de rester un peu dans le lit avec lui ? Gringe rouvrit brusquement les yeux.

Il repensait à la veille. Il avait passé la meilleure nuit de sa vie. C'était une certitude, il ne se posait même pas la question. Le simple souvenir de cette soirée, de cet instant où les barrières tombent et où la vérité éclate, le simple fait d'y repenser faisait s'emballer son cœur et s'installer une douce chaleur au creux de son ventre.

Il avait embrassé son meilleur pote. Il avait dormi avec lui. Et il avait adoré. C'était un peu dur à avouer. Mais c'était une telle évidence qu'il ne servait plus à rien de la nier.

Mais Gringe avait la désagréable sensation que ce sentiment n'était pas tout à fait réciproque. Pourquoi Orel n'était pas resté dans le lit avec lui ? Il était parti dès qu'il s'était réveillé, comme s'il avait réalisé où il était et avait voulu s'éloigner au plus vite, comme s'il ne s'était rien passé.

Un peu anxieux, Guillaume se leva, remit son jogging et son t-shirt qui avaient été jetés d'un bout à l'autre de la pièce la veille et, après avoir enfoncé son éternel bonnet sur sa tête, il sortit de la chambre.

Il avança en traînant des pieds dans le salon et aperçut le haut des cheveux d'Orel qui dépassaient du canapé. Il se fit couler un café sans un mot. Puis il prit sa tasse brûlante et, hésitant, alla rejoindre son ami sur le canapé.

- Salut, lança-t-il.

- Salut.

Orel avait répondu de son éternel ton blasé. Gringe cherchait son regard, mais ses yeux restaient fixés dans le vide devant lui. Mal à l'aise, Guillaume se détourna et but son café en silence.

Pourquoi est-ce qu'Orel ne disait rien ? Il allait exploser si cet énorme blanc durait plus longtemps.

Gringe se racla la gorge.

- Orel...

- Ouais ?

Gringe ne savait pas trop comment tourner sa phrase.

- T'as un problème ?

- Comment ça ?

- Je... eh ben... Tu dis rien depuis tout à l'heure, t'es parti hyper vite de la chambre, et je me demandais si... Si tu voulais parler de... Enfin, sauf si tu veux pas en parler, je... Enfin, je comprendrais.

Orel mit un peu de temps à répondre. Il ne regardait toujours pas Gringe.

- J'en sais rien... Je repensais à hier soir et... Enfin, je pense qu'il vaudrait mieux qu'on oublie ce qui s'est passé.

Gringe eut l'impression de se prendre une baffe. Il se ratatina au fond du canapé.

- Ah.

- T'es pas d'accord ?

- Euh... Si, si, t'as raison. C'était une erreur. On s'est laissés emporter.

Orel eut un sourire un peu pincé et le regarda enfin.

- Super. Alors, on est potes comme avant ?

- Ouais, bien sûr, répondit Gringe d'un ton faussement léger.

- Cool. Bon, je vais à la douche.

Aurélien se leva et sortit du salon.


Gringe regarda sa tasse d'un œil vitreux. La douce chaleur qui envahissait son estomac à peine quelques minutes auparavant s'était transformée en un brasier douloureux qui le dévorait.

Il avait bien senti que quelque chose était bizarre quand Orel s'était cassé de la chambre comme ça, sans rien dire, dès qu'il s'était réveillé. Il avait passé la meilleure soirée et la meilleure nuit de sa vie. Et maintenant, Orel voulait qu'ils redeviennent « potes ».

Gringe ne voyait pas très bien comment il pourrait redevenir simplement pote avec quelqu'un qui l'attirait autant, avec quelqu'un qu'il avait autant envie d'embrasser, de toucher, d'enlacer. Il réalisa qu'il en avait toujours eu envie. Ça faisait longtemps qu'il matait discrètement Orel quand il sortait de la salle de bain, qu'il bloquait sur ses lèvres quand ils se parlaient. Ils étaient potes à cette époque, mais il se voilait un peu la face, il faisait avec...

Mais maintenant, c'était pire. Gringe ne se voyait pas revenir en arrière. Parce qu'il savait désormais quel goût avaient ces lèvres, il savait ce que ça faisait de s'endormir et se réveiller avec Orel dans ses bras. Et maintenant qu'il savait, il ne voyait pas comment il pourrait s'en passer.

Mais Aurélien, lui, avait l'air de très bien pouvoir s'en passer. Pourtant, il avait l'air d'avoir apprécié autant que lui leur petite... « aventure » de la veille. C'était même lui qui avait pris les devants et qui avait voulu aller encore plus loin, alors que Gringe ne se sentait pas prêt. Qu'est-ce qui avait changé ?

Orel sortit de la salle de bain et, après un passage dans sa chambre pour s'habiller, revint s'asseoir sur le canapé. Gringe se força à lui sourire. Il en avait mal au ventre. « Si tu voulais me mettre un râteau comme une merde, tu aurais pu éviter de me rouler une pelle avant » pensa-t-il avec rancœur.

Il ne supportait pas d'être à côté de lui sans pouvoir lui dire ce qu'il ressentait, sans pouvoir le prendre dans ses bras. Il se sentait incapable de redevenir simplement son « pote ». Il se leva et lança :

- Je sors faire un tour.

Orel ne broncha pas. Gringe sortit de l'appartement et claqua la porte derrière lui.    

OrelgringeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant