Chapitre 25

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Claude fit à peine deux pas dans la rue, et sortit immédiatement son téléphone. Après quelques tonalités, la voix de Gringe répondit :

- Allô ?

- Gringe, c'est Claude.

- Salut Deuklo, ça va ? Pourquoi tu m'appelles ?

- Faut que je te parle. T'es occupé ?

- Ben...

- En fait, je m'en fous, le coupa Claude. Je t'attends à l'Embuscade, rejoins-moi tout de suite.

- Euh... Mais c'est que je peux pas vraiment, là...

- C'est à propos d'Orel. Alors tu te magnes le cul et tu viens.

Il y eut un court silence au bout du fil. Puis :

- J'arrive.

Gringe raccrocha.

Deuklo espérait de tout cœur que Skread s'était fait des idées, et que Guillaume n'avait jamais trompé Orel. Après tout, il avait beaucoup d'amies filles, il était possible que Skread ait mal compris.

Mais une petite voix soufflait à l'oreille de Claude que Skread n'était pas du genre à envoyer un tel message à un de ses amis, s'il n'était pas sûr de lui... Et ça ne serait pas vraiment la première fois que Gringe était infidèle.

Une petite demi-heure plus tard, Claude et Gringe se faisaient face, assis à une petite table à l'intérieur de l'Embuscade. Ils commandèrent deux bières. Claude fixait son ami d'un air fermé et inhabituellement sérieux.

- Bon, de quoi tu voulais me parler ? demanda finalement Gringe.

- T'es sûr que t'en as aucune idée ?

- ...Dis-moi.

- Skread t'as vu avec une fille en ville il y a quelques jours, et selon lui vous étiez « vraiment très proches ». Et il a envoyé un message à Orel pour le prévenir.

- Quoi ? s'exclama Gringe d'un air effaré.

- Et ne vas pas lui remettre la faute dessus, hein, dit Claude en haussant la voix. Tu sais aussi bien que moi qu'il aurait rien envoyé s'il s'était pas vraiment posé des questions. C'était qui, cette fille ?

- Une amie, répondit Gringe d'un air borné.

- Une amie ? C'est tout ?

- Oui, c'est tout ! répliqua Guillaume d'une voix forte.

Claude soupira.

- Écoute, t'es pas obligé de me dire la vérité. D'habitude, je m'en bats les couilles que tu trompes tes copines, c'est ton problème, mais là c'est avec Orel que tu sors, et il mérite la vérité. Donc tu vas bouger ton cul et aller le voir, parce qu'il hors de question que je le récupère encore une fois dans cet état.

- ...Comment ça, dans cet état ? demanda Gringe d'un ton un peu inquiet.

- À ton avis ?

Gringe resta sans rien dire pendant un long moment, les yeux fixés sur Deuklo. Puis il se leva brusquement, laissant sa bière intacte.

- Il faut que j'y aille.

- Je crois que ça serait pas une mauvaise idée, ouais.

Guillaume sortit du bar.

Son cœur battait vite quand il ouvrit doucement la porte de leur appartement. Il entra lentement, le ventre noué.

- Orel ? appela-t-il.

Le silence lui répondit. Il entra dans le salon et découvrit son petit ami allongé de tout son long sur le canapé. Il avait l'air profondément endormi. Une bouffée de tendresse submergea Guillaume, aussitôt suivie par une vague de culpabilité douloureuse quand il pensa à ce qu'il devrait lui dire.

Il s'assit précautionneusement sur le bord du canapé, et lui caressa lentement la joue.

- Orel, souffla-t-il. Réveille-toi.

Le caennais ouvrit ses paupières avec difficulté. Gringe vit qu'il avait les yeux gonflés et un peu rouges. Deuklo n'avait pas exagéré. Son estomac se serra de tristesse, et il continua sa lente caresse sur la joue d'Orel.

- Je suis rentré, souffla-t-il.

Orel ne répondit rien et détourna le regard. Il avait l'air tellement triste. Son visage était défait, ses joues marquées par le passage des larmes.

- Orel, regarde-moi, articula Gringe.

Aurélien obéit et planta ses yeux dans les siens. Guillaume frémit. Il se sentait tellement mal, il se sentait immonde d'être la cause de toute la détresse qu'il voyait dans ce regard.

- Je sais que Skread t'a envoyé un message. Je sais que t'as dû passer toute la journée à t'imaginer le pire... Alors je vais te dire la vérité.

Orel l'interrogea vaguement du regard, l'air à la fois défait et inexpressif. Il semblait à deux doigts de fondre en larmes. Gringe glissa doucement sa main dans la sienne. Orel ne se dégagea pas, mais il ne lui rendit pas l'étreinte de ses doigts. Guillaume avait l'impression d'être face à une coquille vide, inexpressive, et ça lui faisait peur. Il caressa doucement le dos de sa main avec son pouce, et dit :

- J'étais bien avec une fille ce jour-là. Elle s'appelle Camille, je l'ai rencontrée en soirée il y a pas longtemps, et je lui ai dit dès le début que j'étais en couple. On a bien accroché, on avait pas mal de centres d'intérêts en commun, et du coup on s'est dit que ça serait sympa d'aller boire un café un de ces quatre. Alors on s'est vus une fois, mais elle a fait que de me coller tout l'après-midi... Je l'ai pas repoussée, parce que j'avais été très clair avec elle en lui disant que j'étais pas libre, et je voulais pas la vexer, je me disais que c'était peut-être sa façon d'être. Sauf que... Au bout d'un moment, elle a fini par m'embrasser.

Orel l'observa d'un air vitreux. Il n'avait pas l'air surpris.

- Et... Tu l'as repoussée ? articula finalement Orel.

Gringe hésita quelques secondes de trop avant de répondre. Et ces quelques secondes lui furent fatales. Oui, il l'avait repoussée. Au bout d'un moment. Pas immédiatement. Trop tard.

Aurélien le regarda quelques secondes d'un regard sombre. Une foule d'émotions passaient derrière ses yeux embués. La trahison, le dégoût, la colère, la tristesse s'y mélangeaient dans une flaque de larmes brûlantes.

- Va-t'en, ordonna-t-il d'une voix étranglée.

- Orel...

- Dégage de chez moi, siffla-t-il.

Les larmes roulaient sur ses joues. Gringe sentit sa gorge se serrer, ses yeux le brûler. Il essayait de toutes ses forces de se retenir de pleurer.

- Orel, je t'en supplie... Laisse-moi rester. Je l'ai repoussée, je te jure. Je t'aime, je...

- Je t'ai dit de dégager ! cria Orel en dégageant brusquement sa main de celle de Gringe.

Guillaume, effrayé par la colère qui s'était peinte sur les traits de ce visage qu'il aimait tant, céda et quitta l'appartement.

Orel s'effondra sur le canapé. Il suffoquait, les larmes ruisselaient sur ses joues. C'était fini. Gringe l'avait trompé, Gringe l'avait trahi. Plus personne ne tenait à lui. C'était fini.


OrelgringeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant