Chapitre 24

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Bordel ça faisait mal. Ça faisait mal d'aimer autant.

Il relut le sms au moins dix fois pour être sûr.

« Salut Orel, j'ai beaucoup hésité pour savoir si je devais t'envoyer ce message. Gringe est mon pote autant que toi, et je sais que tout ça c'est pas mes affaires, mais j'en pouvais plus d'avoir ça sur la conscience, et je me disais qu'il fallait que tu saches. Alors voilà, l'autre jour j'ai aperçu Gringe en ville avec une meuf et ils avaient vraiment l'air très proches. Je me suis peut-être fait des idées, mais dans tous les cas je me suis dit que tu devrais le savoir, comme ça vous pourrez au moins en parler tous les deux... Je suis désolé de me mêler de ce qui me regarde pas. J'espère que je me suis trompé, et que tu m'en voudras pas. Tu peux m'appeler si t'as besoin. »

Le message venait de Skread.

Orel était assis par terre contre le mur dans le salon. Heureusement, il était seul à l'appart.

Il était fébrile, son cœur battait trop fort dans sa poitrine, une sensation douloureuse lui tordait le ventre. La respiration saccadée, il mit sa tête entre ses genoux, se passa les mains dans les cheveux.

C'était pas possible. Il devait y avoir une explication logique. Gringe n'aurait jamais fait ça. Il avait beaucoup d'amies filles, Skread s'était sûrement fait des idées. Jamais il ne l'aurait trompé. Il n'avait jamais vraiment été un modèle de fidélité, mais c'était différent, avec Orel... Pas vrai ?

Orel secoua la tête et eut un rire amer pour lui-même. C'est ce que devaient se dire toutes les meufs avec qui il était sorti avant, et qu'il avait lamentablement trompées. « Non, mais c'est pas pareil, avec moi. Il m'aime vraiment. »

Il était con. Tellement con. Comment il avait pu croire qu'un mec comme Gringe pouvait l'aimer réellement, pouvait tenir avec lui sans aller voir ailleurs.

Comment il avait pu croire qu'il était assez bien pour pouvoir le faire changer, pour pouvoir gagner l'amour de ce mec beaucoup trop séduisant dont toutes les filles raffolaient. Comment il avait pu croire qu'il avait assez de valeur pour que Gringe ne le trompe jamais...

Orel se sentait comme une merde. Il avait été assez con pour se sentir différent. Il n'était qu'une merde. Un con de plus dont Gringe avait profité, un naïf de plus qui s'était laissé embobiner.

Il lui en voulait tellement. Il était tellement en colère. Il aurait pu lui casser la gueule, là, maintenant, s'il s'était trouvé en face de lui.

Mais pire, il s'en voulait à lui-même. Il se trouvait tellement con, tellement naïf, stupide. S'il avait été mieux, plus beau, plus attentionné, plus intéressant, plus drôle, plus doux, plus aventurier peut-être, s'il avait été mieux, tout aurait été différent. Gringe n'aurait pas eu de raison d'aller voir ailleurs. C'était de sa faute.

Les larmes dégoulinaient désormais le long des joues d'Orel. Il pleurait à gros sanglots, la gorge nouée, le cœur brisé. Brisé en mille morceaux. Bordel, ça faisait mal. Ça faisait tellement mal. Il avait l'impression que son monde s'écroulait.

La colère, l'amour, la tristesse, la trahison se bousculaient dans sa poitrine à lui en faire mal. Sa rancœur l'étouffait. Il n'avait jamais autant haï et aimé quelqu'un à la fois.

Toutes ses promesses. « Je t'aime. » « Je serai toujours là pour toi. » « Tu es tout pour moi. » « Je ne te ferai jamais de mal. »

Tout ça, c'était du vent. Ce n'était que du vent. L'avait-il seulement vraiment pensé un jour ?

Soudain, on tambourina de grands coups à la porte. Le cœur d'Orel s'arrêta, et il releva brusquement la tête.

Il essuya ses larmes et se leva, les jambes flageolantes. Il n'imaginait même pas à quoi il devait ressembler, à cet instant. Il avait les yeux gonflés et douloureux, les joues brûlantes. Au moins, ce n'était sûrement pas Gringe, il n'aurait pas frappé avant d'entrer.

Orel s'approcha de la porte et regarda qui c'était à travers le judas.

Claude.

Orel soupira. Est-ce qu'il avait vraiment envie de parler à Claude maintenant ? Avec la tête qu'il avait... Mais connaissant Deuklo, ce n'était même pas sûr qu'il le remarque. Orel n'aurait qu'à faire semblant cinq minutes, et trouver une excuse pour lui dire de partir.

Il finit par ouvrir la porte.

- Yo mec, comment ça va ? s'exclama joyeusement Claude en entrant dans l'appart.

Orel ferma la porte derrière lui et se racla la gorge pour essayer d'avoir une voix claire.

- Ça va !

Deuklo se retourna et se planta devant lui. Il l'observa quelques secondes, les sourcils froncés, et demanda d'un air sérieux qui ne lui était pas coutumier :

- Qu'est-ce qu'il se passe ?

Orel ne sut pas quoi répondre. Il ne s'attendait vraiment pas à ce que Deuklo remarque. En général, Claude faisait son petit bout de chemin, inconscient et insouciant, dans la bonne humeur et la déconne. Ce n'était pas qu'il ne faisait pas attention aux autres, c'était juste qu'il avait l'habitude de tout prendre à la rigolade, en permanence.

Mais Claude s'était arrêté devant Orel et l'observait sans un mot, le visage grave.

- Viens.

Il l'emmena dans le salon et le fit s'asseoir sur le canapé.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? répéta-t-il.

Orel baissa les yeux. Il devait faire un effort surhumain pour s'empêcher de pleurer. S'il parlait, il ne pourrait plus retenir ses larmes. Sa voix restait coincée dans sa gorge.

- C'est à cause de Gringe ?

Orel releva brusquement les yeux vers Claude et articula :

- Pourquoi, tu sais quelque chose ?

- Non, le rassura Claude. Je sais juste qu'il y a que lui qui peut te mettre dans un état pareil.

Orel reposa son regard sur ses mains entremêlées. Il essaya de calmer sa respiration saccadée, de ralentir son cœur affolé. Il prit plusieurs longues inspirations et dit finalement d'une voix un peu tremblante :

- J'ai reçu un message de Skread tout à l'heure, me disant qu'il avait vu Gringe en ville avec une meuf l'autre jour, et qu'apparemment ils étaient « vraiment très proches ».

Claude haussa les sourcils et resta interdit.

- Comment ça, « vraiment très proches » ? demanda-t-il.

- J'en sais rien, y avait pas plus de détails. Mais je pense pas qu'il m'aurait envoyé un message s'il s'était pas vraiment posé des questions... Tu connais Skread, il aime pas se mêler des affaires des autres, surtout pour ce genre de trucs.

- Il s'est peut-être fait des idées... Tu devrais l'appeler histoire d'éclaircir tout ça. Pourquoi tu l'as pas encore fait ?

- Je sais pas, je... Je crois que j'ai pas envie d'avoir la réponse, en fait, répondit Orel d'une petite voix.

Il sentit sa gorge se nouer, et les larmes lui montèrent aux yeux. Il baissa la tête, honteux. Claude soupira.

- Je vais le tuer, marmonna-t-il.

Orel devina qu'il ne parlait pas de Skread. Il ne répondit rien, mais ça le touchait de voir que Deuklo le défendait et lui remontait le moral comme ça.

- Orel, il faudrait que j'aille régler un truc, là. Tu crois que je peux te laisser tout seul ? Tu peux me le dire si t'en as pas envie, je peux rester, y a pas de souci.

Aurélien hocha la tête. À vrai dire, il avait plutôt envie d'être seul. Il voulait juste se rouler en boule sous un plaid et pleurer sans que personne ne puisse le voir.

- Ok, bon dans ce cas j'y vais. Tu m'appelles si ça va pas, ok ?

- T'inquiète. Merci de m'avoir remonté le moral.

- C'est normal.

Claude lui pressa doucement le bras d'un air compatissant, puis se leva du canapé et sortit de l'appartement.

OrelgringeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant