Chapitre 27

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Gringe émergea péniblement. La lumière vive du jour lui brûla la rétine et il ferma brusquement les yeux, rabattant son bras par-dessus son visage. Il se laissa quelques minutes de répit, espérant se rendormir. Il entendait le grondement de la ville au-dehors, le bruit des voitures sur le boulevard en contrebas. Il n'avait aucune idée de l'heure qu'il était.

Finalement, il se redressa et s'assit difficilement sur le canapé sur lequel il avait dormi. La bouche pâteuse, il entrouvrit les paupières et se pencha pour chercher son portable à tâtons sur le sol. Il le trouva enfin à côté d'un trop grand nombre de canettes de bière vides et du cadavre d'une bouteille de whisky. Il l'alluma et l'heure s'afficha sur l'écran. 15h34. Encore une journée merdique.

- Ah, t'es réveillé ! lança une voix.

- Mm, répondit Gringe d'une voix rauque.

Il se pencha, s'empara de la bouteille de whisky et vit qu'il restait un fond. Sans attendre, il appuya le goulot contre ses lèvres gercées et bascula la tête en arrière pour boire les dernières gouttes. Il soupira d'aise quand il sentit le liquide brûlant descendre dans sa gorge.

- Tu devrais vraiment arrêter avec ça.

Gringe leva les yeux au ciel et se tourna vers l'endroit d'où provenait la voix. Une jeune femme l'observait d'un air réprobateur.

- Je suis sérieuse, c'est pas bon pour toi.

- Camille, c'est de ta faute si je suis célibataire et que je bois, donc je pense que tu peux éventuellement fermer ta gueule, grommela Gringe.

La jeune femme pinça les lèvres, l'air vexée.

- Tu pourrais me parler mieux que ça, répliqua-t-elle d'un ton froid. Je suis déjà sympa de t'héberger chez moi.

Gringe l'ignora et s'étira avec un gémissement douloureux. Son corps entier lui faisait mal. Il se leva, mit son portable dans sa poche et sortit du salon en titubant.

- Je vais prendre une douche, marmonna-t-il.

- C'est ça, fais ça. Et tu me feras le plaisir de me ranger les bouteilles que tu t'es sifflées à toi tout seul hier soir ! cria Camille tandis qu'il s'éloignait.

- Ouais, ouais.

Gringe s'enferma dans la salle de bain et claqua la porte derrière lui, en prenant soin de fermer à double tour. Lentement, il retira ses vêtements et les jeta en boule dans un coin de la pièce. Puis il entra dans le bac de douche et commença à faire couler l'eau.

Il se sentit tout de suite mieux quand il sentit l'eau brûlante dévaler ses épaules. Il mit la tête sous le jet, se passa les mains sur le visage, espérant chasser ainsi les restes d'alcool de la veille. Il resta un long moment debout, immobile, laissant ses pensées poisseuses dériver tandis que l'eau le réchauffait.

Il ne savait plus à quelle heure il s'était endormi la veille. Il avait commencé par une bière en se levant, une autre une heure plus tard, puis encore une autre. Sa journée s'était écoulée comme toutes les autres depuis deux semaines: une alternance brumeuse d'alcool et de cigarette, jusqu'à ce que la nuit tombe et avale avec elle toute sa vitalité. Alors il passait au whisky, ou tout autre alcool fort qui lui passait sous la main, et buvait jusqu'à ce que son cerveau ne soit plus en état de réfléchir.

Les soirées étaient douloureuses. La solitude de la nuit venait l'engloutir et il la noyait dans des litres d'alcool qu'il finissait par boire à la bouteille.

Mais c'était le matin qu'il avait le plus envie de se jeter par la fenêtre.

Ses journées étaient devenues un combat de chaque instant où il essayait juste de survivre, de tenir jusqu'au jour suivant. Heure par heure, minute par minute, il observait le temps s'écouler, bloqué dans une douleur à laquelle il ne pouvait pas échapper. Car sa douleur, c'était lui. Il se haïssait de tout son être.

OrelgringeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant