Chapitre 13

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Orel tournait en rond dans le salon. Il ne savait pas quoi faire. Est-ce qu'il devait aller à l'Embuscade et retrouver Gringe, ou attendre qu'il rentre pour discuter ? Il avait l'impression que s'il ne le rejoignait pas au bar, ça revenait à lui faire comprendre qu'il ne voulait pas de lui. 

Ce qui n'était pas le cas, pas du tout. Il voulait de lui. Il voulait être avec lui, l'embrasser, se dire qu'ils étaient en couple. Mais ça le terrifiait. Il avait encore du mal à se dire qu'il était à deux doigts de sortir avec un mec...

Mais il ne se voyait pas vivre sans lui. Il ne voulait pas qu'ils s'engueulent. Et puis, au fond, il n'était pas obligé de s'empêcher de sortir avec Gringe pour Ahélya : elle savait qu'il l'avait quittée pour lui, elle se doutait bien qu'il n'allait pas attendre des années pour passer à l'action.

Il soupira. Ça faisait plus de deux heures qu'il tournait en rond et se répétait encore et encore les mêmes arguments. Il décida qu'il s'était assez fait désirer comme ça ; il prit sa veste, attrapa ses clés et sortit de l'appartement. Il allait rejoindre Gringe à l'Embuscade, il allait porter ses couilles et enfin lui dire ce qu'il ressentait, et ce qu'il voulait. Et cette fois, il n'allait pas se dégonfler au dernier moment.

Quand Orel arriva à l'Embuscade, la soirée battait son plein. Il y avait des gens bourrés partout, des mecs beuglaient, d'autres dansaient, des filles maquillées comme des pandas se trémoussaient de manière aguicheuse sur la piste. Orel les jaugea du regard. Auparavant, il les aurait peut-être matées. Il aurait eu envie de danser avec elles, de coucher avec elles. Il ne l'aurait pas fait, évidemment, à cause d'Ahélya, mais il en aurait eu envie. Ça aurait eu un côté excitant.

Là, il n'y pensait même pas. Il détourna le regard et chercha Gringe. Il ne le trouva pas.

- OOOOREEEEL ! beugla quelqu'un.

Aurélien n'eut pas besoin de le voir arriver devant lui pour deviner que c'était Deuklo qui l'avait interpelé.

- Bah alors, tu foutais quoi ? lança l'homme à la queue de cheval.

Il empestait l'alcool. Il avait l'air complètement fait.

- J'avais des trucs à faire. Ils sont où les autres ?

Claude désigna une table au fond du bar. Skread, Bouteille et Ablaye étaient assis autour. Mais pas Gringe.

Orel jeta des regards autour de lui, un peu inquiet. Est-ce qu'il était encore là, au moins ? Il espérait qu'il n'était pas déjà parti. Il espérait qu'il n'était pas complètement bourré. Les gars ne l'auraient pas laissé rentrer tout seul bourré, quand même ? Il alla les rejoindre à la table.

- Salut, les mecs.

- Salut ! lança Ablaye. T'étais passé où ?

- J'étais occupé. Il est où Gringe ?

- Aux toilettes, répondit Skread un peu trop rapidement.

Orel lui jeta un regard soupçonneux.

- Beuuuh n'importe quoi ! intervint Deuklo en s'avachissant sur la table. Il est en train de draguer une nana ! Elle est uuuultra bonne. J'me la ferais bien, mais bon... Elle a l'air d'avoir plutôt envie de notre bon vieux Gringos !

Claude éclata de rire. Orel haussa les sourcils. Il eut l'impression qu'une boule de plomb venait de lui tomber dans l'estomac.

- Quoi ? Comment ça, il est en train de draguer une nana ?

- Il exagère ! dit Skread. Il parle à une meuf, c'est tout, mais il la drague pas.

Orel aurait bien voulu le croire, mais il avait du mal. Il connaissait Gringe : à chaque fois qu'il parlait à une meuf en soirée, c'était pour la draguer. Et puis, pourquoi Skread le défendait, d'abord ?

Il jeta des regards tout autour de lui, inspectant chaque recoin du bar à la recherche de son ami. Et puis, dans un coin près d'une table basse, il le vit. Il était assis sur une petite banquette, tout près d'une fille rousse qui arborait un décolleté plongeant. Il était clairement en train de la draguer - et elle avait l'air très réceptive.

Orel eut l'impression de se prendre une baffe. Il n'aurait pas pensé que voir Gringe en train de draguer une meuf lui aurait fait aussi mal. Il avait son sourire charmeur, son regard de séducteur. Il l'avait fait des millions de fois, il avait ses techniques, et elles marchaient. Orel était bien placé pour le savoir, il était le premier à être incapable d'y résister. Il commençait à comprendre ce que Gringe avait ressenti, quand il lui avait reproché de toujours sortir avec Ahélya.

Il détourna vivement le regard. Il ne voulait pas voir ça. S'il se cassait, les autres allaient comprendre qu'il se passait quelque chose... Oh, et puis merde. Il se passait quelque chose. Et il ne se sentait pas capable d'assister à ce spectacle une minute de plus. Il se leva brusquement et sortit du bar.

L'air frais de la nuit lui fit du bien. Il n'y avait personne dehors. La rue était vide. Il était soulagé. Il n'avait pas envie qu'on le voie comme ça.

Il s'adossa contre un mur et se laissa glisser pour s'asseoir par terre. Ce sol était sûrement super crade. Tant pis. Il essayait de se retenir de pleurer.

Soudain, la porte du bar s'ouvrit. Il tourna la tête et vit Gringe s'approcher de lui. Orel rit pour lui-même. Alors comme ça, il avait lâché sa proie ?

- T'es venu, dit Gringe d'un ton hésitant.

- Oui, désolé si je t'ai dérangé, répliqua sèchement Orel.

Le rappeur au bonnet rougit.

- C'est... C'est pas ce que tu crois...

Cette phrase fit mal à Aurélien. « C'est pas ce que tu crois. » « Je te jure, il s'est rien passé. » « Je ne te tromperai jamais. »

Le nombre de fois où Gringe avait sorti ces excuses bidons à ses anciennes copines, pour qui il n'avait aucun respect. Orel avait bêtement cru être différent. Il essayait de retenir ses larmes, mais c'était de plus en plus dur.

Il se sentait con. Il avait laissé ses sentiments pour Gringe prendre de plus en plus de place, il les avait laissés diriger tous ses actes, et tout ça pour rien. Gringe n'en avait rien à foutre. Pour lui, ce n'était sûrement qu'une passade, une curiosité sexuelle, une façon de tromper l'ennui. Alors que pour Orel, c'était mille fois plus.

Gringe s'approcha d'Aurélien, et s'assit à côté de lui. Doucement, il passa son bras autour de ses épaules. Orel le laissa faire. Il lui en voulait, mais il était incapable de lui résister.

Il aurait voulu être capable de dire non, de l'envoyer balader. Gringe draguait ouvertement une meuf, et puis il revenait comme une fleur en le prenant dans ses bras. C'était trop facile. Mais Orel était fatigué, et il se doutait que Gringe avait fait ça comme une sorte de vengeance pour ce qu'il lui avait fait subir avec Ahélya. Et il n'avait pas envie que le contact de ce bras autour de ses épaules se rompe.

Qu'est-ce qu'il était faible, quand Gringe était là. Incapable de prendre des décisions rationnelles. Bordel.

Le basané approcha doucement son visage de celui d'Aurélien et posa son front contre sa tempe.

- On rentre ?

Orel hocha la tête. Gringe sourit. Ils se levèrent etrentrèrent ensemble chez eux.    

OrelgringeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant