Chapitre 22

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- Gringe ?

- Mm ?

- Je peux te poser une question ?

Gringe leva les yeux vers Orel, intrigué.

Ça faisait un moment qu'ils comataient tous les deux sur le canapé. L'après-midi touchait à sa fin, et ils somnolaient tranquillement l'un contre l'autre. Orel avait enfoui sa tête dans le cou de de Gringe, qui était à deux doigts de s'endormir.

- Ouais ? 

- Comment... Comment t'as su que tu m'aimais ?

Gringe eut un léger sourire et reporta son attention sur leurs doigts entrelacés.

- Sérieux ?

- Ouais, j'ai envie de savoir, répondit Orel avec un sourire enfantin.

- Ok... Bah... Je sais pas trop, c'est compliqué.

- Comment ça, c'est compliqué ?

- C'est compliqué parce que c'est pas venu d'un coup.

- Dis-moi comment c'est venu.

Gringe eut un petit rire.

- Tu veux vraiment savoir ?

Orel hocha la tête. Gringe soupira.

- En vrai, je sais pas trop comment c'est venu. Tout ce que je sais, c'est que ça fait longtemps. Depuis qu'on a commencé la coloc, à peu près, je dirais.

- Aussi longtemps que ça ? s'exclama Orel.

- Bah... Sur le coup je m'en rendais pas compte, mais ouais. J'aimais bien quand on était tactiles, j'aimais passer des soirées tout seul avec toi... Mais sur le coup je me voilais la face, je pensais pas que c'était parce que j'étais attiré par toi, je me disais juste que t'étais mon ami, que c'était normal que j'aime passer du temps avec toi...

Orel sourit et effleura doucement la paume de Guillaume du bout de ses doigts.

- Ça m'arrivait de laisser mes yeux traîner un peu trop quand tu sortais de la douche... avoua Gringe en rougissant un peu. Mais là aussi, je me disais que c'était juste que je te regardais pour comparer ton corps au mien, comme on était deux mecs... Pour voir qui était le plus grand, le plus musclé, le plus fin, des trucs comme ça.

- Alors qu'au fond tu fantasmais sur mon corps de dieu grec.

Gringe rit.

- C'est ça, ouais, ton corps de dieu grec, le taquina-t-il.

- C'est quoi cette ironie ? Tu l'aimes pas, mon corps ?

- Mais si, je l'aime, ton corps, répondit Gringe en relevant la tête pour embrasser les lèvres d'Orel.

Le caennais répondit tendrement au baiser, puis s'éloigna et dit :

- Et alors ? Ensuite ?

Gringe soupira, déçu qu'Orel ait séparé ses lèvres des siennes, et le cala de nouveau confortablement contre lui.

- Bah déjà, tout ça a duré un bon moment... Plusieurs années je pense. À ce moment-là, j'avais pas encore compris ce que ça voulait dire, ce que je ressentais pour toi.

- Et quand est-ce que t'as compris ?

- Arrête de me mettre la pression, je réfléchis !

Guillaume enfouit son visage dans les cheveux d'Orel et se perdit dans ses pensées. Il fouilla dans ses souvenirs. À quel moment était-il devenu clair qu'il était attiré par son meilleur ami ? À quel moment avait-il compris que les sentiments qu'il éprouvait pour lui étaient loin d'être seulement amicaux ?

Il savait à quel moment les choses avaient basculé. Mais il ne l'avait jamais dit à personne. Il ne se l'était même jamais avoué à lui-même.

- C'était il y a deux ans, souffla-t-il.

Il retira sa main de celle d'Orel et alla la poser sur sa joue pour la caresser doucement.

- Tu te souviens du petit accident de voiture que t'avais eu ?

Orel hocha la tête.

- Oui, avec Ahélya. C'était moi qui conduisais. Mais on n'avait rien eu.

- C'est ça. Je te l'ai jamais dit, mais... En fait, c'est moi qui ai été le premier à être averti de l'accident. Le type qui vous est rentré dedans t'a trouvé évanoui au volant, il a pris ton portable et il a composé le premier numéro raccourci. C'était moi.

- Oui, c'était toi le premier numéro raccourci, se souvint Orel en souriant. C'est toujours toi, d'ailleurs.

- Je t'ai répondu normal, en pensant que tu m'appelais comme ça, et puis j'ai entendu la voix de ce mec que je connaissais pas qui m'a dit « Je suis désolé, il bouge plus, je suis désolé. »

Orel perdit son sourire et resta silencieux.

- Je saurais même pas te décrire ce que j'ai ressenti, articula Gringe. Il a commencé à essayer de m'expliquer ce qu'il s'était passé, et moi tout ce que je retenais c'est qu'il disait que tu bougeais plus. J'étais... J'étais persuadé que t'étais mort.

- Gringe...

- J'ai eu l'impression que le monde entier s'effondrait. Ma vie n'avait plus aucun sens. J'ai cru que t'étais mort. Et j'avais juste envie de mourir aussi.

Gringe gardait son visage enfoui dans les cheveux d'Orel, les yeux clos, le cœur battant. Le caennais lui caressait doucement la joue et le serrait fort contre lui, les larmes aux yeux.

- Je suis désolé... Je pensais pas que t'avais eu aussi peur...

- Je me vois pas vivre sans toi, Orel, souffla Gringe.

Aurélien se serra plus fort contre lui. Ils restèrent un moment silencieux, pour laisser le temps à Gringe de se calmer un peu et de trouver la force de continuer à parler.

- J'ai pris ma voiture et j'ai foncé à l'hôpital, continua-t-il finalement. J'ai dit ton nom, et ils m'ont dit qu'ils t'avaient mis dans une chambre, que tu t'étais évanoui à cause du choc mais que sinon t'avais absolument rien, à part quelques bleus, et que t'avais eu beaucoup de chance. Alors j'ai couru jusqu'à ta chambre, et je t'ai enfin vu, allongé sur ce lit d'hôpital, endormi, tout pâle. C'était surréaliste. Mais t'étais en vie, c'était tout ce qui comptait pour moi à ce moment-là. Et quand je t'ai vu, la première chose que j'ai eue envie de faire, c'est de t'embrasser.

- Alors... c'est là...

- C'est là que j'ai compris ce que je ressentais pour toi.

Orel serra davantage ses bras autour du torse de Guillaume et enfouit sa tête dans son cou.

- Je suis désolé... J'aurais pas dû te demander de raconter... Je pensais pas que t'avais eu aussi peur, pour cet accident...

- Tu pouvais pas savoir, répondit Gringe en lui caressant tendrement les cheveux. Mais je l'avais jamais dit à personne, ça fait du bien d'en parler.

- Alors c'est pour ça que tu m'as complètement défoncé le soir où j'ai voulu conduire alors que j'avais un peu bu, comprit Orel avec un demi sourire.

Gringe rit.

- Ah oui, c'est vrai que j'avais été ultra violent avec toi ce soir-là.

- J'avais rien compris à ce qui m'arrivait.

- Surtout que t'avais pas bu tant que ça !

- Non, à peine deux bières. J'avais pas compris pourquoi tu m'avais défoncé comme ça.

- Bah... Maintenant, tu sais pourquoi.

- Oui... Je suis désolé.

Pour toute réponse, Gringe serra son petit rappeur contre lui. 


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