Orel entendit la porte claquer brutalement. Il sursauta légèrement. Il savait que Gringe était frustré, énervé. Et il savait où il allait généralement dans ces cas-là. Il eut un pincement au cœur en l'imaginant aller évacuer sa frustration dans les bras d'une fille quelconque, dans une camionnette glauque et miteuse.
Ça ne l'avait jamais gêné, que Gringe aille aux putes. Ça le faisait rire, plutôt. En tout cas au début. Mais depuis quelques semaines, depuis quelques mois, ça l'énervait. Depuis qu'il avait commencé ce stupide jeu de texto où il le draguait en se faisant passer pour une meuf. Pourquoi ça ne lui avait pas mis la puce à l'oreille ?
Orel essayait d'éloigner des pensées qui revenaient avec toujours plus de force et beaucoup trop souvent. Il ressentait des choses qu'ils ne voulait pas ressentir, il pensait des choses qu'il ne devait pas penser. Bordel, c'était tellement compliqué. Qu'est-ce qui lui avait pris d'embrasser Gringe ?
C'était Gringe, putain. Son pote. Son meilleur ami. Son frère de beuverie, de glande, de rap, de tout. Un mec.
Il avait embrassé un mec. Il. Avait. Embrassé. Un mec. Non, il avait pas juste embrassé un mec. Il avait embrassé Gringe. Et il avait adoré. Sur le moment, il avait laissé tous ses sens prendre le contrôle. Orel frémit en pensant que si Gringe ne l'avait pas arrêté, il serait allé bien plus loin qu'un simple baiser. Bordel, mais comment est-ce qu'il pouvait être attiré par Gringe ?
Orel soupira et se renfonça dans le canapé. Non, en fait, ce n'était vraiment pas si surprenant. Quand il y repensait, il ne voyait pas comment on pouvait ne pas être attiré par lui. Le beau Gringe. Le séduisant Gringe. Ses yeux verts, sa peau mate, ses mains puissantes, ses gestes souples. Et sa voix, bon sang, sa voix. Et ses lèvres. Et sa peau. Et son torse...
Orel se leva brusquement et sortit prendre l'air sur le balcon. Il secoua la tête. Il ne devait pas laisser son cerveau penser à des trucs pareils. Ça devait s'arrêter, maintenant. Gringe était allé aux putes, très bien. C'était avec des putes qu'il devait faire ce genre de trucs. Ou avec sa copine. C'était avec des meufs qu'il devait coucher, pas avec lui, Orel. Ça n'avait aucun sens.
Orel leva les yeux et regarda d'un air absent le panorama de la ville de Caen qui s'étendait devant lui. De toute façon, il lui avait dit qu'ils devaient tout oublier et redevenir potes comme avant. Gringe n'aurait qu'à faire avec. Ça n'avait été qu'une passade, une soirée, un instant. Ils allaient se reparler normalement, et d'ici quelques jours tout serait redevenu comme avant. Sans souci, sans ambiguïté. Juste les deux mêmes potes, sur le même canapé.
Gringe revint à l'appart un long moment plus tard. Il s'affala sur le canapé sans un mot. Orel lui jeta un petit coup d'œil avant de se retourner l'air de rien vers l'émission débile qu'il était en train de regarder. Gringe avait l'air renfrogné, le visage complètement fermé.
- C'était bien ? demanda soudainement Orel.
Question complètement con.
Il n'avait pas réussi à contenir l'accent accusateur qui perçait dans sa voix. Gringe tourna lentement la tête vers lui et le regarda un moment, les sourcils levés.
- Qu'est-ce que ça peut te foutre ? répliqua-t-il d'un ton sec.
- Je... Euh... Rien.
Ils se renfermèrent dans le silence. L'ambiance n'avait jamais été aussi tendue entre les deux rappeurs. Ils s'étaient déjà engueulés, bien sûr, ça leur était arrivé, mais jusque là ils s'étaient toujours dit les choses. S'ils étaient énervés, s'ils reprochaient quelque chose à l'autre, ils gueulaient un bon coup, crevaient l'abcès, et c'était terminé.
Orel jeta un regard vers son ami. Il avait rabattu son bonnet sur son front, dissimulant presque ses yeux, et il restait immobile. Une aura d'énervement émanait de lui, et ça faisait un peu peur à Orel. Mais en y regardant bien, il avait surtout l'air triste. Orel eut un pincement au cœur.
- Gringe... risqua-t-il en se rapprochant un peu de lui sur le canapé et en posant sa main sur son épaule.
Gringe se dégagea brusquement et, sans un mot, sans un regard, il alla dans sa chambre en claquant la porte. Encore une fois, il fuyait. Est-ce qu'il allait vraiment refuser de lui parler pour toujours ? Orel, triste et énervé, éteignit la télé et se roula en boule sur le canapé pour essayer de dormir.
VOUS LISEZ
Orelgringe
FanfictionGringe et Orel sont colocs et tout se passe pour le mieux jusqu'à ce qu'un jeu de drague par sms vienne tout chambouler... Début de l'intrigue inspiré du film Comment c'est loin