Chapitre 4

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Le cœur d'Orel était au bord de l'explosion. La porte se referma, et il vit la silhouette de Gringe s'approcher dans le noir et s'asseoir sur le bord du lit.

- Salut « Alexandra », dit-il.

Gringe ne souriait pas. Orel était pétrifié.

- Je... Je suis désolé... articula-t-il.

- Tu comptais jouer à ce petit jeu longtemps ?

- Je... J'en sais rien...

- Si c'était pour te foutre de ma gueule, je trouve pas ça drôle.

- Non ! répondit précipitamment Aurélien. C'était pas pour me foutre de ta gueule.

- C'était pour quoi, alors ?

Il y eut un silence. Orel ne répondait pas. Il sentait l'ambiance devenir de plus en plus tendue alors qu'ils détaillaient chacun le visage de l'autre en silence. Un long moment s'écoula.

C'était pour quoi ? C'était une très bonne question. Ça faisait des semaines qu'Orel se la posait, et il n'arrivait pas à formuler de réponse.

Enfin, si, il y arrivait. Mais ces réponses étaient inconcevables. C'était impossible, inenvisageable, c'était ridicule, c'était anormal. Il ne pouvait pas avoir eu ces idées derrière la tête depuis le début, il ne pouvait pas ressentir des trucs pareils.

C'était sûrement son cerveau qui lui jouait des tours. Il niait de toutes ses forces la vérité, mais la vérité revenait toujours plus frappante, et la vérité c'était qu'il s'était fait passé pour une meuf pour pouvoir draguer son meilleur pote par sms. Plus bizarre que ça, tu meurs.

C'était pour quoi, alors ? Il devait regarder la vérité en face : ce n'était pas seulement pour jouer. Ça l'était peut-être au début, mais plus après. Quoi que... Même au début, en fait. Orel y réfléchissait en essayant d'être objectif. Qui était assez tordu pour draguer son meilleur pote en se faisant passer pour une fille ?

Dès le début, cette histoire était vouée à devenir ambiguë. Et il le savait très bien au fond de lui, quand il avait commencé ce « jeu ». Dès les premiers messages échangés, dès les premières allusions, dès les premiers pas du jeu de drague qui s'était installé par sms, Orel avait éprouvé un certain plaisir, qu'il avait caché sous une apparente insouciance, légère et futile. « Non, mais je fais juste ça pour lui faire une blague ! » Comment est-ce qu'il avait pu se convaincre lui-même ?

C'était pour quoi, alors ? Orel n'osait pas formuler de réponse... Mais la réponse, il l'avait. Il regarda Gringe dans les yeux, et son estomac se retourna.

Est-ce que votre estomac est censé se retourner quand vous échangez un regard avec votre meilleur pote ?

Sans un mot, Gringe déplaça sa main de quelques millimètres, et ses doigts vinrent rencontrer ceux d'Orel. Il semblait guetter les réactions de son ami, anxieux. Mais Orel se laissa faire et entrelaça ses doigts avec les siens.

- Ça fait longtemps que tu sais que c'est moi ? demanda-t-il, le coeur battant.

- Ça fait un moment que je m'en doute, avoua Gringe sans lâcher la main d'Orel. Mais maintenant, j'en suis sûr.

Aurélien n'arrivait pas à soutenir longtemps le regard de son ami. Il baissait les yeux sur les draps, puis les replantait dans ceux du basané, dans ces yeux verts qui lui faisaient tellement d'effet. Il osa poser la question qu'il se répétait en boucle :

- Alors toi, pourquoi t'as pas arrêté ? Pourquoi t'as continué ?

Gringe ne répondit pas et se contenta de caresser doucement la main d'Orel, laissant traîner son pouce sur sa paume. Il leva les yeux vers son ami allongé, détaillant son visage éclairé par le peu de lumière qu'apportait la lune à travers la fenêtre sale. Il observa son front, ses yeux, son nez, ses joues, descendit jusqu'à ses lèvres si attirantes, sur lesquelles il bloqua un long moment. Est-ce qu'il oserait ?

Orel remarqua son regard et se redressa en position assise. Leurs visages étaient à quelques centimètres l'un de l'autre. Ils s'observaient en silence. Les mêmes questions sans réponses se bousculaient dans leurs crânes.

Les mains d'Orel se déposèrent délicatement sur les joues de Gringe. Celui-ci resta immobile, le cœur battant, le regard rivé sur son ami. Orel leva la tête et embrassa le front de Gringe, qui ferma les yeux, secrètement déçu. Ce n'était pas là qu'il voulait qu'Orel l'embrasse.

Mais les lèvres d'Aurélien restaient appuyées sur son front. Douces, légères, elles descendirent se poser sur ses paupières closes. Sur ses pommettes. Sur sa joue. Sa mâchoire. Gringe frémit quand il les sentit se poser au creux de son cou. Il bascula la tête en arrière tandis qu'Orel embrassait doucement sa peau tendre.

Son cœur battait à toute allure. Il sentit Orel remonter lentement. Ses lèvres suivirent la ligne de sa mâchoire, jusqu'à son oreille, puis vinrent embrasser sa joue. Elles se déplacèrent avec une lenteur toujours aussi calculée, déposant de légers baisers sur leurs passages. Puis elles s'arrêtèrent à quelques millimètres à peine des lèvres de Gringe, attendant l'autorisation muette de se déplacer encore.

Gringe, fébrile, attendit un instant. S'il donnait cette autorisation, c'en était fini. Leur amitié ne serait plus jamais comme avant... Mais il réalisa qu'il ne voulait pas que tout redevienne comme avant. Il ne voulait pas que cette ambigüité nouvelle disparaisse. Il choisit d'écouter ce que tout son corps lui hurlait de faire, et il tourna la tête.


OrelgringeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant