Chapitre 22

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  On nous sert une coupe de champagne, que je suppose être hors de prix. Une musique que j'affectionne tout particulièrement passe, et je suis agréablement surprise de remarquer que pour une fête de riches, les gens ne sont pas si coincés. Des jeunes femmes se déhanchent sur la piste et je ne tarde pas à les rejoindre. Mes hanches bougent au rythme entraînant de la mélodie. 

Au refrain, les filles, de plus en plus nombreuses, chantent le refrain et je suis le mouvement. 'Love Myself' , cet élan d'égoïsme est plaisant. Être altruiste c'est bien mais l'être trop c'est mauvais. L'égoïsme avec modération ne fait de mal à personne.

Je me fais plaisir pendant les trois petites minutes durant lesquelles la chanson joue, puis je retourne à côté de Chiago, qui parle avec un groupe d'hommes,  de plus ou moins son âge je dirais, à quelques années près. Ils sont tous tournés vers la piste, le regard fixé sur le corps en mouvement de certaines femmes, je dois le reconnaître, bien gâtées par la nature.

Quand je me poste à côté d'eux, un verre de jus de pomme à la main - n'abusons pas de l'alcool en service - ils se présentent chacun leur tour, l'attention attirée sur ma personne.

Le dernier à me donner son prénom, un blond au sourire goguenard, qui ne me dit rien qui vaille, s'approche de moi, et passe son bras sur mes épaules, comme si l'on se connaissait depuis des années.

- Ton déhanché est affriolant, poupée.

Les intonations de sa voix, voulues sensuelles, ne sont rien d'autres que ridicules. Je souris faussement, et passe ma main autour de son bras reposé sur mon corps. J'écrase ma chaussure à talon aiguille sur son pied, et il gémit de douleur. J'en profite pour retirer son bras de moi en m'éloignant. Ces machins sont vachement utiles finalement !

Ses potes rigolent tous et un se permet de taquiner Chiago :

- Tu es passée aux sauvages ? Toi qui clamait haut et fort que tu n'aimais que les douces et dociles...

Le prince passe un bras autour de ma taille, avec un sourire, tout aussi faux que le mien.

- Il n'y a que les idiots qui ne changent pas d'avis.

Il me tire et nous leur tournons le dos. Le buffet se rapproche progressivement, et plus nous avançons, plus je salive. Mais au dernier moment, il dérive et se dirige vers la sortie.

- Hé! Mais j'ai faim moi.

Il m'ignore et pousse la porte d'entrée. Nous passons à travers multiples jardins déserts, pour arriver devant le château de la famille royale de Grèce, celle qui organise cette fête. Il s'assoit sur les marches, et m'invite à en faire de même. Je prends place à ses côtés. Il sort un paquet de clope de sa poche de costume et s'en allume une. Il en tire une longue latte et recrache la fumée, quelques secondes plus tard. Sans parler, il me la tend, et je la saisie, volontiers.

Je n'avale pas la fumée et la rejette directement. Elle s'évapore dans le ciel noir de la nuit, pour s'effacer, avec un bout de ma santé. J'en tire une deuxième et et la rends à son propriétaire.

- Je suis désolé pour ces abrutis.

Je hausse les épaules, un air indifférent au visage.

- A force de trop serrer les jambes, leur cerveau a fini par étouffer...

Il pouffe de rire quelques secondes, ce son mignon m'arrache un sourire.

- Le blond lourdingue et mauvais dragueur est le copain de la princesse, l'aînée de la famille souveraine grecque, héritière du trône, elle a 20 ans, son frère y a renoncé. Elle a un sale caractère mais une fois que tu as réussi à passer les barrières qu'elle impose, elle est adorable.

Comme toi. C'est la première chose qu'il me vient en tête mais j'estime plus sage de le garder pour moi, loin de moi l'envie de le mettre en rogne ce soir.

- Tu connais la famille de Grèce personnellement ?

Il écrase son mégot sur la marche en béton sous ses pieds et glisse ses mains dans ses poches, les yeux fixés sur le ciel nocturne.

- Le roi est le meilleur ami de mon père. Ma soeur et moi avons passé une bonne partie de notre enfance ici. Le prince de Grèce est rapidement devenu mon meilleur ami, comme mon frère. Autrefois, le roi et la reine sortaient très souvent, ils croquaient la vie à pleines dents, accompagnés de leurs trois enfants. Aujourd'hui les choses ont bien changé.

Je fronce les sourcils, curieuse. J'hésite à poser la question qui pourrait faire changer l'atmosphère, cet homme est si imprévisible. Mais dans tous les cas, je risque seulement de retrouver le prince froid, sarcastique et cassant cachant sa personnalité derrière une muraille.

- Pourquoi ?

Le silence plane dans l'air, l'atmosphère change comme je l'avais craint. Elle devient plus lourde, pesante. Alors que je ne m'attends plus à aucune parole de la part du prince, il recommence à parler, toujours sans me regarder, le regard plongé dans les mille et une étoiles étincelantes.

- Ils avaient une fille de quatre ans notre cadette.  Sa naissance s'est faite dans le plus grand secret. Ils ne voulaient en aucun cas qu'elle soit exposée à toutes les mauvaises choses de ce monde. Ils l'ont placée dans un orphelinat et allaient lui rendre visite deux fois par semaine pendant les douze premiers mois de sa vie. Un acte plutôt stupide si tu veux mon avis. Ils avaient pour projet de l'adopter une fois qu'elle serait plus grande pour la faire réintégrer la famille sans avoir à justifier leur acte à leur peuple. En résumé, elle grandissait loin de notre monde, et ils faisaient croire qu'elle était adoptée.

Le silence reprend son droit sur le bruit, la musique du bal nous parvenait comme un fond sonore, éloigné.

- Seulement les choses ont mal tournés et un an et demi après sa naissance, elle a disparu des registres. La princesse était devenue introuvable.

Cette histoire est digne d'un roman. Une femme, d'un peu plus d'une vingtaine d'années a du sang royal dans les veines et ne le saura probablement jamais. L'ironie de la vie est cruelle parfois..

Prince ProtectionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant