Chapitre 23

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Mes fesses commencent à devenir douloureuses, installées sur cette marche en béton froide depuis un peu trop longtemps. Des frissons parcourent ma peau malgré mon blouson en cuir plutôt épais. Je rentre mes mains rouges et froides dans mes poches à la recherche de chaleur.

Aucun bruit ne se fait entendre depuis un moment, la musique s'est arrêtée quelques minutes plus tôt. Nous entendons parfois des éclats de rire lointains ou des gens qui parlent fort. Un défilé de limousines ou de toutes autres voitures de luxe se déroulent devant nos yeux, signe que le gala est fini.

Malgré la fraicheur de la nuit, je n'ai aucune envie de partir. Le calme qui règne entre nous est apaisant. Avec du recul, je réalise que c'est la première fois que notre échange ne tourne pas au drame. Pas un mot plus haut que l'autre, nous avons réussi à communiquer comme deux personnes civilisées. Et j'en suis étonnée.

Ce soir, j'ai vraiment l'impression d'avoir Chiago en face de moi, pas le prince d'Espagne, et je me surprends à apprécier cet instant. Ce qu'il m'a montré est loin d'être une personne aussi creuse que je pensais. Finalement, le fond n'est peut-être pas si loin. S'il garde cette attitude, nos rapports professionnels pourraient être agréables et cordiaux.

Un bruit de crépitement me fait tourner la tête vers lui. Une cigarette à la bouche, il place sa main devant pour la couvrir du vent et l'allume avec son briquet. La flamme bleue à la base puis orange, brûle l'extrémité de cette cochonnerie, la réduisant petit à petit à néant.

Cette addiction légale, peu prévenue malgré l'apparence que veut se donner la société actuelle, tue des milliers de gens chaque année et pourtant, nous continuons. Elle n'est pas retirée du marché pour un soucis d'argent, mais au final, vu le nombre de maladies qu'elle crée, elle coûte plus cher en soin qu'elle ne rapporte à l'achat...

Il en est à sa troisième en une soirée, il les enchaîne les unes après les autres. Je ne comprends pas comment il n'est pas écœuré. Deux lattes à l'occasion me suffisent amplement et je n'en ressens jamais l'envie, ou même le manque. L'odeur de cette drogue est insupportable, elle pue la mort, au sens propre du terme.

La fumée s'évapore dans la nuit tandis qu'il se lève pour se remettre sur ses pieds. Je suis le mouvement, comprenant que la soirée touche vraiment à sa fin. Je ne bronche pas quand il monte les marches trois par trois en faisant claquer ses semelles sur le béton. Le bruit de mes talons résonne dans la rue, redevenue calme.

Chiago salue le gardien qui le laisse rentrer sans problème dans le château, ma personne sur ses pas.

Les couloirs s'enchaînent plus rapidement les uns que les autres, me transportant grâce à la décoration dans plusieurs époques, lieux et styles différents. Passant du baroque à l'antique, de l'espace à la mer, de la clarté à l'obscurité en un tournant de couloirs.

Quand nous arrivons dans un endroit plus moderne, exclusivement fait de vitres opaques, le prince s'arrête devant une porte. Il pose sa main dessus et elle coulisse sur le côté, dégageant la vue sur une suite des plus contemporaine.

Un salon avec un fauteuil blanc opposé à un écran géant fait face à une cuisine composée d'un frigo, blanc laqué accordé avec le bar, lui, entouré de quatre magnifiques tabourets en bois.

Au bout de la pièce, j'aperçois vaguement ce qui ressemble à un dressing, et une salle de bain, ma vue obstruée par un lit King size recouvert de draps bruns absolument divins.

Cet endroit est vraiment spacieux, il sent l'argent à quatre cents lieux, mais c'est magnifique.

J'entends des pas s'éloigner et je me retourne pour voir le Prince partir.

Son dos musclé me fait face, alors je l'interpelle par son prénom. Il se stoppe rapidement, et se détourne de sa trajectoire.

- Tu vas où ?

Je plonge mes yeux dans les siens, et ce qui s'y reflète ne me plaît pas du tout. Le néant, la froideur. Un océan de glace.

- La soirée est finie, tu ne redeviens que mon employée et moi ton employeur. Alors tu me vouvoies et tout ira plus ou moins bien.

Tout un tas de noms d'oiseau défilent dans ma tête à son encontre mais plus encore à la mienne.

- Et je me change comment hein ?

Aucune expression n'apparaît sur son visage. Heureusement que je n'ai pas peur du vide puisque avec lui, j'aurais le vertige.

- Vous vous débrouillez comme je l'ai fait en début d'après-midi pendant que vous vous amusiez.

Je souffle et rentre dans la chambre. Cet abruti a eu sa vengeance. Mais je ne me laisserai pas faire. Je suis bien décidée à lui montrer qu'il n'est supérieur à personne et que le Karma est toujours là pour te le rappeler à un moment où à un autre. Je serais son Karma.

Je m'étale sur le lit, un peu désespérée. Cette robe me moule, et il est hors de question que je dorme avec, ce n'est même pas envisageable.

Tout ça à cause de ce stupide prince. Je m'en veux de m'être fait des illusions. Jamais nos rapports ne seront cordiaux et calmes. Dès que le fossé qui nous sépare se bouche quelques instants, il finit par se recreuser encore plus profondément.

Prince ProtectionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant