Chapitre 31

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Cet homme est dingue. J'en suis maintenant persuadée.

Nos chevaux courent toujours l'un à côté de l'autre. La distance entre ma jument et son cheval est insignifiante, ma jambe droite frotte la robe noire de l'étalon.

- Jordan, saute !

Mes yeux passent plusieurs fois du sol à la jument, comme pour évaluer la distance entre le boue et moi. Le choc va être rude.

Je souffle un grand coup, et m'apprête à me laisser tomber sur le côté, quand une fois de plus, une main m'attrape le bras, le même que toute à l'heure face au cheval aux yeux ténébreux.

- Pas au sol, idiote ! Derrière moi !

Mes yeux s'ouvrent en grand. Je ne suis pas équilibriste ou amatrice de voltige moi ! Comment je vais faire ?

- Génie, je fais comment hein ?

Je ne le regarde pas, mais je l'imagine bien lever les yeux au ciel, avec exaspération comme il le fait souvent. Cette pensée m'arracherait presque un sourire en temps normal. Mais ici, dans cette situation digne d'une ridicule télénovela latine, j'ai d'autres préoccupations. Comme celle de passer d'un cheval à l'autre sans mourir.

- Passe ton genou gauche  sous ta fesse en prenant appui sur mon épaule. Ensuite rapidement, donne une impulsion, et le tour est joué !

Bon sang, je vais mourir.

- Allez Jordan, je te pensais plus audacieuse que ça ! Serais-tu une trouillarde en fin de compte ? Non parce que si c'est le cas, tu n'es pas tailler pour me protéger. Si sauter d'un cheval t'effraie, comment ferais - tu face à un truand, ou à une menace ?

Le con ! Il sait comment me faire bouger lui. Il titille ma fierté, il a tout compris à mon fonctionnement le fourbe...

Et uniquement par fierté, pour une nouvelle fois faire mes preuves, je vais faire ce qu'il me demande. Cet acte suicidaire.

Allez Jordy, tu es audacieuse !

Sans y réfléchir à deux fois de plus, pour ne pas me dégonfler, je cramponne mes deux mains à ses épaules, et positionne ma jambe comme il me l'a expliqué. L'instant qui suit, je décolle de ma jument, pour atterrir, la jambe droite sur le flanc droit du cheval du Prince, et la jambe gauche coincée sur celle de Chiago.

J'entoure son buste taillé dans la pierre de mes bras, aussi bien pour ne pas tomber que pour en profiter. Ma jument, libre de ses mouvements, se cale malgré tout juste derrière notre monture, au même rythme.

Je ferme les yeux, et les dernières secondes repassent comme un film. Mon cœur bat la chamade, mon souffle est erratique. Je tente de me calmer, en prenant de grandes inspirations. Sur ma cuisse gauche, se pose la main puissante du brun, qui dessine un cercle avec son pouce. Ce geste -très- surprenant, venu du personnage, me calme instantanément.

Ce pouvoir que son toucher a sur mon corps et mon esprit est effrayant. J'en deviendrais presque dépendante.

- On va s'arrêter là, le temps que la pluie se calme.

Il me désigne une espèce de grotte couverte de mousse. Il descend du cheval, avec agilité. Je ne suis pas sure de pouvoir faire la même chose.

Je n'ai pas le temps de penser quatre fois à une solution pour descendre tout en gardant ma dignité. Une main posée sur ma cuisse gauche, l'autre sur mon flanc droit, Chiago me tire contre lui.

Envahie de frissons, je ne bouge plus. De l'extérieur je dois avoir l'air de la godiche sauvée par le Prince charmant sur son cheval blanc. Ce sont des conneries tout ça. Chiago est le strict inverse de ce cliché, lui, est le Prince ténébreux aux milles failles, sur un cheval noir.

Et moi, je ne suis pas une jeune fille pure et innocente, naïve face à la Vie et ses épreuves. J'étais du genre à être celle que les gens aimaient peu, celle que tout le monde trouvait mauvaise, sombre. Et aujourd'hui, parce que vous faites certains actes, on vous colle une étiquette, moi c'était celle de la mauvaise fille. Bagarreuse, téméraire, audacieuse, la première qui répondait présent pour faire des conneries mais aussi la première manquante à l'appel quand il s'agissait de les assumer...

A y repenser j'étais quand même un brin lâche et peureuse face à la réaction de mes parents. Chaque fois qu'une nouvelle de mes bêtises arrivaient à leurs oreilles, ils étaient plus déçus encore... Ils avaient tout fait pour moi, ils m'avaient sauvée d'une vie de malheur, et malgré tout, faire n'importe quoi était plus fort que moi. Je ne voulais pas ressembler à toutes ses petites filles habillées de robes rose bonbon et de petites couettes. Je n'étais pas comme elles. J'étais l'autre, trop nulle pour que mes vrais parents me gardent, la petite fille aux idées trop sombres pour son âge malgré tous les efforts de ses parents adoptifs.

Chaque jour le besoin de me démarquer et de creuser cette différence par moi-même, et pas en attendant que les autres le fasse à coups de remarques désobligeantes et blessantes, était plus fort. Me poussant à faire des erreurs, des  conneries, à sortir de nombreuses fois du droit chemin. Ainsi était faite ma carapace, de faux-semblants et de noirceur. Plus je répondais au personnage que les autres m'avaient créer, plus je me sentais à ma place. Même si je n'avais jamais eu une seule personne qui tenait à moi à l'école jusqu'au secondaire.

L'impact des autres sur notre vie et notre façon de faire est effrayante, et j'en sais quelque chose.

***

Le rythme scolaire ayant repris son droit sur mon emploi du temps, la fréquence des publications s'espacera un peu, j'en suis désolée :) Je pense principalement poster le mercredi et le WE.

Merci pour le nombre de vues qui ne fait qu'augmenter ces jours-ci, vous pouvez pas imaginez comme c'est agréable et surprenant pour moi.

Bonne soirée,

- C

Prince ProtectionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant