UN TEMPS DE PAIX(novembre 844)Hannes, capitaine de la garnison

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Les préparatifs vont bon train

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Les préparatifs vont bon train. C'est agréable de voir tout le monde se remuer un peu et oeuvrer dans un but commun. Les gars et moi devons raccompagner le cortège de la compagnie Reeves à la porte nord. C'est peut-être un peu exagéré, mais le conducteur craint les vols ou d'autres barrages de bandits. Des bandits, ici ? Des voleurs à la sauvette, pourquoi pas, mais on est pas dans les bas-fonds. Enfin, cela nous donne l'occasion d'inspecter les alentours.

Je dois bien dire que la garnison n'inspire pas les meilleurs sentiments à tout le monde ; de ce côté-là, nous sommes solidaires des explorateurs... Mais on a pas tellement de choses à faire en journée, alors on passe le temps comme on peut. Jouer aux cartes, boire un coup avec le riverain, c'est aussi un service de proximité ! Je ne me plains pas de cette oisiveté ; après tout, cela signifie que tout va pour le mieux, non ? Même si je rentre presque tous les soirs voir ma femme, la caserne est mon chez moi.

Les seules vraies distractions ont lieu quand le bataillon traverse la ville en vue d'une expédition. Ou quand ils demandent à escalader le Mur Maria pour des exercices ou l'entretien des pièces d'artillerie. Il faut bien dire que ces gaillards là ont rien à voir avec nous. Ils ont comme une flamme dans le regard... On les prend pour des originaux, et même si la plupart le sont, j'ai tapé le carton avec quelques-uns et je sais que ce sont pas de mauvais bougres. Zacharias, par exemple. Je lui parle souvent pendant le service, il ne perd jamais une occasion de nous aider. La petite Greta est mignonne aussi, même si je sais qu'il faut pas s'y fier et qu'elle peut facilement montrer les dents. Comme je suis chef de garnison à Shiganshina, j'ai souvent contact avec le major Shadis, et il a les pieds sur terre.

Mais y'en a d'autres qui... enfin, ils ont pas l'air si accessibles. Hanji Zoe m'a l'air tout à fait inconsciente - j'ai jamais réussi à comprendre ses lubies - et Erwin Smith est vraiment intimidant. Je suis pourtant pas du genre à me ratatiner, mais on sent bien qu'il faut pas lui marcher sur les pieds, à celui-là... Et il y a la nouvelle recrue qui fait tant parler d'elle, Livaï, je crois... Je sais pas quoi penser de lui. Il se montre serviable seulement quand il veut et paraît peu intéressé par les rapports simplement humains...

Quand il a soulevé de terre l'énorme sapin, sans l'aide de personne, j'ai cru défaillir. Apparemment, ça n'a choqué personne à part moi. Je suis le seul à avoir remarqué que ce minus a abattu à lui seul un travail que seule une dizaine d'hommes aurait pu effectuer avec une chance de réussir ? Greta m'a informé que sa force était en quelque sorte un sujet tabou et qu'il valait mieux ne pas l'évoquer. Très bien, je ferais semblant de rien alors. Mais tout cela me paraît vraiment pas naturel, je dis ça... Enfin, si sa force est aussi extraordinaire au combat, pas étonnant que son nom soit remonté jusqu'au siège des brigades spéciales.

Avec lui comme explorateur, on peut attendre des résultats concrets. Quoique... je me suis toujours demandé en quoi consistaient des "résultats concrets" pour un explorateur... A part revenir vivant... La seule chose que je constate moi-même, c'est qu'ils sont toujours moins nombreux au retour qu'au départ... Vraiment, je ne les envie pas. Ma petite vie de garde, même bourré, me paraît plus gratifiante...

Le soleil commence à baisser. Les rues sont toujours animées et j'en profite pour faire le tour des commerçants que je connais bien. Ils sont tous sur le pied de guerre ; de bonnes odeurs sucrées s'échappent des fenêtres et des soupiraux, et le boulanger me salue de la main quand je me penche pour lui souhaiter de bonnes ventes. Les spécialités locales sont déjà en cours de préparation et seront prêtes le jour de la fête. Comme elle va durer plusieurs jours, il faut en prévoir en bonne quantités.

Les décorations ne sont pas encore toutes en place. Il nous reste à incorporer les bougeoirs dans les sapins, et les chandelles seront allumées le 25 du mois de décembre. Elles seront entretenues jusqu'au 31, et nous devront veiller à ce qu'il n'y ait pas d'incident. Il y a deux ans, cela a été mal fait et un des arbres a brûlé. C'est regrettable car cela brise l'ambiance de paix et de fraternité qui enchante chaque habitant durant cette période. C'est un lieu commun de dire ça, mais pendant Yule, même les truands cessent de truander, c'est vrai !

Je jette un oeil dans une ruelle et distingue deux silhouettes familières. Qui voilà ? Qu'est-ce que vous faites là, les enfants ? Il est tard, Eren, ta mère doit s'inquiéter. Tu devrais avoir plus d'égard pour elle ! Mikasa me regarde en approuvant de la tête. Elle murmure de sa petite voix habituelle qu'Eren voulait aider à décorer mais on ne l'a laissé toucher à rien alors il boude. Tout à fait lui, ça ! Ecoutez, je vous laisse m'accompagner jusqu'à la porte nord si vous me promettez de rentrer chez vous juste après, ça vous va ?

Mikasa se renfrogne mais Eren saute sur ses pieds aux chaussures usées et se place à côté de moi. Pas la peine de te montrer si fier, je sais bien que tu ne penses pas grand bien de la garnison, Eren. Tu ne jures que par le bataillon d'exploration, pas vrai ? Ne te fais pas d'idée, mon gars, tu ne sais absolument pas en quoi consiste réellement leur boulot. Tu prendrais tes jambes à ton cou si tu savais ! Il m'écoute sans mot dire, mais son expression déterminée ne disparaît pas. Allez, ne fais pas de peine à ta mère, deviens un gentil artisan, trouve-toi une femme, une maison et un chien, et tu auras la belle vie !

Le petit me répond que c'est pour les lâches, et il se met à marcher devant moi, dans une piètre imitation du pas militaire. Il a du cran, ce petit. Mais je sais que Carla ne veut plus entendre parler du bataillon, et Eren le sait aussi. Il ne veut pas lui causer du chagrin mais il a un caractère trop bien trempé pour se taire.

Je le rattrape et lui tape sur le haut du crâne. Bah, de toute façon, tu es bien trop jeune encore ! Trouve-toi des occupations de ton âge au lieu de faire des plans irréalisables ! Tu es tellement téméraire que tu te ferais bouffer par le premier titan venu ! Mikasa me balance une bourrade dans le creux des reins et me dit avec fermeté qu'elle ne laissera personne bouffer Eren, car elle sera là pour le protéger.

Et bien, vous faites vraiment la paire, vous deux.

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 2 [+13]Where stories live. Discover now