QUI LAISSE UNE TRACE, LAISSE UNE PLAIE(avril 845)Greta Elfriede

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Je distingue une tour au loin

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Je distingue une tour au loin. C'est pas trop tôt ! Cette journée était sans fin, à se battre tout le temps comme ça ! Nous allons gravir cette colline et les titans vous nous ficher la paix !

Apparemment, ils ne viennent toujours pas par ici. Même les déviants prennent pas la peine de monter jusque là quand il n'y a personne. C'est un peu plus risqué quand nous sommes là, mais c'est très éloigné de leur trajectoire. C'est l'endroit idéal pour s'élancer dans d'autres directions. C'est aussi le seul avant-poste où on peut être à peu près sûr de dormir tranquille.

Les chevaux marchent au pas. Ils ont bien donné. L'encolure de la jument de Livaï est blanche d'écume et de transpiration, même Erwin est un peu courbé sur sa selle. Ca avait été moins mouvementé avec la formation de détection à longue distance, mais on s'en est pas mal sortis. Je détache ma gourde de ma selle et avale de longues gorgées. L'eau est tiède, mais c'est du nectar pour ma gorge en feu. La perspective d'un "bon" dîner ne me déplaît pas. Il sera toujours temps de savoir quoi faire demain ; à moins qu'on crèche ici plus longtemps, c'est possible.

Steff pique des deux pour rejoindre Erwin en tête, laissant les équipes derrière. Je me tourne sur ma selle ; la moitié d'entre eux n'avait encore jamais vu de titans. Mais ils sont tous là, en vie. C'est une victoire, qu'Erwin ne manquera pas de signaler. Même si ce n'est que le début du voyage, c'est un exploit. Je souris à cet idiot de Vinzenz - qui a intégré l'équipe de Gelgar -, et il me sourit en retour. Nanaba sermonne une des recrues sur sa propension à aller au combat sans ordre préalable, et le jeune répond qu'il ne recommencera plus car il a eu la trouille de sa vie. Seules les voix des explorateurs donnent de la vie au paysage.

Enfin, nous abordons l'enceinte de pierre. Nous dessellons les chevaux fissa et les laissons s'égailler dans les environs. Les précieux chariots sont rentrés à l'intérieur et une bonne partie du matériel est entreposée dans les salles. Le major a prévu de les y laisser pour le retour. C'est pour ça qu'il y en a autant : deux d'entre eux seront stationnés dans les deux avant-postes que nous devons rallier, le dernier pour l'inconnu.

Je me laisse tomber dans mon coin préféré, là où notre escouade a toujours ses aises. Erwin a ses propres quartiers ici, mais cette fois il va rester avec nous. Nous sommes très nombreux cette fois et les soldats essaient tant bien que mal de s'aménager un espace. Ce n'est pas notre souci ; on se connaît depuis si longtemps que rien ne nous plaît davantage que d'être ensemble. Nous enlevons nos fourreaux, nos bobines, et les alignons contre le mur.

Le major nous laisse quartier libre jusqu'au coucher. Les cordons bleus du bataillon essaient comme ils peuvent de mijoter un repas collectif avec ce dont ils disposent : haricots et lard. Mais Gelgar nous révèle qu'il a un petit extra... Il sort de sous son tapis de selle deux bouteilles, et c'est pas de la piquette, vues les étiquettes ! Il précise qu'il les cache depuis Yule. Hé, mais attends, on a pas le droit de boire pendant le service ! Si le major te chope avec ça, t'es mal... Il me souffle que si personne ne va le lui dire, tout ira bien.

Erwin s'amène avec des assiettes pleines de nourriture pour ses soldats, suivi de Livaï, lui aussi les bras chargés. Gelgar tente de cacher les bouteilles, mais Erwin lui demande de les lui montrer. Gelgar transpire un peu, mais le chef siffle entre ses dents en regardant le millésime et affirme que c'est une chance si ces merveilles ont pu arriver intactes jusqu'ici, que c'est un signe du destin. Il faut fêter ça.

Tout le monde se remet à respirer et nous commençons à manger, tous assis en rond. Erwin débouche la première - en posant un doigt sur ses lèvres pour ordonner la discrétion - et serre le breuvage à tout le monde. Il a un temps d'arrêt quand les recrues se présentent... Hmm, ce sont des enfants encore, ils n'ont pas le droit de boire... Enfin, selon la loi des Murs... Mais ici, à l'extérieur, loin de Maria, la loi des soldats est différente. Il les fait participer - en diminuant quand même la dose de moitié- et nous trinquons tous à la bonne marche de l'expédition, en souhaitant bon voyage à notre unique mort de la journée. Même Livaï se laisse tenter alors qu'il n'aime pas le vin en temps normal ; mais celui-ci est vraiment excellent. Erwin nous félicite tous pour notre excellent travail d'équipe et espère voir la même chose demain.

Evidemment, notre tapage attire d'autres camarades - il faut dire que Gelgar est déjà un brin saoul -, qui réclament aussi un peu de cette divine boisson, et bientôt les bouteilles sont vides. Chef Hanji titube sur ses jambes, les lunettes de travers, et Steffen se met à me balbutier à l'oreille des propos incompréhensibles. Je n'ai bu qu'un tout petit peu ; je déteste être ivre, perdre le contrôle. Et puis les maux de tête... très peu pour moi.

J'irai bien en haut de la tour prendre un peu l'air, les haleines alcoolisées embaument la pièce...

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 2 [+13]Where stories live. Discover now