INSPECTION DES CADETS(février 845)Livaï

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Au moment où je me dis qu'il est doit être tard, les cloches du beffroi de Stohess se mettent à sonner

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Au moment où je me dis qu'il est doit être tard, les cloches du beffroi de Stohess se mettent à sonner. Je commence à compter, et quand c'est fini, elles ont retenti dix-huit fois, rien que ça. La journée est passée vite. Je pensais m'ennuyer mais j'en ai rien vu en fait.

Mike et moi sommes revenus depuis environ une demi-heure. Les cadets semblaient plutôt intéressés par nos anecdotes d'exploration, on a eu du mal à décoller. C'était que des gosses après tout...

Nous parcourons de nouveau le boulevard en sens inverse ; il est éclairé par les réverbères fraichement allumés et Mike nous remet sur le chemin de la gargote de richards dans laquelle Erwin a passé la journée. A moins qu'ils ne soient partis se promener, dans ce cas on a dit à Erwin qu'on l'attendrait là où la diligence nous a déposés. Il essaiera peut-être de nous faire faux bond pour se venger. Il a pas intérêt...

J'en suis là de mes réflexions quand je distingue au coin d'une rue éloignée deux corbacs qui papotent. Je tire la manche de Mike et les lui montre discrètement. Il regarde, renifle et se demande ce qu'ils font là. Ils ont l'air de mijoter un sale coup, ces deux-là. Mes yeux restent fixés sur les deux soutanes noires et sinistres, de temps en temps aveuglés par un dernier rayon de soleil reflété sur les colliers en or... Tu crois que ce sont eux qui vont au camp d'entraînement vendre leur soupe ? Mike secoue la tête et dit qu'il en sait rien.

Moi, j'aime bien savoir à qui j'ai affaire ; et puis les rues sont à tout le monde, non ? On va les filer pour voir ce qu'ils font. Mike tente de me retenir en protestant, mais je m'élance à leur suite, reprenant mes bonnes vieilles habitudes des bas-fonds. Les mains dans les poches, l'air de rien, je me place à quelques mètres afin de pouvoir distinguer leurs lèvres et lire dessus. Je suis trop loin... Merde, les voilà qui s'arrachent ! Viens, Mike, on les suit !

Mike me file le train à distance - sa stature risque de se remarquer - et on se met à enfiler rues et ruelles de façon chaotique, à la poursuite des deux corbacs. Je sais pas où ils nous emmènent, mais comme j'ai un bon sens de l'orientation, je crains pas de me perdre. Ils ont l'air pressés... et Mike inquiet. Il me glisse à l'oreille qu'on se dirige vers le coeur de la ville. Merci, j'avais compris. Je pensais que Stohess était tout à fait droite et ordonnée, mais vers le centre, c'est un peu enchevêtré...

Les corbacs tournent à un coin et je me dépêche de pas les perdre de vue. Mike rechigne à aller plus loin en prétextant qu'on va s'attirer des ennuis si on se retrouve là où on devrait pas... Et quoi ? On est des soldats, non ? On peut aller où on veut. T'inquiète, je gère. Ils sont pas clairs et je m'y connais.

On débouche dans une nouvelle ruelle, avec un magasin de curiosités sur la gauche. Elle semble se terminer en cul de sac, mais tout au fond se dessine une porte massive en bois, avec des gravures dessus ; une porte de nobliau. Enorme. Y'en a qui se refuse rien, je vous jure. En m'approchant à pas feutrés, je remarque qu'il s'agit d'un grand bâtiment dont les hauteurs se perdent au-dessus de la ville. Je regarde des deux côtés pour retrouver les deux rats en vadrouille, mais je les vois pas. Ils ont dû entrer ici, ou faire le tour.

Je suis partant pour aller carrément me présenter à la porte mais Mike m'attrape et me fait reculer de force cette fois. On bat en retraite dans la boutique, ou une bonne femme nous jette des regards intéressés, curieuse de savoir ce que deux explorateurs viennent faire dans son échoppe. Mike me lâche, je rajuste ma mise et il demande à la femme quel est le bâtiment à l'extérieur, celui avec la belle porte. Elle répond en chevrotant qu'il s'agit de l'église du culte du Mur, et que seuls les adeptes ont le droit d'y pénétrer.

Ah, bah voilà, tout s'explique, les deux corbacs sont rentrés au nid. C'est donc là qu'ils crèchent ? C'est bon à savoir. C'est vrai qu'on nous l'a dit plus tôt, j'avais oublié. On le dira à Erwin. Au sujet d'Erwin, si on allait le chercher ? Il serait capable de pas nous attendre, Mike, on se magne !

On retrace notre route en sens inverse - je constate que l'odorat de Mike est également utile pour ce genre de chose, quel limier ! - et nous nous retrouvons de nouveau sur le boulevard, un peu plus à l'est que quand nous l'avons quitté. Devant nous s'étale le quartier général des brigades spéciales, avec son lot de glandeurs. Quand nous passons devant, les soldats de faction nous observent en reniflant avec dédain et je prends même pas le temps d'y redire quoi que ce soit. Même si nos objectifs sont identiques, nos moyens pour y arriver sont très différents et inconciliables, de toute façon. Que nos chefs respectifs s'entendent bien importe peu. On peut difficilement se sentir les uns les autres et c'est comme ça.

Nous revoilà devant le bistrot, et une petite pluie fine nous accompagne à l'entrée. Erwin est pas là. Mike va jeter un oeil à l'intérieur et revient en disant qu'ils sont partis tous les trois y a à peine une heure. Ok, direction l'arrêt de la diligence. Mais il est vraiment tard, je pense pas qu'Erwin voudra qu'on fasse la route de nuit... En tout cas, ça m'emballe pas.

Comme de juste, le voilà. Seul, mouillé et misérable, il nous attend sous un réverbère, les mains dans les poches, le col remonté. Il a l'air d'un malfrat vu d'ici, c'est flippant ! Il se dirige vers nous et comme je m'y attendais, il nous informe qu'on va plutôt dormir à Stohess et reprendre la route demain. Maintenant que j'y pense, les hôtels doivent être hors de prix ici... et dotés de salles de bain princières, renchérit Erwin pour couper court à mes protestations. Tu sais comment t'y prendre, toi...

Tandis que le chef nous emmène vers un établissement de sa connaissance - c'est pas possible, il a dû crécher dans tous les districts au moins une fois -, je lui demande s'il a réussi à tirer les vers du nez à Monsieur Moustache ; histoire qu'on soit pas venus pour rien. Il répond que Nile lui fournira des informations sur le moindre profil suspect et qu'il surveillera de près les adeptes du culte du Mur. A ce propos, on a des trucs à te dire ; et notre journée à te raconter aussi.

Mmh, Mike, tu veux bien le faire ? Je sais pas raconter, moi...

Les Chroniques de Livaï ~ Tome 2 [+13]Where stories live. Discover now