Quand j'y repense, quel temps de perdu ! Une fois arrivé à la cité industrielle, j'ai montré mon laisser-passer et le reçu pour la livraison aux gars de la guilde, qui ont mis des plombes avant de sortir tout le matériel pour lequel le bataillon avait payé. Je pensais que tout était déjà prêt mais pas du tout ! Je les aurais bien secoués un peu mais le patron est un pote d'Erwin et je voulais pas mettre le bordel. Ils m'ont offert à boire en compensation, mais bon sang, c'est la première et la dernière fois qu'on me fait poireauter comme ça !
Quand nous sommes partis, avec trois chariots pleins, il était déjà bien tard, et nous avons fait une première halte dans un petit hameau au nom imprononçable. J'ai dormi dans un des chariots, allongé sur une pile de caisses recouvertes d'une toile rêche. J'ai pas réellement fermé l'oeil, même si à l'intérieur du Mur Rose, il y avait pas trop à s'en faire niveau pillage. Un môme est venu me voir alors que la lune brillait haute et claire ; je sais pas quel âge il avait mais il était pas vieux. Il m'a demandé si j'étais un explorateur et si j'avais déjà tué des titans. J'aime pas les morveux, je sais pas comment leur parler, mais je m'ennuyais alors on a discuté quelques minutes. A la fin, je lui ai dit de rentrer car à cette heure il devrait être au lit, et sa pauvre mère allait s'inquiéter. Il a protesté mais il a obéi quand j'ai menacé de lui botter le train.
Nous sommes repartis de bonne heure et c'était pas trop tôt car le convoi avançait à une vitesse d'escargot. Jusqu'à la porte de Trost, je chevauchais un peu en avant, jetant de temps en temps un coup d'oeil en arrière pour m'assurer que tout le monde suivait bien. A part soupirer et leur ordonner d'aller plus vite, je pouvais rien faire. Les chevaux de la guilde Maja ne sont pas habitués à marcher vite, ce sont des bêtes lourdes et massives... Si une attaque devait se déclarer, on ne pourra pas compter sur elles. C'était pour ça que j'étais là , Erwin y avait pensé.
Pendant que je marche au pas, je sors de ma poche les deux missives que l'on m'a remises à la cité : une adressée au major, et l'autre à Erwin. J'ai du mal à retenir ma curiosité, mais je suis pas comme ça. C'est sans doute privé et ça me regarde pas, même si je suis sûr qu'Erwin me la montrerait si je lui demandais. Il le fera peut-être. Bordel, on avance tellement lentement que je pourrais me sortir un bouquin... A ce train-là, on sera pas rentrés à l'heure prévue. Il faudra de nouveau s'arrêter sur la route.
Ca me dérange pas de coucher à la belle étoile. Je préfère autant ça. Au moins, aucun obstacle ne me bouche la vue, et l'air s'est réchauffé. J'ai même l'impression de sentir un parfum de fleurs dans le vent... Ca y'est, le soir va tomber. Je me demande ce qu'ils font, à la forteresse. A tous les coups, Erwin est en train de ronger son frein et de s'inquiéter. Greta doit ranger son équipement et Steffen ne va pas tarder à passer sous la douche - c'est moi qui lui a donné l'habitude de se laver matin et soir. Mike doit flairer les nouveaux pour tenter de savoir à qui il a affaire, et la bigleuse court sans doute après le major pour lui proposer encore et encore son projet complétement dingue de capture de titans. Et ils recommenceront sans doute demain matin.
Revoir Greta et Steff m'a fait beaucoup de bien. Leur absence me pesait à force. Quand je suis habitué à avoir des gens autour de moi, j'aime pas qu'ils s'absentent trop longtemps, je préfère savoir ce qu'ils font... Ce n'est pas très agréable de toujours se sentir inquiet pour les autres, de penser constamment à eux quand ils sont loin... mais j'y peux rien c'est plus fort que moi. Le tout, c'est de faire en sorte qu'ils le remarquent pas. J'étais déjà comme ça avec le gang. Furlan disait que j'étais trop possessif et pas si ouvert que ça aux changements et aux imprévus... Bah, l'essentiel, c'est d'y être préparé et capable d'y faire face, c'est dans mes cordes. Si on s'adapte pas, on finit par crever.
Le convoi fait halte près d'une petite rivière. Cet endroit est tout à fait charmant mais faut pas s'y fier ; des brigands peuvent se dissimuler autour de nous, près des arbres. Dans les plaines de Maria, la sécurité n'est guère assurée ces derniers temps, et c'est moi qui dois m'en charger. Je reste à l'affût, tout en me penchant au-dessus de l'eau pour m'asperger le visage. Je me sens crade, j'aime pas ça, et raison de plus pour ne pas traîner. Quand je pense que je pourrais être dans une baignoire en ce moment... J'en profite pour scruter les environs sans en avoir l'air, tandis que les chariots se groupent dans un coin, pas trop loin. Les ouvriers sont pas rassurés et me demandent plusieurs fois si tout va bien, si cet endroit est sûr.
N'importe quel endroit est sûr tant que je suis là. Si un connard pointe le bout de son nez, je le lui coupe, c'est simple. Alors cessez de vous faire de la bile et laissez-moi faire une reconnaissance des lieux.
Je monte sur une petite hauteur, au-dessus du convoi, et observe la vue. Les derniers rayons du soleil vont disparaître à l'horizon, et le lac semble en feu avec toutes ces couleurs... D'ici, je peux surveiller un large périmètre et tout intrus qui se dirigerait par ici serait immédiatement repéré. Je décide d'en faire mon nid pour la nuit. Je m'installe sur un rocher, avec un sac pour mon dos, et je commence à compter les heures. Rester éveillé n'est pas un problème pour moi. J'ai des tas de choses à penser.
Une nouvelle expédition sera mise en place quand j'aurai amené ce chargement intact à la forteresse. Tout le monde compte sur moi. On aurait dû arriver en fin d'après-midi, mais avec tout ce retard, on se pointera que demain matin. Je m'allume une clope, tandis que mes compagnons de voyage dorment du sommeil du juste. Je reste comme ça, bien tranquille, pendant environ deux heures, quand j'entends des bruits furtifs en contrebas. Ils ne sont pas durs à percevoir, car il n'y a aucun autre son. Une éclaboussure se fait entendre, et un juron à voix basse. On a de la compagnie ; une compagnie de bras cassés qui sait pas se faire discrète. Des amateurs. Je saisis ma poignée droite et enclenche une lame. Si je peux les faire fuir sans les tuer, j'essaierai.
Après tout, c'est pas comme si j'avais pas moi-même attaqué des convois, dans le passé... Ce serait abusé de dire que je les comprends, mais... si, en fait. Sauf que là, c'est à moi qu'ils ont affaire, et j'ai une mission.
Dommage pour eux.
YOU ARE READING
Les Chroniques de Livaï ~ Tome 2 [+13]
Fanfiction(LISEZ LE TOME 1 AVANT !!) L'histoire de Livaï comme vous ne l'avez jamais lue. Le personnage le plus populaire de L'Attaque des Titans, le soldat le plus fort de l'humanité... Qui est-il vraiment ? Qu'a-t-il dans le coeur ? Qu'est-ce qui a fait de...